C’en est fini pour le 539 que j’ai dû abandonner… En fin de nuit, après une sieste de dix minutes, alors que j’ouvre la porte pour sortir dehors, je sens le bateau partir en surf très rapide. J’ai juste le temps de me tenir fermement à l’ouverture de la porte quand, en une seconde pas plus, le bateau se retrouve sur le toit. L’eau a envahi instantanément tout l’intérieur. Il me reste peut-être 50 centimètres de hauteur d’air. Tout à l’intérieur flotte et se ballotte. Il fait tout noir… et le bateau reste à l’envers, stable comme un vulgaire laser chapeauté ! Je n’ai pas vraiment paniqué, mais me suis dit très vite que la situation n’était pas terrible. Pas de VHF, pas de possibilité raisonnable de sortir, plus de courant à l’intérieur… et le bateau qui ne se met toujours pas à l’endroit. Je me dis que l’eau est froide et qu’il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps. Rapidement je pense que je ne m’en sortirai pas tout seul et décide en cinq minutes de déclencher l’EPIRB. Il me faut un peu de temps pour la trouver car, après ce rodéo et dans le noir, j’ai un peu perdu mes repères dans le bateau ! Puis j’enfile la TPS qui me réchauffe. Je pense être resté 45 minutes à une heure à l’envers.
Enfin le bateau se retourne à l’endroit. Je sors la VHF portable du bidon sécu et parviens à joindre « Cocoche » (Eric Cochet). Je l’entends qui transmet au bateau accompagnateur, il me propose de remonter au près pour venir à côté de moi. Je trouve ça déraisonnable et lui demande de continuer sa route car il ne pourrait rien faire. Je déclenche ensuite la balise de la course en mode détresse. Je tire une fusée de détresse et lance un mayday sur le canal 16. Il fait toujours nuit et je ne me sens pas de sortir sur le pont pour libérer le gréement car je ne peux pas m’assurer au bateau sur la TPS. Le gréement cogne un peu la coque mais ça va à peu près. Le jour se lève et je vois un cargo passer car je ne suis pas loin de l axe des DST. Je tire une nouvelle fusée de détresse… Pas de réaction du cargo.
Je n’arrive à joindre personne à la VHF portable. Je cherche mon passeport rangé dans un classeur avec un peu d’argent. Je le trouve et le glisse dans ma combinaison sèche ainsi que Panda, ma peluche que j’avais emmenée à bord pour la première fois ! Coco, ma deuxième peluche, reste introuvable, mais ça m’occupe de le chercher… J’essaie de vider le bateau avec des seaux. C’est galère mais je fais un peu diminuer le niveau pendant un temps. Mais ça remonte rapidement. Je ne me sens plus vraiment en danger et je sais que, maintenant, les secours sont déclenchés.
Puis un cargo arrive. Je l’aide à me localiser avec un feu à main. Il entame sa manœuvre mais se rate un peu. Il revient en marche arrière sur moi. Je crois que je vais passer sous la voûte arrière qui monte et descend de 4 mètres avec les vagues. Finalement un gros choc en retombant sur le pauvre 539, mais ça va je ne suis pas écrasé. La coque de Kalonig glisse sous le vent du cargo et l’équipage m’envoie des amarres que j’amarre comme je peux sur les winchs. Il va falloir monter sur l’échelle de corde que l’équipage place contre la coque du cargo. Ça monte ça descend : il faut trouver le bon timing pour sauter sur la corde dans le haut de la vague. Surtout ne pas tomber à l’eau. A la troisième tentative je réussis à monter sur la corde et 5 secondes après je suis sur le pont du cargo. Le temps de regarder mon mini s’éloigner dans le sillage…”