Tout le monde a le droit aux vacances, mais de là à se mettre aux abonnés absents, il y a un pas qu´Eole s´octroie sans vergogne ! Rarement les océans Pacifique et Atlantique Sud ont été aussi langoureux : sieste avant un réveil brutal, paresse après les secousses des semaines précédentes, dépression anticyclonique ? Ce jeudi matin, le vent a un air de rien… Et rien dans les voiles, égale un moteur qui cale et un arrêt sur le bord de l´onde. Il faut réinjecter du carburant et ce n´est pas si aisé de reprendre des tours dans ce tour du monde. Seul le leader se joue de cette dernière fantaisie marine : Michel Desjoyeaux (Foncia) trace un joli sillon dans des alizés de Nord-Est à déjà plus de 500 milles dans le Nord de l´équateur. Une brise stable mais une mer assez dure qui incitent le solitaire à prendre de l´angle : au lieu de chercher à faire du cap pour raccourcir son sprint final en terme de distance à parcourir, le navigateur a légèrement choqué les voiles pour mieux passer dans ces vagues cassantes : une route au Nord-Nord Ouest qui a aussi le bénéfice d´enrouler les hautes pressions des Açores très largement par l´Ouest pour éviter de se faire phagocyter par un méandre anticyclonique… La barrière qui semble se former très au large des Canaries n´est pas faite pour inciter au chemin de traverse! Avec 440 milles d´avance sur son dauphin, Michel Desjoyeaux assure ses arrières tout en protégeant son avant.
Zéro plus zéro égal ? Ce n´est pas le mur des lamentations, mais ça grince dans les engrenages ! Roland Jourdain (Veolia Environnement) croyait s´être extrait des miasmes du Pot à l´issue d´une journée pour le moins paisible mais suffocante, et voilà que Neptune l´enserre de ses tentacules cumuliformes. Et un orage par-ci, et un grain par-là : le marin étire sa peine à encore 25 milles dans le Sud de la ligne de changement d´hémisphère ! De quoi tourner en rond toute la nuit et le solitaire a bien tenté des routes à 90° du cap normal, rien n´y a fait : quand il n´y a rien, autant aller se coucher… Dure sentence pour Bilou qui voit ses chances de retour s´amenuiser quand pendant ce temps, son poursuivant petit à petit, fait son nid. Pas suffisamment toutefois pour mettre de la pression dans la dépression : les alizés de Sainte-Hélène sont aussi partis se refaire une santé bien loin de leur position habituelle ! Le zéphyr brésilien est un peu poussif et même quand Armel Le Cléac´h (Brit Air) se met travers au vent, cela ne dépasse que rarement les dix nœuds au large de Bahia… « C´est pas la joie », dirait Salvador. Le carnaval de Rio n´a pas encore débuté et cela se sent au large du Cabo Frio : Marc Guillemot (Safran) peine encore sous un ciel chargé de grains, de pluies et de bouffées d´air tropical, et 200 milles plus à l´Est, Samantha Davies (Roxy) peut prendre le temps de faire une lessive : un bon déluge pour rincer, et un coup de chaud pour sécher ! Mais en attendant une nouvelle machine, le temps s´étire et les milles aussi : ça rame sec au large de Trindade… Quant à la troïka franco-britannique, elle n´est pas mieux lotie au-dessus du plateau abyssal argentin : cap à l´Est pour Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) et Dee Caffari (Aviva) qui ont bien du mal à se défaire d´airs contraires, cap au Nord pour Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) qui tente un contournement de masses orageuses déferlant du Rio de la Plata.
It´s a long way to… L´Atlantique Sud est sens dessus dessous au point que Steve White (Toe in the water) est lui aussi à moitié encalaminé dans le Nord-Est des Malouines : les grands vents du Sud font là encore défaut alors qu´il navigue dans les Cinquantièmes ! Y´a plus de saison… Et que dire du Pacifique ! Mama mia… L´Américain Rich Wilson (Great American III) a beau avoir fêté l´investiture de Barak Obama, l´océan n´est pas franchement ridé : une petite moyenne en deçà des dix nœuds à 850 milles du cap Horn ! Même distance pour les deux compères de queue par rapport à leur dernière porte des glaces à franchir. Mais au rythme d´un sénateur, le temps d´arriver au cap Dur, le vainqueur du Vendée Globe aura déjà avalé force steaks… Moins de 10 000 milles toutefois pour Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) et Norbert Sedlacek (Nauticsport-Kapsch) avant d´apercevoir les digues des Sables d´Olonne. Allez, Eole, reprend ton souffle !
Classement à 5h00 : 1- Michel Desjoyeaux (Foncia) à 2828,6 milles de l´arrivée 2- Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 440,1 milles du leader 3- Armel Le Cléac´h (Brit Air) à 1022,1 milles 4- Marc Guillemot (Safran) à 1890,4 milles 5- Samantha Davie (Roxy) à 1971,3 milles 6- Brian Thomson (Bahrain Team Pindar) à 2604,6 milles 7- Dee Caffari (Aviva) à 2637,1 milles 8- Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à 2771,5 milles 9- Steve White (Toe in the water) à 3686,1 milles 10- Rich Wilson (Great American III) à 5147,8 milles 11- Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) à 6881,3 milles 12- Norbert Sedlacek (Nauticsport-Kapsch) à 6901,4 milles