A aller vers l’Angleterre, on rencontre un temps … Anglais ! que voilà une belle Lapalissade qui n’aurait probablement pas déplu à Jean Le Cam. Le navigateur de Port la Forêt, fort mécontent de son passage à la bouée de Fréhel en 7ème position des monocoques Imoca s’est aussitôt attaché à respecter scrupuleusement son plan de route qui le voit ce matin pointer dans le peloton de tête à une latitude propice, selon ses dires, à négocier au mieux les prochains déplacements de masses d’air ; « L’atterrissage sur Fréhel, après un départ plutôt sympa, a été catastrophique, avec le courant à contre, les manœuvres… » se remémore un poil bougon le skipper de VM Matériaux. Le plan Lombard à la belle robe fuschia a depuis en trepris de s’enfoncer loin en Manche, un peu au mépris des nombreux cargos et bateaux de pêche qui évoluaient dans un dense brouillard très « british ». Satisfait de sa progression dans l’ouest au près et à petite vitesse, Le Cam se réjouit aussi d’un début de Route du Rhum clément pour l’ensemble de la flotte ; « Cela fait une grosse différence avec l’édition précédente, et c’est très bien ainsi. » L’énergie des marins est donc toute entière canalisée vers les aspects purement sportifs et stratégiques de la course. Passées ses obligations médiatiques du matin, Jean va décortiquer avec attention les derniers classements, disséquer les plus récents fichiers météos, l’œil et l’oreille aux aguets, tous ses se ns en phase avec le pouls du bateau… on vous le dit, Jean le marin, Jean le coureur, Jean le compétiteur est aux affaires. Petit temps ou pas, sa Route du Rhum est belle et bien entamée.
Philippe Monnet
«En solitaire, il y a deux courses extraordinaires : la Transat Anglaise et la Route du Rhum. Il s’agit de deux parcours différents avec leurs difficultés spécifiques, mais toutes deux sont aussi exigeantes. La Route du Rhum dispose d’un petit plus en termes d’ambiance, car Saint-Malo est une ville de départ magnifique et je ne parle pas de l’atmosphère à l’arrivée en Guadeloupe ! Le Rhum, c’est LA course, il faut y être et ils sont tous là !
Concernant mon expérience personnelle, j’ai bien sûr rêvé de cette épreuve dès que j’ai commencé à naviguer sérieusement. J’y suis venu un peu tardivement (ndlr : Philippe a effectué de nombreux records en grand multicoque, dont son fameux tour du monde en 1987 avant de «passer au Rhum»), ma première participation s’est faite dans le cadre de mon entraînement pour le tour du monde à l’envers. Je venais juste de mettre mon bateau à l’eau, en 1998. J’avais cassé la bôme d’Uunet en milieu de parcours, et terminé 6ème chez les monocoques. En 2002, les choses avaient bien commencé à bord du trimaran Sopra, mais j’ai fait naufrage dans l’ouragan, juste à côté du Prestige.
Le chavirage a duré 4 secondes… J’étais au sommet d’une vague, le haut de la trinquette a commencé à se dérouler, cela a créé une poche suffisante pour que tout bascule d’un coup. Je me suis retrouvé sous le filet, à faire trempette à une heure du matin. Là, tu sais que ta course est finie, et tu penses avant tout à sauver le bateau. Ce que j’ai finalement réussi à faire, dans des conditions assez difficiles, mais j’ai pu le récupérer. Ce qui n’a pas été le cas de Loïck Peyron malheureusement. Il était tout près de moi, mais sa plate-forme n’a pas tenu. Evidemment, cette histoire a un goût d’inachevé et me donne envie de repartir. Je m’occupe aujourd’hui du monocoque et du projet Roxy… et j’avoue que je suis ici à Saint Malo (entretien réalisé à la veille du départ, ndlr) les mains dans les poches car notre bateau est plus que prêt, et moi je ne pars pas !
