Une préparation physique nécessaire, mais pas déterminante

Jérémie Beyou
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La voile est un sport atypique. Les efforts requis pour pousser un monocoque Imoca à son maximum pendant trois mois sur toutes les mers du globe sont très divers et aucun marin n’a le même profil physique. Le skipper de Maître CoQ, comme une grande majorité des skippers engagés sur un tour du monde en solitaire ont un excellent fond physique, qu’ils travaillent depuis des années. Cet entraînement alterne foncier et fractionné et fait partie intégrante de leur préparation. Pourtant, selon le Dr Lambert, médecin du sport basé à Lorient qui suit des marins professionnels depuis plus de quinze ans : « La vo2max (indicateur de la performance dans les efforts d’endurance, ndlr), n’est pas importante pour ses marins au long cours ! Jérémie Beyou, comme tous les autres skippers, a besoin d’un bon fond physique. Il l’entretient comme il veut, à sa manière, mais ce qui le fera tenir, c’est son mental. Ils ont tous une extraordinaire et admirable capacité à repousser leurs limites. La condition physique est nécessaire, mais pas déterminante. »

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Mais « wincher » une écoute de gennaker après un virement de bord demande quand même un « minimum » d’entraînement, car un coureur des mers au long cours doit en effet être à la fois capable de développer beaucoup de puissance en quelques minutes, de supporter une forte et rapide augmentation de son rythme cardiaque lors de manœuvres soudaines, tout en étant endurant et résistant… à tout : aux mouvements violents et incessants de son bateau, au stress, à la fatigue, au bruit, à la pression de la compétition, au froid, à la fournaise équatoriale, à la douleur. Il faut être capable de grimper seul, en pleine mer, en haut de son mât de 28 m de haut, de manipuler une voile de 150 à 250 m2 (qui pèse de 60 à 95 kg), d’avoir le cran et la force de plonger, seul, en cas de problème au niveau des appendices, etc.

La course au large nécessite une très bonne forme physique générale, mais ce physique il faut qu’il soit stimulé par un mental puissant. Jérémie Beyou, skipper Maître CoQ : « La course au large nous sollicite de différentes façons : il y a de la résistance pure au sommeil, au stress, à la fatigue… Et il y a de longues périodes relativement statiques avec d’un coup une manœuvre qui requiert toute notre énergie sur un temps très court. Il faut donc travailler en résistance et en fractionné, associé à un bon gainage des muscles et du dos en particulier. Il faut faire beaucoup d’étirements, à terre comme en mer. La préparation physique est devenue un paramètre hyper important pour nous. D’autant que, passé 30 ans, il faut commencer à faire attention aux petits bobos qui peuvent vite devenir handicapants. »

Dr Lambert, médecin du sport : « Jérémie fait beaucoup de vélo, sur de longues distances, un peu de musculation et ses sorties en mer : cela suffit comme préparation physique. En revanche, je lui interdis de faire de la course à pied, du foot et autre sport où les risques d’accident sont importants. La seule chose que je préconise avec insistance ce sont les étirements, pour préserver le dos, mais il n’y a pas de suivi médical spécifique en amont du Vendée Globe. Il n’y a pas non plus de profil physique « idéal » pour réussir un Vendée Globe, car le mental occupe une place énorme dans la performance globale du skipper. »