Les veilles de départ de transatlantiques ont toujours un peu la même saveur, les mêmes couleurs. Les mots s’y font rares, évasifs et les silences en disent longs. Pas encore partis et plus tout à fait là, les marins mettent du bleu dans leurs regards et se détachent peu à peu de leur enveloppe terrienne. A partir de dimanche 14 heures, ils entreront dans cette dimension marine qui leur sied si bien et laisseront derrière eux les proches et le tumulte d’une semaine de préparation et de sollicitations.
En attendant, chacun gère à sa manière son entrée dans le sas de décompression. Pour certains la tâche est plus aisée et la transition s’est opérée il y a plusieurs jours déjà. C’est notamment le cas des concurrents résidant suffisamment loin de Concarneau pour avoir pris leurs quartiers hors de leur lieu de vie, de leurs repères.
Puis il y a les autres, ceux qui jouent à domicile et vivent entre Concarneau et La Forêt Fouesnant, à un jet de pierre de leur centre d’entraînement de prédilection. Pour ceux-là, les choses sont ressenties différemment. "Nous venons de vivre une semaine finalement assez compliquée. Il faut jongler entre tout et c’est difficile de se ménager du temps. Mon sas de décompression je l’aurai demain matin en montant dans ma voiture pour venir à Concarneau retrouver mon co-skipper dans son hôtel pour prendre les derniers fichiers météo" confirme la navigatrice Jeanne Grégoire (Banque Populaire), jeune maman qui laissera sa petite fille pour la première fois.
Du côté d’Antoine Koch (Gaspé 7) le confort d’un départ à domicile est assez appréciable : "Même si on a l’impression de ne pas avoir de vraie période de bascule avant le départ, c’est quand même très pratique pour nous de partir de Concarneau. Sur une course en double, la coupure est moins essentielle que pour une Route du Rhum par exemple".
Les petits plats
A bord de Cheminées Poujoulat, Bernard Stamm fait le tour du garde-manger : "Nous avons une base de plats lyophilisés, un peu de plats cuisinés pour le plaisir et des fruits et légumes pour les vitamines. Et puis nous avons surtout un plat préparé par la maman de Gildas Mahé, un rougail-saucisse..."
Du côté de Franck Le Gal (Gedimat) également un soin particulier a été apporté à l’alimentation et aux petits plaisirs quotidiens : "Nous partons avec dix jours de plats lyophilisés et surtout du jambon Serrano, du beaufort, du comté, des tomates séchées, des olives, des fruits… Sur une course en double, les repas à bord sont des moments de détente et de discussions stratégiques. Nous ne partons pas pour nous croiser mais pour partager !".
Demain dimanche à partir de midi, les 25 duos de la Transat AG2R salueront une dernière fois le port de Concarneau qui leur aura réservé un accueil et une météo d’une rare générosité. A 14 heures, le comité de course les libèrera afin de mettre le cap sur Saint-Barth.