Duel final

Roland Jourdain / Sill et Véolia
DR

Un vainqueur en revanche, on en a déjà applaudi un beau aujourd’hui, quand le Crêpes Whaou! de Franck-Yves Escoffier a coupé la ligne à 6h30, remportant sa troisième victoire consécutive en trois participations dans la catégorie des mullticoques de 50 pieds (lire communiqué précédent). Du jamais vu. Un triomphe, on en a vu un énorme, cette nuit, quand l’enfant du pays Claude Thélier a ramené à bon port son grand trimaran. L’arrivée de Région Guadeloupe-Terres de Passion a déclenché une liesse énorme dans la baie, à la Darse et les rues de Pointe-à-Pitre. Une fête XXL comparable à celle de l’arrivée de Lionel Lemonchois!

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Antoine Koch, sur son Sopra Group, a coupé la ligne plus discrètement tout à l’heure avec la satisfaction du devoir accompli, tant faire traverser l’Atlantique pour la première fois à un multi 60′ est déjà un exploit en soi. Il sera imité dès ce soir par Thierry Duprey (Gitana 12), qui méritera aussi l’accolade, pour les mêmes raisons.

Mais la plus belle des victoires de ces 24 dernières heures appartient sans conteste à deux autres hommes : un commandant de tanker des Bahamas, le Stavanger Eagle, et un autre concurrent de la course, Gwenc’hlan Catherine. Ces deux-là ont conjugué leurs efforts la nuit dernière pour arracher à une mer en furie le circumnavigateur Joé Seeten, dont le 40 pieds était victime d’une grave avarie de quille et d’une voie d’eau (lire flashs spéciaux précédents). Blessé à l’épaule, Joé est désormais à l’abri dans l’hôpital du bord de ce pétrolier qui fait route vers Sainte-Croix, dans les îles vierges américaines. On ne sait pas si le naufragé pense à Roland Jourdain et Jean le Cam, ses compagnons d’armes du Vendée Globe, en ce moment. En revanche, on imagine aisément ce qui taraude le skipper de Sill & Veolia sur son monocoque en panne d’air, à l’ombre de ce maudit volcan de La Soufrière. Où est Jean? Où est le vent? Est-ce encore possible de perdre? Voir douze jours d’efforts réduits à néant? La course au large est parfois un sport cruel. Verdict entre 19 et 21h.

Monocoques 60′ Imoca : Jourdain ou Le Cam ?
Le Tour de Basse-Terre va-t-il chambouler une hiérarchie établie depuis une semaine ? En 24 heures, Jean Le Cam a réduit de 102 à 19 milles son retard sur Roland Jourdain. Fortement ralentis sous le vent de la Guadeloupe, les deux solitaires avançaient péniblement à 1,9 et 2,2 noeuds en VMG au pointage de 16h ! Roland Jourdain (Sill et Veolia) ne voulait pas évoquer hier sa probable victoire dans la Route du Rhum. Les marins ont raison d’être légèrement superstitieux. Une course n’est jamais finie avant la ligne d’arrivée. Une avarie ou un trou de vent peuvent toujours redistribuer les cartes jusqu’à la dernière minute. A la vacation de la mi-journée, Jean Le Cam (VM Matériaux) avouait s’être opposé au tour de la Guadeloupe par le nord à cause des difficultés liées au manque de vent du côté est de Basse-Terre. "Je suis fondamentalement contre tourner la Guadeloupe dans ce sens-là, mais aujourd’hui ça m’avantage", reconnaissait Jean Le Cam. L’avantage de ne rien avoir à perdre à tenter le tout pour le tout. En tamponnant sous le vent de l’île en premier, Bilou a donc vu son avance sur Jean fondre comme neige au soleil. Au pointage de 16h, le skipper de Sill et Veolia se trouvait à 32 milles de l’arrivée et comptait toujours 19 milles d’avance. Une avance toujours conséquente, mais le manque de vent doit mettre les nerfs de Bilou à rude épreuve. L’incertitude était donc de mise à quelques heures du dénouement de cette Route du Rhum pour les 60 pieds monos.

Derrière, la régate est loin d’être terminée entre Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec), Armel Le Cléac’h (Brit Air) et le Suisse Dominique Wavre (Temenos). Ce dernier, tombé dans une zone sans vent la nuit dernière, a effectué plus d’une dizaine de changements de voile pour essayer de sortir de ce mauvais pas. Pendant ce temps-là, Armel Le Cléac’h s’emparait de la 4e place aux dépens du Suisse et revenait sur Jean-Pierre Dick, l’actuel 3e. l’angoisse de se faire doubler juste avant la ligne d’arrivée pourrait être contagieux.

