Morvan et Tabarly dans le trio de tête

tabarly 09
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 Comment les marins vivent-ils actuellement la réception des classements et tout particulièrement le premier d’une journée qui s’annonce ? Des uns aux autres, la réponse diffère quand un constat s’impose; chacun y cherche de quoi se rassurer, se conforter dans son idée ou tout simplement se dire que la patience va devoir encore être de mise. Du nord au sud, les positions qui tombent ne sont donc pas attendues de la même manière et ne disent pas la même chose. Ainsi, François Gabart (Espoir Région Bretagne) en élève appliqué bien décidé à ne pas laisser le manque d’expérience du à sa jeunesse le priver d’un heureux dénouement, décortique-t-il chaque relevé afin d’y puiser un maximum d’informations sur la progression des autres. Gildas Morvan (Cercle Vert) affirme ne pas y prêter attention. Info ou intox ? Gérald Veniard (Macif) quant à lui, trouve dans son recul au classement, comme dans toute chose, matière à philosopher. Les regarder sans en faire une obsession. S’en inspirer pour en extraire le meilleur sans laisser de côté son intuition et son libre arbitre. Les concurrents de la Transat BPE, comme l’ensemble des compétiteurs, entretiennent des rapports particuliers avec les classements, mais pour tous, ils sont un point de repère dans un quotidien parfois décalé et la certitude qu’aucun d’eux ne lâchera.
 
A terre également, les pointages revêtent une importance cruciale et à y regarder celui de ce matin d’un peu plus près, les informations ne manquent pas. Au nord, la majorité des solitaires a retrouvé du vent et quitté la zone rouge, mais pas de manière encore assez flagrante pour contenir les assauts des sudistes qui eux bénéficient d’un flux plus prononcé d’au moins un nœud voire plus pour certains. Nicolas Troussel en leader assuré depuis plusieurs jours a réussi à maintenir son assise, mais il sent à présent le souffle d’un certain Gildas Morvan sur son tableau arrière. Aux avant-postes il y a encore quelques heures, Gérald Veniard et Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles) ont du laisser leur place sur le podium. Au sud, le trio n’est plus! En effet, si le skipper de Cercle Vert a poursuivi sa route en tentant de gagner vers la route directe, François Gabart et Erwan Tabarly ont fait le choix d’aller chercher plus de pression en glissant encore un peu. Le premier s’en inquiétait ce matin quand à bord d’Espoir Région Bretagne on affichait une belle satisfaction. Mais le dénominateur commun d’une voie à l’autre demeure non seulement une réduction des écarts en distance au but, mais également la tendance amorcée d’un resserrement de la flotte en latéral. L’entonnoir se forme et tout l’intérêt sera de savoir qui s’en extraira le premier…
 
Ils ont dit…
 
Gildas Morvan (Cercle Vert) – 2ème au classement de 5h
 
« La nuit est toujours très noire, et le vent est irrégulier, on a entre 14 et 18 nœuds. C’est entré doucement dans la nuit, c’était bien parti, mais là ça a molli à nouveau. J’essaie de dormir quoi qu’il arrive, surtout qu’il fait encore assez frais la nuit et que quand le vent est assez fort le pilote barre bien donc j’en profite.
Je suis à nouveau dans les 3 premiers mais je n’ai pas fait de plans sur la comète pour avoir cette position. J’ai fait ma route en fonction des conditions mais il peut encore se passer plein de choses, il y a encore du boulot. Et le classement je ne le regarde quasiment pas en fait, ce que je surveille et ce qui m’ennuie le plus, c’est le décalage par rapport à Athema et Espoir Région Bretagne qui glissent très sud. Ca ça m’inquiète plus que le classement. Moi aussi j’aurais aimé descendre un peu plus. Enfin, j’essaie de bien naviguer avec ce que j’ai. Il va juste falloir faire les décalages au bon moment. Oui je me détends un peu, le matin, j’écoute un peu de musique et pendant que je barre aussi, mais en général dans des conditions si molles on ne se distrait pas trop, quand le vent sera établi ça ira mieux.
J’écoute beaucoup de Bashung, Micky Green, Serge Gainsbourg, Renan Luce, Cold Play, U2, et Texas et bien sur Amy Winehouse ! »
 
François Gabart (Espoir Région Bretagne) – 5ème au classement de 5h
 
« Le vent s’est levé assez fort donc je ne vais pas trop traîner. J’ai entre 23 et 25 nœuds. Ce n’était pas prévu comme ça, il faut surveiller les fichiers car je ne sais pas trop dans quel sens ça va changer. C’est plutôt une bonne surprise ce vent mais je ne sais pas ce qu’ont les autres par contre. Il va falloir regagner dans l’ouest au fur et à mesure dans les jours qui viennent car là j’ai quand même 30 milles de décalage avec Gildas, mais je suis tout de même content de ma position. J’attends le prochain classement pour voir les conditions qu’ont les autres. Il ne faut pas négliger les classements, ils permettent de déduire le vent que chacun a et ça c’est très important. Par exemple je pense que pour Nico Troussel et Gérald Veniard c’était important pour eux de voir que Thierry Chabagny et Adrien Hardy étaient empétolés hier… . Mais bon, après ce n’est c’est qu’un constat, il faut malgré tout faire sa route en fonction des conditions qu’on a. Les placements tactiques on les fera plutôt à l’approche de Marie-Galante.
J’ai bien dormi en début de nuit ce qui tombe bien car là ce n’est pas le moment d’aller me coucher, surtout que je viens d’empanner. Je pense qu’on a tous trouvé notre petit rythme de croisière, moi je fonctionne beaucoup par siestes de 20 minutes. »
 
Gérald Veniard (Macif) – 4ème au classement de 5h
 
« La nuit a été agréable, le bateau recommence à glisser gentiment et on a une belle lune qui nous a bien éclairé la seconde partie de la nuit. Il  y a plein d’étoiles aussi, c’est superbe. Les concurrents les plus au sud ont plus de vent, actuellement ils nous prennent à peu près 40 milles par jour et malheureusement j’ai peur que l’hémorragie ne soit pas tout à fait terminée… Ce n’est jamais agréable de perdre des places sans pouvoir y faire grand-chose parce que je ne peux pas y aller moi dans le sud… Par contre on aura un meilleur angle pour empanner mais bon… C’est la vie, il faut rester philosophe ! Là c’est un moment difficile à passer, mais je me dis que je n’ai pas tellement de raisons d’être malheureux, ce n’est pas terminé. Là je dois avoir environ 14 nœuds de vent et j’avance à 7,5 nœuds. Je fais tout en même temps, je lis en écoutant des émissions de radios. J’ai découvert l’émission « Les Pieds sur Terre » sur France Culture, c’est génial ! Et je gère mon petit stock de livres, ça devrait me tenir jusqu’à la fin. Côté nourriture, j’ai même de quoi faire le retour s’il faut, et c’est pareil pour l’eau ! Donc il va y avoir une douche complète du bonhomme certainement aujourd’hui ça va être génial. Le départ de Mermoz a été un moment très difficile ! Mais je me console en me disant que c’est un oiseau de mer et qu’il n’est donc certainement pas perdu. Je ne sais pas ce que c’est comme race mais j’en ai souvent vu au large des comme ça. Je me demande comment il fait pour vivre si loin des côtes, mais je ne me fais pas de soucis pour lui. Lui il était incroyable, il entrait dans la cabine, il faisait comme chez lui, il se posait sur moi, pour un animal sauvage c’était très surprenant à voir. »

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