Un rythme qui s’accélère, une houle de Nord Ouest formée et toujours de longs surfs au grand large du Sahara… lors de la vacation matinale, les hommes du large joins par Ocean Alchemist témoignent du plaisir de naviguer tout schuss. Avec un flux de Nord-Est oscillant entre 25 et 28 noeuds en fonction des moments, des vagues qui allongent la foulée et l’ambiance si particulière des nuits de pleine Lune, la carte postale matinale a de quoi faire rêver les terriens. D’une voix enjouée, Gildas Morvan accueillait la nouvelle de son leadership matinal avec bonne humeur et prudence. A bord de Cercle Vert, le géant des abers et Bertrand de Broc, son compagnon de route, saent en effet que ce bouleversement en leur faveur tenait aussi à leur positionnement sur l’échiquier. Auteurs d’une trajectoire plus "haute" que leurs concurrents directs, ces deux-là étaient ce matin un peu plus proches de l’orthodromie (la route directe) que les autres.
Déchus de leur première place, Romain Attanasio et Samantha Davies ont choisi quant à eux de plonger un peu plus Sud et d’engager leur chasse aux Alizés soutenus. Bord à bord avec le tandem franco-britannique, les pilotes de Brit Air complètent le podium et impressionnent leurs adversaires par leur vitesse supersonique… à tel point qu’Armel Le Cléac’h et Fabien Delahaye ont pris la tête à 8h, à leur tour.
Anticiper une possible rupture de l’alizé
Derrière, c’est également l’heure des choix. Ainsi, Nicolas Troussel et Thomas Rouxel (Crédit Mutuel de Bretagne) ont décidé de jouer les options tranchées en mettant franchement du Sud dans leur route. Tous ont devant eux le possible scénario d’une rupture d’Alizés à échéance de quelques jours… laquelle pourrait bien redistribuer les cartes. Alors, pour éviter les pièges, on joue le placement et on se dit qu’il faudra certainement accepter de se rallonger la route pour gagner dans le Sud et aller y chercher la pression. Reste à savoir jusqu’où engager le plongeon…
En attendant, sur la route des Alizés, les 25 duos de la Transat AG2R-La Mondiale glissent pour l’instant sans encombre. A la barre, à 100% du potentiel du bateau, les marins savourent. L’Atlantique est grand, il faut y croire…
Ils ont dit
Gildas Morvan (Cercle Vert)
"On a fait une route un peu plus haute que nos concurrents directs, Savéol et Brit Air. Premier au classement maintenant ne veut pas dire grand-chose car la route est encore longue. On fait surtout des placements stratégiques sur le long terme, sur les 48-72 prochaines heures. On a un vent de 27-28 nœuds, il nous manque juste les nuages alizéens. C’est de la glisse pure depuis Concarneau, à part la dorsale bien sûr, mais c’est super agréable. Ca enquille depuis La Palma, on est au portant. Il va falloir rallonger la route par le Sud car il faut contourner l’anticyclone des Açores par le Sud ainsi qu’un front assez loin devant, pour trouver plus de vent, être plus tranquilles et pour avoir un alizé plus conséquent. On devrait aller assez vite. On discute pas mal entre bateaux. Brit Air est difficile à rattraper, Fabien est redoutable à la barre, en particulier dans les surfs. Ca va être dur de tenir la distance jusqu’à St Barth. Nous avons de belles vagues, 27 nœuds, de la glisse, du ciel bleu bien dégagé, ce n’est que du bonheur !
J’ai l’habitude d’avoir plus d’écarts avec les bateaux, moins de proximité, alors qu’avec Brit Air on ne s’est pas quitté depuis le début. Banque Populaire nous a rejoint, on a perdu « notre ami fromager » (Groupe Bel) malheureusement, mais c’est très sympa comme ambiance, on échange beaucoup !"
Fabien Delahaye (Brit Air)
"On a pas mal de vent, on est au portant sous spi. Hier, on allait vite ce qui nous a permis de revenir fort sur Savéol. On se relaye beaucoup à la barre avec Armel. On a perdu de vue Cercle Vert et Banque Populaire cette nuit. On a cherché énormément pour faire avancer le bateau vite, il semblerait qu’on ait trouvé entre autres les bons réglages. Après le coucher du soleil, on fait des quarts réguliers de 2 heures, donc Armel et moi, on se repose autant, on barre autant et ça nous permet de rester efficaces. On a des conditions très agréables, ça glisse, ça va vite, il fait beau, on peut difficilement demander mieux !
J’apprends beaucoup sur cette première Transat. Armel aime planifier, être à la table à cartes, voir les différentes options. Une fois qu’il a fait tous ses calculs, on discute des possibilités ensemble et chacun donne son point de vue. On est concentré sur notre stratégie, sur ce qu’il y a devant, la météo, les réglages, on essaye de se placer face à tout ça.
Dans les heures à venir, il va y avoir une petite phase anticyclonique à gérer, on sait où on va et comment on va l’affronter".