Comment ça va à bord de "Cheminées Poujoulat" ?
Bernard Stamm : "Ça va plutôt bien : je pense passer le caillou dans quatre ou cinq heures. Là, les conditions sont encore maniables mais le vent est en train de monter progressivement à 30-35 nœuds. La mer devient de plus en plus grosse du fait de la remontée des fonds à l’approche des côtes".
Il y a quatre ans, vous aviez doublé le Horn dans des conditions difficiles avec, à la clé, un gros problème de quille : êtes-vous plus prudent cette fois-ci ?
"Oh oui, je suis très prudent. Surtout là où je suis actuellement car c’est exactement à cet endroit-là que j’avais cassé ma tête de quille. Il y a quatre ans, je n’avais pas anticipé et je m’étais fait surprendre. Cette fois-ci, j’ai réduit la toile bien avant : en ce moment, je suis sous grand-voile à deux ris et ORC devant… et je file quand même à 20 nœuds".
Avec votre avance (ndlr : plus de 1.700 milles sur le second), pourquoi ne levez-vous pas davantage le pied ?
"Mais je navigue prudemment en ce moment. Je ne tire pas sur le bateau car je n’ai pas le moindre concurrent dans un rayon de dix milles. Néanmoins, il m’arrive de pousser le monocoque ne serait-ce que pour ne pas rater un système météo".
On parle du Horn comme d’une porte de sortie mais il reste encore 7.000 jusqu’à l’arrivée à Norfolk (Etats-Unis) : que redoutez-vous le plus lors de cette longue remontée de l’Atlantique ?
"A part la casse mécanique, je crains surtout le manque de vent : un anticyclone peut vous scotcher pendant plusieurs jours, voire des semaines".
Cela vous manque-t-il de ne pas avoir un adversaire à votre taille ?
"Oui, c’est un peu dommage de ne pas avoir un mec au contact. Mais bon, c’est comme ça et je fais avec…"
De la casse à bord ?
"Non, tout va bien : j’ai eu mon problème avec le chariot de grand-voile situé en tête de mât. Il a fallu que je descende ma grand-voile au winch. Dès que les conditions météo le permettront, il faudra grimper en tête de mât pour réparer. A part ça, le reste est en bon état".
C’est votre troisième passage (1) du cap Horn : que ressent un solitaire au moment de franchir le rocher mythique ?
"Un soulagement car, dans le Pacifique, tu navigues tout de même avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête : je parle des icebergs bien sûr ! Le Horn passé, tu as l’impression de rentrer à la maison. Cette fois-ci, je vais tout faire pour le voir ce fameux cap Horn".
Philippe Eliès
(1) : Stamm a franchi le Horn en solitaire en 2002-2003 lors de cette même épreuve, ainsi qu’en 2005 à bord du maxi-catamaran Orange 2 de Bruno Peyron lors du record victorieux autour du monde (50 jours, 16 h, 20′ 4”)