Alors y revenir un jour ? Oui bien sûr, car cela reste la plus beau terrain de jeu pour les multicoques, et quoi que disent certains qui font aujourd’hui du mono, cela reste des bateaux fabuleux… des engins pas fragiles contrairement à ce que l’on dit souvent, mais qui exigent d’être pilotés. On ne peut pas se cacher derrière l’excuse « mon bateau a cassé, c’est trop fragile », car derrière la casse, il y a une erreur de pilotage. Il faut mener la machine avec réserve, la sentir car si en monocoque une petite sortie de piste n’est pas toujours grave, en multi l’addition est toujours salée. C’est importante de faire cette nuance, et ne pas incriminer le support car au fond, c’est l’homme aux commandes qui est en cause : et c’est valable pour moi aussi ! En 2002, j’avais un budget serré, alors j’ai adapté la trinquette de Grand Prix à mon enrouleur, en gardant le rond de chute. Si je ne l’avais pas conservé, la trinquette ne se serait jamais ouverte au large dans 80 nœuds de vent. Donc, c’est une faute, point. On aurait pris le temps de mettre un coup de ciseau, les choses auraient sans doute tourné différemment !"
Propos recueillis par Jocelyn Blériot
Golding gagne 100 milles… et lance un appel
Il se trouve actuellement à 120 milles à l’Ouest des canaries et l’état de la mer est relativement modéré avec 15 nœuds de vent : « J’ai plutôt eu une bonne journée jusque là et j’ai réussi à bien avancer sur Bernard (Stamm) et à me créer une avance confortable sur Alex (Thomson). Je dois être en train de faire du meilleur boulot ! » a-t-il rapporté avec esprit.
« Je suis à nouveau dans le match et le bateau n’a pas de gros problèmes, mais je suis au près vu qu’il y a une dépression là où il devrait y avoir un anticyclone. Je devrais être dans l’Anticyclone des Açores mais je suis dans la dépression des Açores ! Mais, au moins, il fait chaud et jusqu’à il y a quelques heures, il faisait beau mais maintenant, c’est un temps ç grain. » a-t-il conclu.
Les conditions extrêmes rencontrées par la flotte de la Velux 5 Oceans est quelque chose qui a, semble-t-il, occupé l’esprit du marin solitaire britannique. Dans son précédent blog, il commente :
« La flotte de la Velux 5 Oceans a été très secouée dans le Golfe de Gascogne par une tempête imprévue qui a vu plus de 70 noeuds de vent et des mers énormes qui ont secoué la flotte. La conséquence de cette tempête a été l’arrêt au stand de quatre bateaux de course fin prêts dont ECOVER tout cela 72 heures après le début de cette course autour du monde en solitaire.
« Etait-ce une erreur dans la météo ou nos prévisions? Ou bien est-ce qu’il se passe quelque chose de plus large ?
« La vérité, c’est que la tempête est très certainement un événement local isolé mais, quand on regarde les journaux dans le monde entier qui parlent d’événements climatiques, on est tenté de dire qu’il y a une tendance générale vers ce genre de phénomène extrêmes, et ce fait est maintenant accepté de tous. Nous savons des scientifiques qu’éventuellement, dans un futur proche, ces effets seront beaucoup plus significatifs que de forcer quatre bateaux de course à s’arrêter, ils nous parlent de réels désastres de proportion biblique.
« Le fait que nous ne réalisons peut-être pas combien nous (la race humaine) contribuons à ces changements est hors propos. Nous savons tous, au fin fond de nous, que nous devons changer notre façon de traiter la planète si nous voulons continuer à profiter de ses fruits. Il est vrai que la météorologie globale a toujours été en mouvement depuis des millénaires mais nous semblons maintenant constater des changements en l’espace de décennies !!!
« Il n’y aura pas de sauvetage rapide et technologique pour ce type de changement global. Il s’agit de travailler sur le long terme (un peu comme l’énorme tour du monde devant moi) tout d’abord à travers l’éducation et ensuite par des micro-mesures en changeant notre façon de faire au jour le jour. Le résultat (si nous nous y tenons) nous aidera à entraîner une mutation culturelle pour améliorer et maintenir notre environnement local, marin et éventuellement global.
« Retroussons nos manches, à la poursuite du but global! »
Source Ecover
Vincent Riou démate, Bidégorry en tête des multi…
Multicoques 60′ Orma : Pascal Bidégorry nouveau leader
Chez les trimarans Orma, au classement de 20h ce soir, Franck Cammas sur Groupama 2 a cèdé sa place de leader à Pascal Bidégorry sur Banque Populaire IV. Finis les airs erratiques du départ et de la première nuit : les bateaux de tête continuent à progresser vers l’ouest, mais presque deux fois plus vite que ce matin. Tous vont chercher cette nuit un passage de front derrière lequel ils doivent trouver une bascule de secteur nord puis nord-est qui leur permettra d’enfin basculer sur la route directe.
