Route du Rhum. Une météo plus dure qu’en 2018 pour le départ

A 48h du départ, la tension commence à se faire sentir sur les pontons de St-Malo pour les 138 skippers de la Route du Rhum. Les prévisions météos s’affinent et ne laissent guère de doutes sur le programme musclé qui attend les concurrents.

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Les premiers jours de la course devraient être plus durs qu’en 2018. Ce n’est pas tant la force du vent qui pose problème mais l’état de la mer qui s’annonce chaotique avec des hauteurs de vagues supérieures à 6 m avec des périodes assez courtes ! ” nous confiait Pascal Bidégorry, membre du team Holcim-PRB de Kevin Escoffier. Dans ces conditions, tous les bateaux seront mis à rude épreuve y compris ceux de la Classe Ultime qui devront trouver les bon compromis entre vitesse et préservation du bateau. Les premières 24H s’annoncent difficiles et dans ce scénario Francis Joyon avec son IDEC-Sport éprouvé, véritable 4×4 des mers pourrai mieux s’en sortir.
En Ocean Fifty, cela s’annonce clairement plus difficile mais il n’est pas question de se tromper de route. “On ne part pas pour faire la Route de l’oignon et s’arrêter à Roscoff. On va y aller. Ce sera surement très engagé mais on s’est préparé à cela” confiait Thibaud Vauchel-Camus, skipper du trimaran Solidaires en Peloton.

Les derniers fichiers laissent peu de doutes sur la teneur du début de course. Ce sera costaud, et assurément rugueux. Avec un système dépressionnaire bien installé sur l’Atlantique, c’est au rythme d’une succession de fronts qu’il faudra plonger dans le grand bain. Du près musclé d’entrée de jeu et un golfe de Gascogne fidèle à sa réputation composent un scénario météo qui pourrait se dégrader nettement lundi sous l’effet d’une dépression creuse générant un front froid très actif. De quoi laisser planer la menace « de vents de 50 à 55 nœuds dans le nord de la perturbation et des creux de 6 à 7 mètres vers lle arge pour la journée de lundi, » indique Cyrille Duschene de Meteo Consult dans son bulletin du jour. Et « mettre les marins à rude épreuve, » ajoute ce matin le prévisionniste. « Dès Ouessant, et même avant, il y a de la mer et des conditions de vent qui sont celles d’un mois de novembre. Il n’y a pas de surprise. La Route du Rhum – Destination Guadeloupe a écrit son histoire avec ces conditions. Je souhaite à tous les concurrents le meilleur, j’aurais préféré une meilleure météo, il n’empêche que je ne suis pas inquiet de leur savoir-faire, » complète de son côté Francis Le Goff, directeur de course.
Impatience, peur, etc.
Pour autant, quelle que soit l’intensité de ce coup de chien, c’est bien sous le signe d’une navigation au louvoyage dans la brise et sur mer très formée que débutera cette 12è Route du Rhum – Destination Guadeloupe. « Dès la première nuit, il faudra faire face à la tempête. Je me sens prêt pour ça. J’attends avec impatience d’avoir une idée plus précise des options qui s’offrent à nous afin de faire les bons choix, ne pas casser le bateau et tout donner. Il faut parfois savoir ménager nos multicoques et donc ralentir pour bien gérer, » indique Éric Peron (Komilfo). Pour sa première participation, ce fin expert de la navigation en solitaire compte aussi sur son bateau « le plus marin, le plus 4X4 avec ses coques les plus volumineuses. Dans du vent fort et de la mer formée, c’est un atout, » se rassure-t-il à quelques jours du coup d’envoi dans la classe des huit Ocean Fifty, la plus engagée de toute la flotte hétéroclite. « J’ai peur, mais je vais être à 200% dimanche et faire un beau départ parce que j’adore ça. J’aurai tous ces marins que j’admire autour de moi, je viens pour ça, » souligne quant à lui Arthur Le Vaillant (Mieux), paré à faire son plongeon à bord de son Ultim 32/23 dans cette course qui a bercé son enfance.

