C’était en 2003 et Francis Joyon établissait un nouveau temps de référence sur le parcours historique de la Route de la Découverte entre Cadix et San Salvador aux Bahamas. Son trimaran de l’époque, IDEC premier du nom, s’était présenté sur la ligne d’arrivée devant le petit port Bahaméen et c’est un dénommé Clifford qui, à bord d’une petite barque, avait signalé à Francis la ligne d’arrivée et pris son temps de course au nom du World Speed Record Council, l’organisme britannique qui enregistre les grands records de vitesse à la voile. A 180 milles du lieu de ses exploits passés, Francis se demande aujourd’hui si ce même Clifford l’attend, et si le chrono qu’il enregistrera sera suffisant pour lui permettre de reprendre à Thomas Coville le temps référence de la distance.
Pour que l’exploit de 2003 se reproduise, cette nouvelle rencontre devra intervenir avant demain vendredi 18 heures, 20 minutes et 43 secondes (française). Le scénario catastrophe de la nuit dernière, avec une absence totale de vent sanctionnée par des vitesses de l’ordre de 1 à 4 noeuds, s’il devait se renouveler, scellerait l’échec du navigateur de Locmariaquer. Le petit flux d’Est que chevauche précautionneusement IDEC sous les nuages, s’il voulait bien tenir, pourrait en revanche porter Joyon vers un nouveau succès. L’incertitude, en l’absence de systèmes météos établis, est totale, et l’immense Francis a, plus que jamais, l’issue de sa tentative entre ses mains…
“ça va se jouer à peu de choses”
“C’est du 50-50, et il n’y a plus grand chose à faire, sinon laisser Francis trouver la sortie…” Jean-Yves Bernot, à l’écoute des tribulations d’IDEC depuis le départ de Cadix, avoue ne plus être de grande utilité au solitaire englué dans un vaste marasme météorologique. C’est bien sur l’eau, avec ce que la houle et les circulations nuageuses ont à offrir de force propulsive, que Joyon doit tracer sa route et progresser plein ouest vers les Caraïbes ; “La houle me semble bien orientée à l’est” souligne précisément Francis”, ” et c’est peut-être annonciateur de vent d’Est.” Mais le skipper d’IDEC n’est pas homme à vivre d’espoirs, et c’est avec ses armes du bord et “son immense motivation pour l’emporter”, qu’il se bat pour forcer son destin. “Je passe en revue toutes mes grandes voiles de portant” explique t’il. J’ai de grands gennakers qui me permettent de créer un peu de vent apparent. Ce sont d’immenses voiles d’avant qui m’aident à capturer le peu d’air qui circule sur le plan d’eau.” Eternel curieux des choses de son bateau, Francis se réjouissait à l’idée de découvrir toujours et encore de nouveaux réglages propices à la bonne marche du trimaran ; “Nous n’avons jamais connu une si longue navigation dans le petit temps “souligne- t’il avec à propos. “Je découvre de nouveaux points de tire pour régler bien à plat mes voiles d’avant et remonter au vent dans les petits airs…” Bal des empannages (8 dans la nuit), danse des gennakers, claquement des solents… la nuit aura été tonique, physique, stressante, pour un tout petit gain sur la route, et une dégringolade de la belle avance de Francis sur le temps de Coville. S’il ne livre aucun pronostic, Francis Joyon reconnait honnêtement, “que cela va se jouer à très peu de choses…”
A 16h36 jeudi, IDEC était à 140 milles de l’arrivée et marchait – à ce moment précis – à 14 noeuds.
























