Passation de pouvoir sur la Transat

Morvan 09
DR

 Nicolas Troussel a fini par céder la conduite de la course aux hommes du sud. Gildas Morvan, à la faveur d’un recentrage judicieux, a réussi à glisser son monotype devant l’étrave de Financo. L’homme des Abers devant celui de la baie de Morlaix : cette Transat BPE ressemble bigrement à une bataille entre gens de pays. D’autant qu’un Erwan Tabarly qui pointe juste derrière est, lui aussi, en terrain de connaissance.
Le vent retrouvé sur l’autoroute des alizés regonfle à la fois les voiles et le moral des navigateurs. Même un Adrien Hardy (Agir Recouvrement), isolé sur la route du nord, reconnaissait avoir retrouvé une certaine joie de vivre après deux jours difficiles : ce n’est jamais simple de se débattre dans des vents erratiques, quand la houle ballotte le bateau et que l’anticyclone étend ses langueurs sur la flotte. Et tous de faire, contre mauvaise fortune bon cœur. Les tenants de l’option nord, même s’ils voient défiler un peu trop vite à leur goût la caravane des sudistes, prennent aussi un réel plaisir à glisser sur une mer moins ordonnée qu’il n’y paraît. Et d’enquiller les surfs tel un Armel Tripon (Gedimat) qui avait réussi à atteindre les 18 nœuds sous pilote dans une nuit d’encre…

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Tripon fripon, Veniard peinard

Armel Tripon, le skipper de Gedimat reconnaissait d’ailleurs être parfaitement heureux de son rôle du chien dans un jeu de quille. En optant pour une route radicalement sud, le Nantais sait qu’il trouble l’exercice de contrôle entre les leaders. S’il lui reste à combler un retard de près de 150 milles sur la tête de course, Armel s’amuse visiblement d’obliger ses concurrents directs à jeter un œil régulier dans le rétroviseur. S’il en est un autre qui découvre les délices du solitaire longue distance, c’est bien Gérald Véniard le skipper de Macif. Le Savoyard, habitué des joutes au contact de la Solitaire du Figaro, s’illumine à chaque vacation, du bonheur d’être en mer, de profiter du temps qui s’égrène au fil des messages échangés avec sa compagne, de ses conversations avec un moineau migrateur surnommé Jean Mermoz, autre navigateur ailé solitaire, hébergé quelques jours à bord. Quand certains se rongent les sangs à la lecture des classements, d’autres ont choisi de prendre avec avidité les plaisirs simples que la navigation dans les tropiques offre tous les jours : un surf sous spi, le soleil, la navigation en short et tee-shirt quand la métropole frissonne encore à chaque petit matin… Au final, le plaisir partagé n’est-il pas une des meilleures garanties d’efficacité ?

Le mot du jour : polaire de vitesse
Aujourd’hui, la polaire de vitesse est devenue un élément primordial de l’élaboration d’une stratégie pour un navigateur. La polaire de vitesse intègre les vitesses cibles du bateau suivant son allure, son angle par rapport au vent, la vitesse du vent. Toutes ces données théoriques, affinées par les solitaires au cours de leurs heures de navigation sont ensuite intégrées dans l’informatique de bord et permettent d’établir des routages en fonction des prévisions météorologiques. Les limites d’utilisation de la polaire sont les prises en compte de l’état de la mer ou la fatigue du navigateur. C’est, dans ce cas, au navigateur d’introduire un coefficient pondérateur.

Ils ont dit :

Armel Tripon – Gedimat – 9ème au classement de 15h
« Ça me fait plaisir de savoir qu’Erwan me surveille, ça veut dire que je suis dans le match ! Je suis content oui, mais comment ne pas l’être ? J’ai trouvé ce que je suis allé chercher, c’est-à-dire plus de pression tout en m’écartant de cet anticyclone. Cette nui,t ça a bien cartonné et là, j’ai autour de 20 nœuds. Il y a pas mal de mer, la mer d’alizé, pas du tout rangée, mais il y a quand même quelques belles vagues à prendre en surf. Cette nuit, j’ai fait du 16/18 nœuds sous grand spi, dans la nuit noire c’était sympa. J’étais sous pilote, c’était marrant ; il y a une super sensation de vitesse, de danger aussi car si on lofe ou on abat un peu trop, le bateau peut vite flancher. Je suis assez décalé, ce qui m’offre une opportunité de jeu et puis, j’aime bien savoir que les autres ont un œil sur moi, d’autant que moi, je n’ai personne à surveiller derrière. Ça devrait durer encore 8 ou 9 jours, il va encore se passer beaucoup de chose. C’est très intéressant à ce stade du jeu. Heureusement qu’il y a encore du suspense et qu’on ne connaît pas le nom du vainqueur, ça tient tout le monde en haleine. »

Adrien Hardy – Agir recouvrement – 10ème au classement de 15h
« Les conditions sont bien meilleures qu’hier et avant-hier, ça fait du bien. Je commence à toucher un peu de vent, c’est bon pour le bateau et bon pour le moral. C’est très dur de savoir que les autres avancent pendant que toi tu galères. J’ai été optimiste jusqu’au bout, mais finalement ça a été horrible, j’ai eu des vents orienté assez nord avec de la houle, c’était vraiment très désagréable. J’ai essayé de me dépatouiller avec ce que j’avais. J’ai eu des périodes de découragement et dans ces moments là, j’allais me reposer car je considérais que ça ne servait plus à rien. Je regarde quand même les classements même si je sais bien que ça va continuer à gagner dans le sud …
Il y a encore de la route, même si pour moi, il ne va plus se passer grand-chose niveau stratégie, maintenant c’est tout droit jusqu’à l’arrivée, ça va être une course de vitesse. Ce sera déjà bien quand j’arriverai à avancer à la même vitesse que les gars du sud. C’est le jeu, j’ai joué, peut être un peu trop, mais c’est comme ça. Là, il fait 24 degrés à l’intérieur du bateau et le vent est un peu plus établi, j’ai 15 nœuds ; les alizés sont de retour. »

Erwan Tabarly – Athema – 2ème au classement de 15h
« Je pense qu’il peut rester encore un peu de tactique, la route est longue. Moi, j’ai 25 nœuds de vent, ça avance bien, ça déboule c’est même un peu chaud par moment. J’avance au dessus de 10 nœuds en permanence. C’est agréable d’aller vite, ça permet de faire de la navigation, de mettre le pilote et même de faire des vacations. Je me suis décalé de Gildas : lui joue plutôt les bascules, il est à l’affut de toutes les rotations de vent. Quant à moi, je mise sur la force du vent. Pour l’instant je ne sais pas ce qu’il y a de mieux. C’est encore serré et il y a François juste derrière, il est bien revenu, il avance bien, je le surveille de très près. Je ne suis pas surpris, je sais bien qu’il a du talent. Je regarde aussi les nordistes, je ne suis pas trop surpris d’aller plus vite qu’eux car ils sont plus proches de la bulle. J’ai le temps de vivre un peu, aujourd’hui ca va être plus dur car il y a du vent, mais jusqu’à présent c’était plutôt tranquille. J’ai aussi des livres, mais pas eu le temps de les entamer encore. Armel, je le regarde aussi de près, il a un décalage important mais au dernier pointage il avançait moins que moi donc c’est rassurant, mais tout de même il ne faut pas le perdre de vue. »