Les alizés Portugais, ce fin couloir de vent fort issu de la
compression entre zones de hautes pressions au nord, et un centre
dépressionnaire centrée sur le sud de l’Espagne, sont au rendez-vous et
si les 30 à 35 noeuds qui propulsaient cette nuit encore Protos et
Séries de 6,50 mètres ont mis à contribution hommes et matériels, ils
ont aussi et depuis le cap Finisterre rangé et ordonné la longue et
belle houle d’Atlantique. Paupières lourdes, peau humide et salé sous
le lourd ciré détrempé, les Ministes enfin amarinés retrouvent au-delà
des milles et uns désagréments de leur spartiate navigation, l’absolu
bonheur de lancer de manière de plus en plus échevelée leurs "petites
bombes" à l’assaut des vagues. Un moment rangés, prudence et passage du
Cap Finisterre oblige, les spis sont de retour, et les plus prompts à
les dégainer se félicitent ce soir à l’écoute des classements distillés
par la doucereuse voix du directeur de course sur les ondes longues de
Monaco radio, seul moyen pour ces solitaires de l’extrême, d’obtenir
des nouvelles de la course.
Francisco Lobato en Série, et Henry Paul "HP" Schipman en proto, les
plus conquérants depuis le départ, ont réalisé un petit écart qu’ils
souhaitent capitaliser lorsque, demain peut-être, l’alizé portugais va
s’essouffler. Pour l’heure, la cavalcade se poursuit, avec sur
l’échiquier Atlantique un jeu qui s’ouvre et des trajectoires qui
s’affirment, tantôt plus ouest, tantôt plus proche des rivages
Ibériques. À un peu plus de 400 milles de Madère et de la ligne
d’arrivée de Funchal, chacun sait qu’une redistribution des cartes
attend les solitaires dans les calmes de l’archipel.
Avantage Lobato
Sûr qu’il en rêve le jeune prodige Portugais. En tête des voiliers de
Série depuis le Pertuis d’Antioche, et en tête "tout court" de cette
Charente-Maritime/Bahia Transat 6,50 depuis à peu près son entrée…
dans les eaux Portugaises, Francisco Lobato (ROFF TMN) se verrait bien
premier à entrer dans le port de Funchal. Il s’y emploie avec une
énergie qui doit laisser pantois nombre de ses concurrents dotés de
protos performants. Ses moyennes dans l’alizé sont stupéfiantes et
malgré un décalage latéral important par rapport à son principal
protagoniste, le proto "Maison de l’avenir Urbatys " à HP Schipman, il
a de nouveau et le temps d’un après-midi, enfoncé le clou à plus de 11
noeuds de moyenne entre deux relevés. Dans son sillage, à cap, latitude
et conditions égales il tient la dragée haute à deux sacrés "clients",
Bertrand Delesne et son proto Manuard de l’année "Entreprendre
durablement" et le tenace Thomas Ruyant (Faber France) pourtant eux
aussi lancé dans une grande campagne de reconquête. Décalés, et point
lâchés, Stéphane le Diraison (Cultisol Marins sans frontière) revenu de
l’ouest et Fabien Després (Soitec) en rupture d’Est remettent du
charbon et de la pression sur les leaders. 300 milles plus au nord, à
vue du cap Finisterre, saluons le retour "aux affaires " d’Olivier
Avram (Cap Monde 2) auteur d’une fantastique et rectiligne traversée du
Golfe de Gascogne, après son redémarrage de la Rochelle, après 12
heures d’une interminable escale pour réparer tangon brisé et voiles
déchirées.
Jorg abandonne
Autre favori très attendu dans cette Charente-Maritime/Bahia Transat
6,50 après ses éclats de début de saison (ndr, victoire dans la
Transgascogne 2009), l’allemand Jorg Riechers connaît lui un destin
diamétralement opposé ; son plan Bertrand 2009 a percuté un objet
flottant non identifié qui a fortement abîmé la quille et ses paliers,
ne permettant pas de continuer la course. Arrivé à La Corogne, il a
constaté l’impossibilité d’envisager de réparations correctes dans les
72 heures autorisées… De ce fait, Jorg se retire la mort dans l’âme,
et devient le second abandon de la course après Davy Beaudart, lui
aussi un challenger reconnu en Série.