Vendée Globe. Dalin solide leader

Le skipper francais Charlie Dalin s’entraine à bord d’ Apivia, le 2 Septembre 2020, sur l’Atlantique. (Photo Vincent Curutchet/Alea/Disobey)

Charlie Dalin entame son vingtième jour de course en tête du Vendée Globe avec 200 milles d’avance sur Thomas Ruyant. Les deux skippers ont traversé un sérieux coup de vent et font route vers le deuxième des trois grands caps de ce tour du monde, le cap Leeuwin.

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Avec la tempête, la course a été mis entre parenthèse le temps du passage du front. Il faut préserver les hommes autant que les bateaux. Apivia reste pour l’instant à 100% de son potentiel à ce que l’on sait.

Trois ris et rien devant. Même le petit tourmentin orange fluo, la voile de tempête, a été roulé à l’avant d’Apivia qui a tracé droit dans la dépression. C’est ce que l’on aperçoit sur les images envoyées ce matin par Charlie Dalin. Avant qu’il ne raconte de vive voix comment il a vécu sa nuit et sa matinée dans 50 nœuds de vent, il faudra attendre demain, lorsque la situation se sera décantée et qu’il se sera reposé. Ce midi déjà, le front dépassait le bateau jaune. Le leader indétrônable de ce 9e Vendée Globe empannait alors pour se caler dans le flux de Sud-Ouest. Sa vitesse est restée très modérée toute la journée. Charlie est encore probablement sous-toilé, en train de se remettre de ses efforts et de ses émotions.

250 milles derrière lui, Thomas Ruyant a tiré au cordeau une route plus septentrionale, en passant 7 milles au Nord de l’île d’Amsterdam, un itinéraire qui le mettait à l’abri des vents les plus forts. Ce matin, l’auteur de cette trajectoire était pleinement satisfait du résultat : « j’ai pu éviter le gros de cette dépression. Je n’avais pas vraiment le choix, Charlie (Dalin) avait assez d’avance pour rester à l’avant de ce front, mais pour moi, ça aurait été trop dur ». Pour le vainqueur de la Route du Rhum 2010, ça n’a pas été non plus une partie de rigolade, mais le coup de chien a été bref : une paire d’heures avec des rafales à 60 nœuds, puis un empannage un peu scabreux mais maîtrisé. Ce matin, le skipper de LinkedOut profitait de conditions plus « maniables » : 30 nœuds de vent dans un paysage adouci par la lumière du soleil. « Je suis bien content d’avoir passé ce dernier obstacle dans l’océan Indien. On n’est à l’abri de rien, mais c’était le dernier phénomène costaud avant d’arriver dans le Pacifique ».

Cap au Sud-Est, les deux leaders devraient profiter de conditions plus stables ces prochaines 72 heures. De quoi souffler un peu sur la route du cap Leeuwin.

« La taille et la direction des vagues dictent leur loi »

Dans le Nord des Kerguelen, sur la partie Ouest de ce système dépressionnaire gigantesque qui serpente jusque dans le Pacifique, le vent est encore soutenu pour les marins lancés aux trousses de Charlie et Thomas. Par 45°Sud, Louis Burton, le plus méridional de tous, a retrouvé son fauteuil de 3e devant Yannick Bestaven, Benjamin Dutreux et Boris Herrmann, dont la trace se confond aujourd’hui avec celle de Damien Seguin.

Depuis trois jours, le skipper de Groupe APICIL passe son temps à tenter de résoudre des problèmes électriques qui provoquent des black-out, synonymes de déconnexion du pilote automatique et de départ au tas ! Heureusement, la situation semble sous contrôle. Car bricoler à bord dans de telles conditions est une punition. Plus que le vent, « c’est la taille des vagues et leur direction qui dictent leur loi » avoue Damien Seguin. « Il faut se faire violence pour prendre soin du bateau et de soi, sinon, ça devient invivable. Tu es obligé de réduire la toile pour pouvoir faire bouillir de l’eau et pouvoir manger ».

Depuis bientôt dix jours, ces onze solitaires – poursuivis par Romain Attanasio (12e) et Clarisse Crémer (13e)- , sont embarqués dans le train fantôme du Grand Sud et vivent une interminable succession de coups de stress. Dans le vacarme des habitacles, secoués par d’incessantes embardées, ces hommes et femmes démontrent pourtant une incroyable capacité d’adaptation. Et s’habituent à vivre – parce qu’il le faut bien – dans cet environnement agressif.

Au bord de la crise de nerf

Sous le continent africain, cueillis par une dépression descendue de Madagascar, trois hommes sont en train de payer cher leur ticket d’entrée pour l’océan Indien. Joint ce matin au téléphone, Stéphane le Diraison (17e), coincé dans une zone sans vent, face à une houle de quatre mètres au centre de cette dépression, était au bord de la crise de nerfs. 100 milles devant lui, Alan Roura naviguait lui aussi avec une mer de face, mais avec 25 nœuds de vent de travers, des conditions décrites comme « invivables ».

8 places en 10 jours pour Tripon

Ce Grand Sud est une guerre d’usure pour les marins. Mais si Dame Nature ne fait pas grand cas du malheur des hommes, elle est aussi la meilleure des consolatrices. Il suffit d’un arc-en-ciel de carte postale dans le sillage de V and B – Mayenne ou d’une aurore australe flamboyante à l’horizon de L’Occitane en Provence, et tout est oublié.

Debout à 1h30 du matin sur le pont de son bateau pour changer une voile d’avant, Armel Tripon a immortalisé ce moment. Il fête peut-être aussi son échappée limpide, seul, devant ses compères Roura, Le Diraison et Boissières. La vitesse de son plan Manuard lui a permis de filer sous la dépression. En dix jours, Tripon a gagné huit places au classement et se retrouve aujourd’hui dans des conditions météo idéales pour poursuivre sa belle glissade dans l’océan Indien.

A l’arrière, enfin, le groupe des huit emmené par Fabrice Amédéo navigue à la lisière d’une dépression qui va les porter jusqu’au cap de Bonne-Espérance. A leur tour, les retardataires sont entrés dans le royaume de l’ombre. Celui des Quarantièmes Rugissants.