Michel Desjoyeaux (Géant) a opté pour une route nord dans la Manche, suivi à petite distance (5e à 18 milles) par l’étonnant benjamin de la série, Antoine Koch sur Sopra Group. A l’inverse, Thomas Coville (Sodebo), Lionel Lemonchois (Gitana 11) et Alain Gautier (Foncia) ont préféré rester au sud, passant plus près de la côte bretonne. Jean Maurel, Directeur de course : "jusqu’ici, tous se sont débrouillés avec le peu de vent reçu depuis le départ et ont essayé de régater au mieux, voilà tout". Il faut se méfier, donc, de ces premiers pointages établis en terme de distance au but, alors que personne jusqu’ici n’a fait la route directe. D’un classement à l’autre, on note encore que Lionel Lemonchois, partisan d’une route un peu plus sud, s’est rapproché depuis midi. Il pointe juste derrière le trio de tête, à moins de 15 milles du leader. "On y verra plus clair demain", estime Thomas Coville, passé lui aussi très au sud et qui a subi une bulle d’une heure sans vent ce matin. Son Sodebo a gané 2 places et pointe 5e à 25 milles du leader, mais il a lui aussi embrayé et promet que derrière le front, quand viendra le vent portant, "on va se régaler… ça va changer d’allure et si on arrive à passer comme prévu, ça peut nous faire une Route du Rhum super rapide".
Monocoques 60′ Imoca : Jean-Pierre Dick file à l’anglaise
A l’image des multicoques Orma, c’est en choisissant la moitié anglaise de la Manche que les premiers monocoques Imoca ont trouvé leur salut. Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) leader depuis ce matin, est passé cet après-midi à moins de 7 milles de l’archipel anglais des Scilly. Dans son sillage, Roland Jourdain (Sill et Veolia) et Jean Le Cam (VM Matériaux) ont également mis le pied sur l’accélérateur après une nuit trop calme à leur goût. Conséquences des vents faibles et particulièrement instables en direction lors des 24 premières heures de course, les écarts se sont rapidement creusés entre les partisans de l’option nord, majoritaires, et ceux du tricotage le long des côtes bretonnes. Marc Guillemot (Safran) s’est dit “sudiste malgré lui“ lors de la vacation du jour. Dans les mêmes parages naviguent Philippe Fiston (Adriana Karembeu Paris) et Jean-Baptiste Dejeanty (Maisonneuve Basse-Normandie). Ce gruppetto accuse déjà près de 90 milles de retard sur les leaders. Entre les premiers et les derniers, la flotte s’étalait cet après-midi en latitude entre Ouessant et les Scilly. L’arrivée du front la nuit prochaine et la bascule attendue du vent du sud-ouest à l’ouest puis au nord-ouest devraient permettre aux leaders d’accélérer une nouvelle fois en premier et de virer de bord pour partir en direction des Açores plutôt que des Etats-Unis !
Classe 40 : Dominique Vittet a pris la tête…
La première nuit de course a été mouvementée pour les 25 concurrents de la Classe 40 qui évoluaient péniblement ce lundi matin à hauteur de l’île de Batz dans un vent toujours extrêmement variable en force et en direction, voire inexistant par endroits. Tout au long de la journée, les solitaires dont les speedo ont affiché des vitesses comprises entre 0 et 6 noeuds, ont enchaîné les manoeuvres à l’image de leur première nuit en mer. Empannages, virements de bord, changements de voile et… mouillages ! Ce fut notamment le cas ce matin de Thibaut Derville. Le skipper de Cap Vad a en effet été contraint de jeter l’ancre au large de Roscoff, le courant étant plus fort que le vent. Dans ces conditions pour le moins volages, c’est Gildas Morvan à la barre de son Oyster Funds et Dominique Vittet (Atao) qui ont su le mieux tirer leur épingle du jeu. Au classement de 20 heures, Dominic Vittet (Atao Audio System) avait repris la première place devant Gildas Morvan, Olivier Rabine et Nick Bubb. La flotte devrait prochainement bénéficier d’une légère brise de sud-ouest avant que celle-ci ne vire ouest et nord-ouest. Cette bascule de vent devrait ainsi permettre aux leaders de la flotte d’atteindre Ouessant vers 21 heures ce soir.