Ils ont dit :
Francis Joyon (Idec Sport, Ultim 32/23) : « La concurrence est plus relevée avec plusieurs bateaux qui existaient il y a quatre ans et ont été mis au point et les nouveaux qui ont tiré les enseignements. La concurrence sera plus rude. Par rapport aux conditions attendues, j’ai de la curiosité plus que de l’appréhension. Est ce que ce sera plus fort que ce que j’ai déjà connu au près ? Ce sera intéressant à voir ! Entre casser, parce qu’un bateau est trop neuf et pas assez éprouvé comme peuvent l’être mes concurrents, et casser parce qu’il est trop vieux et que le matériel est d’origine comme le mien, la question reste ouverte… »
Sacha Daunar (Bateau Cit’Hôtel – Région Guadeloupe, Class40) : « Les 48 premières heures de course s’annoncent très sportives. Certains pourraient se mettre à l’abri si les conditions se dégradent pour attendre que le gros passe avant de reprendre la mer. Je vais attendre de voir comment je me sens sur le bateau et comment les conditions sont fortes avant de savoir si je préfère attendre, ou y aller. »
Sacha Daunar (Bateau Cit’Hôtel – Région Guadeloupe) – © Team Right
Olivier Nemsguern (ELORA / Rhum Mono) : « Je me doutais qu’il y allait avoir des moments pas faciles, j’aurais préféré commencer par deux jours plus relax. J’improviserai de toute façon ! Je ne partirai pas pour aller prendre 50 nœuds, ce ne serait pas marin, d’autant qu’il y a les rails, les pêcheurs, etc… J’espère que ce ne sera que plus fort que ce qu’ils ont annoncé pour le premier front, sinon j’ai mon port fétiche, Camaret, où j’adore m’arrêter. Je sais qu’ils font d’excellentes crêpes ! Je verrai… Mon premier objectif c’est de traverser et d’arriver de l’autre côté. »
Baptiste Hulin (Rennes / Saint-Malo / Mer Entreprendre, Class40) : « Ça va être costaud, ça va même être viril. Je pense qu’il va falloir être bien prêt et que le mental va devoir prendre le dessus à un moment donné. On va surtout essayer d’être concentré, de ne pas faire de grosse bêtise, de ne pas avoir peur de souffrir. Mais je suis content ! Je préfère partir dans de l’air, même fort que dans pas trop de vent. Ma hantise, c’est de repartir comme sur la transat l’année dernière dans du petit temps. Je suis plutôt content, ça va être une sacrée aventure. »
Roland Jourdain (We Explore / Rhum Multi) : « Les conditions au moment du départ seront toniques, mais pas dramatiques. La première après-midi devrait bien se passer. Le questionnement, c’est sur le passage de la pointe bretonne. On devrait avoir 6 mètres de houle assez rapprochée, avec un fort courant de marée. Globalement, les coureurs pensent tourner à gauche à ce niveau-là pour aller chercher le moins de mer possible dans le golfe de Gascogne. We Explore n’a pas encore affronté ce type de conditions mais je me poserais les mêmes questions si je naviguais sur n’importe quel autre bateau de la catégorie Rhum. Je vais rester à l’écoute des éléments et d’un éventuel consensus avec les coureurs de la catégorie. On verra bien comment les choses évoluent d’ici dimanche ».
Manuel Cousin (Groupe Sétin / IMOCA) : « C’est La Route du Rhum, nous allons encore écrire une page de son histoire. La météo va être difficile dans les premières 48 heures au moins. La Route du Rhum a toujours été un peu compliquée au départ. C’est l’Atlantique nord en novembre, on ne peut pas vraiment espérer autre chose. C’est logique que les dépressions passent. A nous de les gérer, nous avons des bateaux faits pour mais il ne faut pas faire de bêtises car le moindre problème technique peut vite être compliqué à gérer. Après ces premiers jours difficiles, on devrait pouvoir se faire bien plaisir. »
Paroles de marin – François Gabart : « Il risque de ne pas y avoir d’échappatoire »
À l’occasion d’un point presse ce jeudi matin, les journalistes retrouvaient François Gabart (SVR Lazartigue) comme s’ils l’avaient quitté il y a quatre ans à Pointe-à-Pitre. Moins fatigué sans doute qu’après sa Route du Rhum – Destination Guadeloupe d’anthologie, perdue pour 428 secondes… Le skipper est toujours disponible, affable, avec son regard clair derrière lequel perce une détermination intacte. De quoi aborder avec sérénité et une concentration extrême le départ, dimanche prochain.