Disons que ça devient une habitude : les deux leaders se sont à nouveau échangé le flambeau cette nuit. François Gabart a repris les manettes de la course, cueillant les bénéfices de son positionnement une trentaine de milles plus nord que celui d’Armel Le Cléac’h : comme prévu, Macif a visiblement touché le flux de nord-ouest en premier et il allume sévère : au pointage ce matin, sa dernière heure est supérieure à 21 noeuds de moyenne !
Mais gare à la mer qui doit être déjà bien méchante sur zone : la journée devrait être plus que sportive une fois de plus pour Macif et Banque Populaire. Il n’est pas impossible que le vent atteigne encore les 40 noeuds… En outre, plus leur trajectoire les rapprochera des côtes kiwis et moins carrossable sera la mer.
Négocier la Nouvelle Zélande
Plongeront-ils un peu au Sud pour y chercher des conditions moins mauvaises, ou bien insisteront-ils sur cette trajectoire et ce cap plein Est, tout droit sur le 49e Sud ? C’est une des questions du jour, sachant que l’antiméridien – qui est aussi l’extrémité ouest de la prochaine porte des glaces – est à 950 milles de leurs étraves et que la porte suivante, la Pacifique Ouest, a été remontée sur ce même 49°Sud. Exactement à la même latitude que celles où ils naviguent ce matin, donc. Elle est à 2000 milles, certes, au beau milieu du Pacifique, mais il faut déjà l’anticiper. Plus proche, il faut donc d’abord anticiper le franchissement de la Nouvelle-Zélande. La trajectoire naturelle aurait tendance à faire passer les deux leaders entre l’île du Sud et les îles Auckland… mais c’est un chemin très périlleux où la mer a toutes les chances d’être infecte, avec la remontée des fonds…
A part ça? Et bien les deux phénomènes sont déjà en train de rentrer à la maison, vers Les Sables d’Olonne ! La fin du 39e jour de course ce mercredi coïncide avec la mi-parcours (de la route théorique). On voit d’ici les raisonnements trop rapides se profiler à l’horizon, puisque deux fois trente-neuf font toujours soixante-dix huit et donc moins que quatre-vint. Ayant malencontreusement égaré ma boule de cristal et le numéro de portable de ma voyante, je me garderai bien de me prononcer là-dessus.
Pendant ce temps, Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec, 3e) a une nouvelle angoisse à gérer : parviendra-t-il à accrocher ce front qui offre du nord-ouest soutenu ou subira-t-il la même mésaventure que voilà une petite semaine, en ratant le phénomène à quelques milles près avec les conséquences que l’on sait? “Jipé” a perdu une centaine de milles ces trente dernières heures (250 parcourus contre 350 pour François Gabart) et à l’approche de la porte Australie Est, il accuse déjà 473 milles de retard. L’autre danger pour lui est que les deux nordistes Alex Thomson (Hugo Boss) et Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) déboulent à grande vitesse du haut de la carte : à 18 noeuds, soit 7 de plus que Virbac-Paprec ce matin ! Et ils ne sont après tout que 280 milles moins à l’Est. Pour Jean-Pierre Dick aussi, cette journée de mercredi s’annonce donc encore cruciale : le risque pour lui est de perdre du terrain à la fois sur les deux bateaux devant lui et sur les deux derrière lui. Mais en même temps, il est en train de remonter vers des latitudes où le vent est plus soutenu… Il est bien trop tôt encore pour dire s’il peut y avoir un regroupement des trois « chasseurs de têtes » et dans quelle mesure. Toujours est-il qu’on surveillera de près le passage à la verticale d’Hobart, lequel donnera une idée plus pertinente du retard des uns et des autres. Notons par ailleurs que Bernard Stamm est le seul des cinq bateaux de l’avant a avoir passé la barre des 400 milles parcourus ces dernières 24 heures. Le plus Breton des Suisses “allume” avec son plan Juan K. Ses images humides, ventées et bruyantes envoyées hier valaient le coup d’oeil sur l’ambiance rock’n’roll à bord…
4 jours et demi de retard à Leeuwin pour Le Cam
Derrière, en 6e position Jean Le Cam (Synerciel) est à la longitude du cap Leeuwin, à 1500 milles de Macif. François Gabart et Armel Le Cléac’h avait coupé cette même longitude vendredi soir dernier. Autrement dit, Jean a quatre jours et demi de retard sur les deux hommes de tête. “Devant ils nous mettent un caramel, derrière on leur met un caramel, tout le monde met des caramels à tout le monde”, plaisantait-il à la vacation de lundi. Pas faux. Aujourd’hui, les conditions devraient être assez favorables pour lui, Mike Golding (Gamesa) et Dominique Wavre (Mirabaud). Mais les positions de ces trois-là, à commencer par celle de Dominique Wavre, sont désormais ouvertement menacées par l’Espagnol Javier Sanso qui fait parler la poudre sur son Acciona flambant neuf. Sur les dernières 24 heures, « Bubi » a parcouru 394 milles. C’est 50 de plus que Wavre, 84 de plus que Le Cam et 138 de plus que Golding ! Les “tontons flingueurs” ne sont plus un trio mais un quatuor très international : un Français, un Anglais, un Suisse, un Espagnol.
En treizième et dernière position, le retard de l’Italien Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) dépasse désormais les 4000 milles. Entre le quatuor des “tontons” et lui, trois autres bateaux isolés se démènent, évidemment dans d’autres systèmes météo. Tanguy De La Motte (Initiatives-Coeur, 12e) s’apprête à s’affranchir de la Porte d’Amsterdam, ce qu’a déjà fait Bertrand de Broc (Votre nom autour du monde, 11e) environ 300 milles devant lui. Arnaud Boissières (Akena Vérandas) s’accroche toujours à sa 10e place, probablement en regrettant de n’être pas 500 milles plus à l’Est, histoire de se battre avec le groupe des tontons.
Bruno Ménard
Classement de 5h
1 François Gabart Macif à 12 173.7 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 5.3 nm
3 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 473.0 nm
4 Alex Thomson Hugo Boss à 805.7 nm
5 Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 827.6 nm
6 Jean Le Cam SynerCiel à 1503.4 nm
7 Mike Golding Gamesa à 1711.7 nm
8 Dominique Wavre Mirabaud à 1847.4 nm
9 Javier Sanso Acciona à 1934.0 nm
10 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2497.0 nm