Les autres classes
Chez les multis Classe 2, Franck-Yves Escoffier (Crêpes Whaou!) a déjà creusé l’écart sur ses sept poursuivants. Eric Bruneel (Trilogic), deuxième, pointe déjà à 42 milles derrière et son fils Loïc (Deleage & Diazo), suit en 4e position. Autre bonne nouvelle chez les Escoffier, Servane (Vedettes de Bréhat Cap Marine) pointe également en tête de sa classe des monos Classe 2, juste devant Luc Coquelin (Cap Guadeloupe 971). Du côté des multis classe 3, Ross Hobson (Ideal Stelrad) mène ses deux adversaires qui le suivent dans un mouchoir de poche. Pierre-Yves Guennec (Jeunes Dirigeants) a pris les commandes des monos classe 1, tandis que le Belge Michel Kleinjans (Roaring Forty) occupe les avant-postes de la flotte des monos classe 3.
JEurope en effervescence.
Le chantier JEurope situé à Olonne-sur-mer est en pleine agitation. Avec la construction du J122, le nouveau voilier de la gamme J, qui sera présenté en avant-première au salon nautique de Paris début décembre, et l’engouement des régatiers pour le J80, JEurope est en ébullition. Les 90 salariés ne chôment guère pour faire face à de nouveaux challenges.
Face à la forte demande de J80, Didier Le Moal a décidé la semaine dernière de construire un nouveau moule pour la fabrication des petits J, ces monotypes rapides et ludiques. « Nous ne construisons pas plus de 8 J80 par mois. Avec la création de ce nouveau moule, nous allons doubler notre production et ainsi satisfaire nos clients qui veulent pouvoir naviguer dès avril » explique le Directeur Général. « Nous allons construire le numéro 925 preuve que cette unité fait vraiment des émules auprès des amateurs de sensations fortes et de courses en monotypie. Les Espagnols sont friands du J80, que cela soit au Nord de l’Espagne, aux canaries ou dans les alentours de Valence. La Marine Nationale a, de nouveau, commandé huit J80 que nous allons livrer dans les jours qui viennent. Et puis la tenue du Mondial J80 début Juillet en baie de Quiberon donne des envies à de nombreux régatiers de haut niveau. Il fallait donc réagir ».
Côté J122, les affaires avancent. Aujourd’hui, JEurope va poser le pont du J122 version « club racing » (3 cabines et un mât en carbone). Et pour demain, JEurope enregistre déjà 10 commandes du nouveau bijou de la marque au grand J.
Le J122 selon Didier Le Moal
« C’est un voilier résolument moderne et intemporel. Nous avons essayé d’utiliser les bienfaits de la technologie actuelle. Son gréement sans recouvrement pour faciliter les manœuvres et la circulation en atteste. Le J122 est un résumé du J109 et du J133. C’est un grand J109 et un petit J133 tout à la fois. Il existe 3 versions du J122 selon le souhait et l’utilisation de nos clients : la version « Grande Croisière », la version Club Racing avec mât carbone, la GP Racing avec mât et bôme carbone. Enfin, il dispose de 3 cabines ou de 2 cabines avec cabinet de toilettes».
Caractéristiques techniques :
• Longueur coque : 12,19 m
• Longueur flottaison : 10,55 m
• Bau maximum : 3,63 m
• Tirant d’eau : 2,20 m
• Déplacement : 6800 kg
• Surface de voilure : 97 m2
• Surface de spi : 150 m2
• Homologation CE (en cours) : A
Plus d’infos : www.jeurope.eu.com
Top départ !
Franck Cammas, bien placé lui aussi mais trop bas sur la ligne, a été contraint de virer se retrouvant bâbord amures, pour parer le bateau de la Marine Nationale, qui sépare les deux flottes… Il a dû passer derrière Foncia.
Côté monocoques, le Class 40 Cap Vad de Thibault Derville a devancé le VM Matériaux de Jean Le Cam sur la ligne.
La flotte doit désormais aller virer la marque située au pied du Cap Fréhel, à 18 milles de la ligne de départ… sachant que les plus rapides affichent à première vue une vitesse de l’ordre de 6 – 7 nœuds.
Côté monocoques, les skippers de 60′ bataillent actuellement pour slalomer entre les nombreux Class 40, Jean-Pierre Dick semblant être bien placé, d’après les observateurs embarqués dans l’un des hélicoptères de la presse – dont notre confrère et camarade Pierre-Louis Castelli de Radio France.
Pour l’heure, le courant est favorable, mais gare à la renverse avec le peu de vent régnant sur le plan d’eau !