Multis 60′ Orma : Guadeloupe en fête, Koch 9e, Duprey attendu….
Très marqué par une nuit de veille, un peu déçu de sa 9e place au classement des multicoques Orma, Antoine Koch (Sopra Group) a franchi la ligne d’arrivée aujourd’hui vendredi à 14 h01’41" heure de Paris. Il a effectué le trajet en 12 jours, 59 min et 41 sec à la moyenne de 12,26 noeuds. Privé de vent l’espace de longues heures, notamment sous Basse-Terre, puis aux premières heures du jour dans le canal des Saintes, Antoine Koch, 28 ans a connu "un moment de vide" à l’arrivée de son deuxième Rhum. "Une fois que tu as pris deux ris, c’est plus facile", plaisantait le directeur de la course Jean Maurel, faisant allusion à l’arrachement de la partie supérieure du rail de grand-voile, sans lequel il aurait probablement rivalisé avec le Guadeloupéen Claude Thélier, dont la 8e place la nuit dernière a rempli de bonheur tous les habitants de l’île. Koch, 28 ans, a ainsi répliqué : "C’est sûr qu’on dort mieux .. ." Cinquième des monocoques dans le Rhum 2002, il n’a pas comparé deux courses disputées dans des conditions radicalement différentes, sur deux bateaux dissemblables. Il a toutefois estimé que "même si ça ne se voit pas dans le résultat, j’étais plus dans le rythme qu’il y a quatre ans en mono". Thierry Duprey (Gitana 12), est attendu cette nuit. La dernière (nuit), elle, a été courte pour les habitants de Pointe-à-Pitre, enthousiasmés par la performance de Claude Thélier. Les cours avaient été abrégés jeudi dans les écoles du sud de l’île pour permettre aux enfants d’accueillir le héros local. A Pointe-à-Pitre, l’attente a été tout aussi longue que festive dans la soirée, rythmée par les orchestres sur la Darse et la Place de la Victoire. Mais les Guadeloupéens ont été récompensés de leur patience lorsque Thélier s’adressa à eux pour leur témoigner son affection. Le skipper a par ailleurs souhaité former en Guadeloupe de futurs routeurs et météorologues et des jeunes marins susceptibles de gagner un jour la Route du Rhum – La Banque Postale, "même s’il faut attendre vingt ans pour cela".

Monocoques Classe 40
Enfin un peu de répit pour les 24 solitaires toujours en course! Si la nuit a encore été dantesque pour certains – les bateaux les plus au sud notamment – le vent est tombé ce matin à 15-20 noeuds et la mer s’est bien aplatie. "Cette nuit a été très reposante par rapport à la précédente! Les conditions de navigation étaient assez faciles ce qui m’a permis de bien récupérer. J’ai dormi six heures d’affilée!" lâchait Phil Sharp, ce matin à la vacation. Reste que le Britannique a concédé quelques milles à Gildas Morvan, son poursuivant direct. "On est à 1000 milles de l’arrivée. C’est deux étapes du Figaro, ça vaut le coup de mettre des chevaux pour revenir!" Le skipper d’Oyster Funds accusait 130 milles de retard hier matin. Ce vendredi à 16 heures, seuls 80,4 milles séparent les deux leaders. Un écart bien faible si l’on considère la suite des évènements. Car si, pour l’heure, les concurrents font route directe vers Pointe-à-Pitre, poussés par des vents de nord nord-est entre 15 et 20 noeuds, le week-end s’annonce un peu plus complexe. Derrière la dorsale anticyclonique, une nouvelle dépression va traverser la zone de course ce week-end. Elle va apporter des vents de secteur sud-ouest à sud dans un premier temps puis elle va totalement arrêter le régime d’alizés. Deux grandes options vont alors se dessiner : partir vers l’ouest à la rencontre du nouveau vent qui s’installera peut être en début de semaine prochaine ou au contraire descendre le plus vite possible vers le sud pour essayer de conserver un peu de vent de nord-est.

Multicoques Classes 2 et 3

Multis 50 pieds
Les conditions s’améliorent pour la flotte des 50 pieds multis et ce n’est pas trop tôt, parce qu’ils ont souffert et se sont fait peur comme en témoigne le chavirage de Jean Stalaven. Aujourd’hui, le plaisir de naviguer a repris ses droits et ils ont mis le cap vers la Guadeloupe en engrangeant les milles sur la route directe. C’est Trilogic qui devrait franchir la ligne en seconde position après Crêpes Whaou arrivé ce matin à 6 h 30.

Multis Classe 3
Pierre Antoine sur Imagine Institut des maladies génétiques court tout seul dans sa classe et précédait Gifi (50 pieds) de 17 milles à 16 heures ce matin. Une petite avance qui pourrait bien fondre dans les heures qui viennent, Pierre Antoine ayant à nouveau déchiré sa grand voile.

Monocoques Classes 1, 2 et 3
Les monos classes 1, 2 et 3 vont connaître une dernière "baston", moins violente que la précédente, elle pourrait néanmoins redistribuer les cartes, c’est du moins ce que les silences entendus des skippers joints cet après midi à la vacation laissent entendre.

"Joker" dit Arnaud Dhallenne (TAT Express), positionné 4ème en classe 1, à 30 milles derrière Antilles-Sails.com et à moins de 90 milles du second, Ville de Dinard. Le skipper du 17 mètres en bois moulé, n’en dira pas davantage… "Ce sera la dernière dépression avant les Antilles, après, à nous les alizés". Le leader, Pierre-Yves Guennec sur Jeunes Dirigeants lâche juste un "il ne faut pas qu’ils reviennent sur moi". "La pétole est sous moi, je suis mieux placé que Pierre-Yves pour choper le premier le vent frais" confie Bruno Rebeil (Ville de Dinard).

En classe 2, l’Américain Kip Stone (Artforms) qui mène la flotte depuis plusieurs jours explique que le vent reste très irrégulier (15 nœuds de Sud Sud Ouest) et que Servane (Vedettes de Bréhat Cap Marine) est bien placée pour la suite des opérations. "On m’avait menti en me disant que la Route du Rhum – La Banque Postale c’était les Alizés, c’est faux, je suis en bottes et en ciré et j’ai l’impression de naviguer en Bretagne au mois de mars" raconte Servane.

En classe 3, Roaring Forty précède Dangerous When Wet de 304,5 milles et 830,7 milles de Fantasy Forest, le bon dernier de toute la flotte de la Route du Rhum – La Banque Postale. Alain Grinda prend cet écart avec beaucoup de philosophie d’autant plus que pour couronner le tout, le "postier" s’est arrêté 30 heures aux Açores pour réparer son safran.

Source Route du Rhum