MACIF a franchi l’équateur géographique, mais le vrai juge de paix sera la frontière atmosphérique entre hémisphères nord et sud, le pot au noir. Dans son sillage, Armel le Cléac’h (Banque Populaire), après avoir subi légitimement un petit passage à vide, a recouvré du poil de la bête et entend bien rappeler qu’on ne vend pas la peau du chacal avant de l’avoir abattu. Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), fort d’une vitesse retrouvée, se prend aussi à rêver bousculer la hiérarchie, quand Alex Thomson (Hugo Boss) se dit que le podium est toujours à sa portée.
Bien sûr, le pot au noir peut toujours fournir son lot de rebondissements, même si, pour l’heure, sa traversée ne semble pas poser de gros problèmes. Les masses nuageuses plombées capables de bloquer la machine à vent plusieurs durant semblent peu actives, mais on sait à quelle vitesse la situation peut évoluer. Mais c’est surtout la situation en Atlantique Nord qui réveille les espoirs du petit groupe à la poursuite de François Gabart. L’anticyclone des Açores et celui des Bermudes semblent en effet devoir fusionner d’ici deux à trois jours, formant une barrière anticyclonique, barrant toute possibilité de route directe vers les Sables d’Olonne. Rallier le port vendéen ne pourrait alors se faire qu’au prix d’un gigantesque détour par l’ouest, dans des airs plutôt mous. Dans ces conditions, des ouvertures peuvent se profiler pour les hommes à la poursuite du leader. Aujourd’hui les dernières simulations de routage pourraient donner la tête de course à 1000 milles de l’arrivée dans la journée du 24 janvier. Mais, on est sur des schémas à neuf jours dont la fiabilité n’est pas garantie.
Duels ouest – est au bord de la crise de nerfs
Derrière la bande des quatre, le peloton subit aussi les affres d’une météo particulièrement capricieuse. En cause, un col entre deux masses anticycloniques particulièrement compliqué à franchir. Jean Le Cam (SynerCiel) à la lutte avec Mike Golding (Gamesa) protège la gauche du plan d’eau, espérant tirer profit d’une petite dépression orageuse en cours de formation dans le sud du Brésil. Son concurrent britannique préfère tenter sa chance dans l’est pour être le premier à bénéficier de la courbure de l’anticyclone de Sainte-Hélène. Cette bagarre n’est évidemment pas sans rappeler le match à trois que s’étaient livrés Jean, Mike et Vincent Riou en 2005. A l’époque, Jean avait privilégié l’est du plan d’eau et avait dû céder le pas à Vincent Riou et même à son concurrent britannique, avant que Mike Golding ne connaisse une avarie de drisse de grand-voile. Ce n’est pas forcément le meilleur souvenir du skipper de SynerCiel et il ne serait pas étonnant que les enseignements de son premier Vendée Globe fassent aussi partie des paramètres d’analyse de Jean Le Cam.
Derrière eux, la lutte est tout aussi chaude entre Javier Sanso (ACCIONA 100% EcoPowered), parti dans l’est, Arnaud Boissières (AKENA Vérandas) et Dominique Wavre (Mirabaud), en position médiane. Comme le faisait remarquer le navigateur suisse, ce n’est pas par atavisme national qu’il a choisi une position neutre, mais plus parce que dans le doute, la route la plus directe apparaît souvent comme dictée au coin du bon sens. Reste que le premier à s’extraire des griffes de la dorsale qui les retient pourrait bien empocher la mise. Arnaud Boissières a fait le pari de la contourner par l’ouest en espérant compenser par sa vitesse le nombre de milles parcourus en plus. Dans ce genre de situation, les logiciels de routage n’en peuvent mais. Il faut accepter de faire confiance à son intuition pour choisir sa route. Mais c’est aussi le charme de la course océanique de montrer qu’elle laisse encore des zones d’ombre qui échappent à la stricte logique des programmes informatiques.
Pacifique solo
Alessandro Di Benedetto est maintenant le seul solitaire à naviguer dans le Pacifique. Le skipper de Team Plastique devrait rallier le cap Horn dans deux jours, malgré son avarie de drisse de gennaker qui le prive de cette voile d’avant si efficace au portant. Pour Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets) et Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur), le Pacifique est derrière. L’un comme l’autre ont vécu avec intensité ce passage d’un monde à l’autre, même si l’on sentait chez Tanguy de Lamotte une émotion particulièrement forte de rentrer dans le cercle étroit des navigateurs solitaires cap-horniers.
PFB
Ils ont dit
Alex Thomson (Hugo Boss) : “Je pense que l’élastique va continuer de s’étendre donc je vais perdre du terrain pendant un ou deux jours. Ensuite je devrais pouvoir revenir sur Jean-Pierre (Dick) dans le pot au noir. En théorie, c’est l’endroit le plus à l’ouest qui est le plus sûr pour le traverser donc je suis bien. De toute façon, je connais bien cette partie du parcours. Je vais espérer que les gars soient ralentis par le pot au noir puis dans l’anticyclone des Açores. »
Jean Le Cam (SynerCiel) : « J’ai repris l’avantage sur Mike mais la situation est compliquée et variable donc ce n’est pas facile, clairement. Ça commence à faire pas mal de bagarre avec lui. J’aurais préféré autre chose mais bon c’est comme ça, c’est mon destin. Je fais pas mal de routage en ce moment. On passe beaucoup de temps dessus, car ça bouge et il faut être à l’affût des changements. »
Dominique Wavre (Mirabaud) : « Au niveau du vent, il est aux abonnés absents. On n’avance quasiment pas mais il faut prendre les choses du bon côté. Il fait bon, les affaires sèchent à bord du bateau. On est plusieurs dans la même situation, il faut garder le moral même si c’est très désagréable cette zone de pétole en haute mer. Il faut profiter de tous ces instants et prendre au mieux ce qui nous vient. »
Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur) : « Hier, c’était des conditions typiques du cap Horn avec 30 nœuds et une grosse mer. Ce matin, j’ai réussi à voir les îles donc c’est génial. Maintenant c’est tout calme et on glisse bien. Ça a vraiment été un super cap Horn. J’étais super heureux de connaître enfin l’Indien et le Pacifique. J’ai découvert des choses extraordinaires même s’il y a eu des moments difficiles. »
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 3181.6 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 205.6 nm
3 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 646.3 nm
4 Alex Thomson Hugo Boss à 870.3 nm
5 Jean Le Cam SynerCiel à 1993.9 nm
6 Mike Golding Gamesa à 2057.1 nm
7 Javier Sanso Acciona à 2233.5 nm
8 Dominique Wavre Mirabaud à 2323.4 nm
9 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2397.0 nm
10 Bertrand de Broc Votre Nom autour du Monde à 3628.3 nm