Une situation complexe au large des Açores

Damien Seguin & Armel Tripon
DR

La flotte des dix-sept duos encore en course se disperse de plus en plus sur un Atlantique très peu coopératif : sur le 40° Nord, les dépressions se succèdent marquant l’entrée en lice d’un automne agité tandis qu’au Sud, l’anticyclone des Açores joue les filles de l’air avec des alizés asthmatiques… Le bilan est donc peu reluisant pour les dix-sept Class’40 en mer, puisque Crédit Maritime (Patrice Carpentier-Victor Maldonado) est reparti de Cascaïs dimanche soir après avoir réparé ses pilotes automatiques. Avec près de 800 milles de retard, le tandem franco-mexicain pourrait s’inquiéter d’un décalage conséquent par rapport aux leaders, mais finalement l’incertitude météo est telle qu’un retour aux affaires n’est pas exclu…

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Car il va falloir gérer une situation pour le moins complexe et assez inhabituelle par sa durée : des dépressions n’arrêtent pas de se créer dans le Sud-Ouest des Açores ce qui entraîne un flux perturbé de secteur Ouest au Nord du 40° Nord et un décalage très Sud de l’anticyclone. Il y a donc du vent fort sur la route directe et des brises faibles sur la voie du Sud. Entre les deux, c’est simplement un marais de vents instables, variables, erratiques et éphémères ! Il en découle que les options prises dès le cap Finisterre ne vont pas fusionner dans les jours qui viennent, au contraire ! Le leader de ces derniers jours, Initiatives-Novedia (Tanguy de Lamotte-Adrien Hardy) a beau tenté de prendre du Sud dans un régime d’Ouest après avoir paré l’île de Santa Maria, il va devoir continuer à planter des pieux dans la mer formée pendant encore une semaine… Au risque de s’embourber dans les vents mouvants de la zone de transition entre Nord et Sud !

D’ailleurs les autres partisans de la route directe sont aussi dans l’incertitude : pendant que le premier plonge après avoir rasé Santa Maria suivi par son dauphin Cargill-MTTM (Damien Seguin-Armel Tripon) qui concède déjà cinquante milles, les autres Nordistes bataillent dans l’archipel des Açores sans trop savoir comment le traverser. Or ces îles sont redoutables ! Magnifiques, sublimes, envoûtantes, charmeuses, mais aussi pleines de pièges, de dévents, de courants, de houles croisées… Mieux vaut ne pas les aborder de trop près car elles génèrent des effets maléfiques pour un voilier en course. Il n’y a malheureusement pas d’autres voies que celle qui rapproche le plus du but encore à plus de 3 700 milles… Du moins pour ces douze partisans de la route dite directe !

Car au Sud, c’est un tout autre décor : pas de houle croisée, pas de vagues traîtresses, pas de vents violents, pas de pluies diluviennes, pas de front mauvais ! Du côté des Canaries, c’est plutôt paisible, mais peut-être trop… Un régime d’alizés s’est bien installé le long des côtes marocaines, mais au large de l’archipel, ce sont des calmes qui règnent en maître. Il n’y a pas trop d’autres solutions que de continuer à plonger vers le Cap Vert pour espérer tenir un rythme suffisant afin de converger vers Saint-Barthélemy avec quelques chances de reléguer les Nordistes dans le tableau arrière. Pas de chemin de traverse : entre les Açores et les Canaries, distants d’environ 700 milles, il n’y a rien ou si peu !

La flotte des dix-sept Class’40 est donc définitivement scindée en deux groupes (du moins jusqu’aux Caraïbes), mais au sein de ces deux options, il va y avoir aussi scission ces prochains jours : ceux qui préféreront se recadrer au risque de se fourvoyer dans des calmes persistants, ceux qui perdureront dans leur option au risque de continuer à souffrir dans une mer dure et des vents forts, ceux qui douteront, ceux qui joueront à quitte ou double, ceux qui miseront sur le long terme… Et le long terme, c’est pour dans deux semaines ! Quand il faudra parer l’île de Saint-Barthélemy…