300 milles d’avance sur Stamm
Cheminées Poujoulat fait toujours course seul en tête. A mi chemin entre les Canaries et les îles du Cap Vert, Bernard Stamm continue d’allonger la foulée. « Flashé » à plus de 10 nœuds, son plan Rolland marche deux nœuds de mieux que le 60 pieds de son poursuivant immédiat, le Japonais Kojiro Shiraishi. Le Spirit of Yukoh du marin du pays du soleil levant était pointé à la mi journée 285 milles derrière Bernard Stamm, à 8 nœuds de moyenne.
Le skipper Suisse, même s’il garde un œil sur son poursuivant immédiat, est concentré sur sa descente vers l’équateur. Il navigue pour le moment à environ 400 milles dans le Nord de l’archipel du Cap Vert dans un vent de secteur Nord à Nord-Est, très variable en force.
Loin derrière, à proximité de Madère, avec toujours plus de 650 milles de retard, Mike Golding, Ecover, et Alex Thomson, Hugo Boss, bataillent ferme pour tenter de réduire un écart toujours impressionnant.
Hier, Bernard Stamm est passé sous la barre des 10 000 milles qui le séparent de Fremantle (Australie). Son prochain grand rendez-vous sera le passage de l’Equateur. Un passage compliqué à négocier, d’autant que cet automne la météo a tendance à sortir des sentiers battus et à jouer des tours aux marins.
Source Cheminées Poujoulat
En route pour la huitième !
« Les spectateurs pourront “spectater“ et les marins "mariner" prévoyait hier Michel Desjoyeaux. Bien vu. Même si à la pointe du Grouin ce matin, on a d’abord craint un temps de cochon, puis redouté un retard de la procédure tant la brume et le crachin réduisaient la visibilité à sa plus minimale expression. Et puis le voile s’est levé comme un charme devant la cité corsaire, comme pour ouvrir un solennel rideau géant sur le grand spectacle des 74 solitaires engagés dans cette Route du Rhum – La Banque Postale. A 13h02, le maire de Saint-Malo, René Couanau, donnait le top départ libérateur depuis le Pont-Aven, ferry amiral de la Britanny Ferries. A la pointe du Grouin, envahie de milliers de spectateurs, tout comme au Cap Fréhel au même moment, l’énorme ligne de départ – 2 milles de longueur, séparée en son milieu pour multi et monocoques – était déjà le théâtre d’une belle empoignade. Mais finalement, seul le monocoque 60 pieds Maisonneuve Basse-Normandie de Jean-Baptiste Dejeanty se rendait coupable d’un départ prématuré et devait réparer en revenant couper la ligne correctement.
Franck Cammas en tête
Léger clapot, ciel bas mais visibilité dégagée, dans une dizaine de noeuds de secteur nord-ouest, les solitaires étaient contraints de tirer des bords pour progresser vers le Cap Fréhel. Sous les centaines d’objectifs, devant des dizaines de milliers de regards, le spectacle était grandiose et les multicoques Orma prenaient logiquement les devants. Le meilleur départ était pris par le tenant du titre Michel Desjoyeaux sur Géant, devant Franck Cammas (Groupama 2), auteur d’un départ bâbord amures pour le moins osé mais virant et croisant tout de suite la flotte pour gagner au large, et le Foncia d’Alain Gautier, 3e sur la ligne. Les vitesses de progression n’étaient certes pas exceptionnelles – environ dix noeuds pour les multis 60′. Très vite les trimarans Orma – chatouillés dans leur suprématie par le multi 50 Crêpes Whaou! du Malouin Franck-Yves Escoffier – s’extirpaient de la gigantesque forêt de voiles, suivis d’essaims de centaines de petits bateaux spectateurs. Et si 40 minutes après le départ, la bagarre sur la gauche du plan d’eau, à terre donc, faisait rage en tête entre le Géant de Michel Desjoyeaux, le Sodebo de Thomas Coville, le Banque Populaire IV de Pascal Bidégorry… et donc l’étonnant Crêpes Whaou ! de Franck-Yves Escoffier, c’est Franck Cammas (Groupama) qui menait la danse et creusait visiblement l’écart à la faveur de son option à droite du plan d’eau, c’est-à-dire plus au large. Côté ambiance : "il y a énormément de monde, ça crie de partout et il faut vraiment être vigilant", témoignait en direct Pascal Bidégorry, à la barre de son Banque Populaire IV, "mais pour l’instant ça va, j’essaie de m’appliquer!"
