Après deux abandons (2012 et 2020), Samantha Davies va enfin gouter aux joies de l’arrivée en tant que finisher. Elle a franchi la ligne d’arrivée ce jeudi 30 janvier à 11h15 après 80 jours 22 heures et 13 minutes en course. Si tout ne s’est pas passé comme prévu – ce qui n’arrive jamais en course au large – la Franco-britannique a réussi à tenir bon et c’est une victoire en soi, elle qui fait partie des grandes figures de la Classe IMOCA depuis plus de 20 ans.
Le frisson de franchir la ligne d’arrivée du Vendée Globe, le bonheur de retrouver ses proches, l’émotion de voir bientôt des anonymes prêts à l’accueillir comme il se doit… Samantha Davies va basculer dans une autre dimension lorsqu’elle va enfin lâcher les écoutes, oublier les alarmes, les bruits de la coque et du gréement qui grincent et entamer sa remontée du chenal, prévue à 15h30 cet après-midi. La Franco-britannique vient d’achever son 4e Vendée Globe, le 2e où elle réussit à aller au bout.
Après un début de course difficile, Samantha Davies intègre le Top 10 au moment du passage du cap de Bonne Espérance. Dans les mers du Sud, elle intègre un quatuor avec Clarisse Crémer, Justine Mettraux et Boris Herrmann. Puis, Sam fait route dans le Pacifique, seule, évitant des conditions engagées à la latitude du point Nemo, loin de tout. Pour la remontée de l’Atlantique Sud, elle retrouve Clarisse et Benjamin Dutreux.
Sam Davies avait prévenu avant le départ de son quatrième Vendée Globe : au moins 15 concurrents pouvaient prétendre au top 5 sur cette édition particulièrement relevée. Forte de très bons résultats sur les grandes courses précédentes, la navigatrice faisait bien entendu partie de ce groupe de favoris en s’élançant des Sables-d’Olonne, le 10 novembre 2024. Son objectif était de régater jusqu’au bout avec des concurrents disposant d’IMOCA aux potentiels similaires au sien. Du fait de son projet particulier, à la fois sportif et solidaire, Sam avait également l’objectif d’atteindre le cap des 500 enfants sauvés grâce au projet Initiatives-Cœur depuis sa création en 2009.
« Ce n’est plus comme avant où il était plus facile de revenir »
Le 2 décembre, Sam Davies a franchi le premier grand cap du tour du monde, Bonne Espérance, à la 10e place et au contact de trois marins de grande qualité : Justine Mettraux, Clarisse Crémer et Boris Herrmann. « Le passage du cap de Bonne-Espérance a été un moment particulièrement stressant parce que c’est à cet endroit précis que sur l’édition 2020, j’avais eu une collision qui avait entraîné mon abandon, en plus de deux côtes cassées, raconte Sam. Le passage de ce premier grand cap était compliqué et je ne pense pas l’avoir bien géré. Sans doute en raison du stress, j’ai trop suivi le routage qui propose la trajectoire optimale mais ne prend pas en compte tous les paramètres. »
Quelques jours plus tard, au cœur de l’océan Indien et sur une mer agitée, la navigatrice a vécu une mésaventure fâcheuse : un black-out complet, plus aucune énergie à bord ! « D’un coup, tout coupe, plus d’info, plus d’électronique, plus de pilote, plus d’ordinateur, se remémore-t-elle. Très vite, le bateau part au tas avec une vague et je me fais éjecter de mon siège dans le cockpit. Je n’ai même pas le temps d’attraper la barre ! Le bateau finit par virer, voiles à contre, couché à quasiment 90 degrés. Je ne peux même plus basculer la quille pour aider à redresser mon IMOCA. » Sam est finalement parvenue à rétablir la situation, mais accusait beaucoup de retard sur ses concurrents direct, à un moment clé de la course. « Le niveau de la flotte est tellement élevé qu’une petite erreur ou un problème technique se paye très vite. Ce n’est plus comme avant où il était plus facile de revenir. Mais c’est aussi ce qui rend cette épreuve passionnante », analyse-t-elle.
Poussée par son état d’esprit naturellement positif, et par la volonté de sauver un maximum d’enfants, Sam Davies s’est accrochée dans le Pacifique et a franchi le mythique car Horn le 1er janvier, en 14e position. « Ce passage a été l’occasion pour moi de me faire une sorte de rétrospective. Je me suis rappelé mon dernier passage, en solitaire, lors du Vendée Globe 2020. J’étais alors hors course, je me remettais d’un accident assez traumatisant. Cette année, j’ai passé le cap Horn en course et c’est un vrai soulagement d’autant que j’ai vraiment kiffé ma course depuis le premier jour. Je suis tellement contente d’avoir réussi ce tour de l’Antarctique. »
De nouveau « finisher » du Vendée Globe, 16 ans après
La remontée de l’Atlantique a aussi apporté son lot de difficultés, notamment en fin de parcours. La mort dans l’âme, la navigatrice d’Initiatives-Cœur a pris la décision de mettre sa course en suspens pour laisser passer une grosse dépression qui lui barrait la route jusqu’aux Sables d’Olonne. « On annonçait 40 à 50 nœuds de vent et si proche de la côte, c’est très dangereux. J’ai donc opté pour une solution radicale : ralentir. Je suis forcément déçue de rallonger mon temps de course. Mais le sens marin est ma priorité et je n’ai pas de regrets. Je dois prendre soin de mon bateau qui a fait quasiment un tour du monde. J’ai donc désactivé le mode course pour activer le mode aventure. »
C’est finalement ce jeudi 30 janvier, à 11h15, qu’elle a franchi la ligne d’arrivée du Vendée Globe pour la deuxième fois de sa carrière (la première remonte à 2009), à la 13e place. C’est une satisfaction pour Sam de finir cette course alors qu’elle restait sur un abandon (en 2012-2013) et un Vendée Globe bouclé hors course (en 2020-2021). Elle a pu pleinement fêter le passage du mythique chenal des Sables d’Olonne, ce jeudi à 15h30. Elle a attendu toute la nuit au large pour un horaire plus favorable à la présence d’un public dense. De quoi s’offrir un moment émouvant de liesse et de partage avec les spectateurs, les partenaires et les membres de son équipe venus la fêter comme il se doit, au son du célèbre I will survive de Gloria Gaynor. Elle va désormais profiter des joies du retour à terre : les retrouvailles avec son fils, un bon repas, une douche chaude, une bière bien méritée, et « une bonne nuit dans un lit qui ne bouge pas »…
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