Sous l’aile d’Hervé Devaux

BOR 90-  installation de son aile
DR

En juillet 2007, le Challenger BMW ORACLE Racing se met à plancher sur la conception d’un maxi trimaran et fait appel au cabinet d’architectes français Van Peteghem-Lauriot Prévost ainsi qu’au bureau d’études HDS. Hervé Devaux, Aurélien Miller et Steven Robert entrent alors dans l’aventure. Ce dernier s’en souvient : « potentiellement, les régates débutent un an plus tard et il faut aller vite. Nous extrapolons ce que nous connaissons (trimarans Orma, Groupama 3…) en passant à une largueur de 90 pieds. Nous déterminons les efforts et définissons totalement les concepts structuraux du bateau, des mâts et des appendices. Les procédures juridiques se poursuivent et nous avons alors le temps de mener une vraie campagne de développement. Les mesures des centaines de capteurs sont disséquées pour optimiser le bateau. Chaque kilo gagné est investi dans de nouveaux systèmes permettant de gagner en performance. D’un bateau polyvalent, nous passons à un engin de régate pure : changement de flotteurs, d’étraves, de mâts, d’appendices, le trimaran a connu plusieurs mues avant l’arrivée de l’aile. »

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Une aile pour remplacer la grand-voile
Dirigé par Mike Drummond, le design team de BMW ORACLE Racing s’interroge sérieusement sur la possibilité de développer une aile rigide pour le trimaran. « Avec Hervé, nous intégrons la petite équipe qui travaille en secret sur les premiers concepts de l’aile, » poursuit Steven. « Après cinq mois de construction, l’assemblage se termine à San Diego. On voit naître et grandir la pièce et on s’habitue presque à sa taille…mais lorsque le 10 novembre, à l’aube, les deux grues la soulèvent pour la première fois et la présentent sur le bateau, on en mène pas large. L’après-midi même, le bateau vole sur un flotteur et les marins reviennent le sourire aux lèvres…on a déjà quelques réponses. »

Malgré sa construction et sa logistique pharaoniques, ce prototype est gage de simplicité. « L’aile remplace la grand-voile. On s’affranchit des tensions de chute, des liaisons mât/bôme, de tous les efforts qui servent à contrôler la forme d’une voile. Pour l’aile, la forme optimale existe sans effort. Dans des vents faibles, elle génère environ 2,5 tonnes d’efforts sur la plateforme contre 20 à 25 tonnes pour un gréement classique, soit un rapport de 1 à 10, pour un poids équivalent, » détaille Steven. « Afin de recouvrir l’aile, nous avons choisi une toile aéronautique utilisée sur des avions de tourisme, qui se tend comme une peau de tambour à la chaleur. Et c’est finalement cette tension qui nous a guidé dans nos calculs pour concevoir le squelette de l’aile plus que les efforts aérodynamiques. Hervé a également été moteur dans la conception du système de relevage de l’aile, crayon et calculette en main d’abord. La solution retenue : un tube servant de bras de levier et qui commande une bascule latérale, réglée simplement par un bout revenant au winch. Deux heures suffisent ensuite à la manutention globale : de l’aile sous la tente au bateau prêt à naviguer ! »

Échange de compétences
Dans cette campagne, les frontières entre le « monde » du multicoque tricolore et la culture monocoque de l’America’s Cup se sont estompées, permettant aux designers de mêler leurs connaissances. « Cette expérience nous a immergé dans un mode de fonctionnement international et nous a fait côtoyer d’autres techniques de calcul comme de mise en œuvre. Nous avons, je pense, su guider parfois l’équipe vers des choix plus pragmatiques comme nous le faisons avec des projets qui ont des budgets moindres et où l’on retrouve les mêmes contraintes de temps, » confie le Brestois de 31 ans, avant de conclure en souriant. « D’un point de vue personnel, c’est aussi l’occasion de vivre le quotidien d’une équipe et de remporter l’America’s Cup pour ma première campagne ! »