Du côté des monocoques, sur la ligne de départ, il n’y avait que Jean Le Cam et son VM Matériaux pour représenter les monocoques Imoca dans les trois premiers sur la ligne (2e), les deux autres plus prompts à s’élancer étant des Class 40, le Cap VAD de Thibaut Derville (1er) et le Nous Entreprenons de Jacques Fournier. Une gloire éphémère tout à fait anecdotique quand on a 3543 milles d’océan à traverser avant d’espérer atterrir à Pointe-à-Pitre. Mais très vite cinq grands favoris des 60 pieds "type Vendée Globe" reprenaient leurs droits en tête et se livraient une belle bagarre : Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec), Vincent Riou (PRB), Roland Jourdain (Sill & Veolia), Jean le Cam (VM Matériaux) et l’étonnant Jérémie Beyou (Delta Dore). Du côté des 40 pieds, Dominic Vittet (Atao Audio System) et Damien Grimont (Chocolats Monbana) étaient eux aussi très en vue dans leur catégorie.
Mais le tout était observé avant le cap Fréhel, célèbre première marque de passage de la course, où la brume épaisse tombait de nouveau à 15h. Rivés à la barre, l’oeil en permanence sur les réglages et sur les autres bateaux, les 74 marins solitaires écrivent déjà de leurs étraves la légende de cette Route du Rhum – La Banque Postale, craignant sans doute les "phases de vent très faible", toujours prévues par la météo dès la fin de la journée et cette nuit. Mais ce n’était encore que les tous premiers bords de l’aventure….
Les mots du leader, Franck Cammas (Groupama) :
"Sur le départ, il m’a manqué quelques secondes pour passer devant Géant et j’ai été obligé d’abattre pour passer derrière toute la flotte. Mais je suis finalement bien content d’avoir persisté, car il y avait plus de pression au large et dans du petit temps qui convient bien à Groupama. Sur l’eau, c’était une belle fête, avec tous ces bateaux suiveurs, tous ces spectateurs. Mais maintenant, la nuit va être délicate car il y a très peu de vent d’annoncé en Manche. Alors, il va falloir garder les yeux ouverts."
Source La Route du Rhum – La Banque Postale
Loïck Peyron
«J’ai fait toutes les éditions de la Route du Rhum… sauf la première, et celle qui se déroule actuellement. En 2002, je fêtais les 20 ans de ma première participation… on passe sur le cadeau, merci ! (ndlr : au cas où cela aurait échappé à certains, Fujifilm s’était disloqué lors de la tempête qui a décimé la flotte dans le golfe de Gascogne). Et il y avait franchement trop de vent pour qu’on allume des bougies, alors… Enfin, cela fait partie des choses de la vie et il y a plus malheureux.
Le Rhum est un événement qui a marqué ma génération. Avant sa création, il n’y avait qu’une transat (l’Anglaise, ndlr), et dès que le parcours St Malo – Pointe à Pitre a été inauguré, tous les jeunes marins comme moi se sont dit qu’un jour, il faudrait qu’ils soient au départ. Et en ce qui me concerne, c’est lors de l’édition 1982 que j’ai effectué ma première traversée en solitaire en multi. Puis les éditions se sont succédé… Il y a plusieurs façons de ne pas gagner une course (ndlr : le Rhum s’est toujours refusé à Loïck, qui a par ailleurs signé un doublé sur l’Ostar, égalant ainsi Tabarly). Il y a la casse, l’erreur stratégique, ou tout simplement le manque de préparation – j’ai à peu près tout vécu en participant à cette course ! Il y a bien sûr eu des années plus frustrantes que d’autres, et la perte d’un bateau comme en 2002 est de loin la plus douloureuse. C’était je l’espère la première et la dernière fois. Mais la plus frustrante car la mieux préparée, celle qui à mon sens m’a vraiment échappé, c’est l’édition 94. Il n’y avait pas de raison de ne pas la gagner… sauf qu’à un moment donné, je me suis retrouvé sans mât.
Après, intervient l’amnésie indispensable pour y retourner, et j’y ai eu recours souvent sans quoi je n’aurais pas autant engrangé de milles en multi en solo… Récemment, lors de mes sorties avec Lionel Lemonchois et Thierry Duprey, j’ai constaté que les automatismes étaient toujours là, comme une seconde nature : pas question pour autant de jouer les donneurs de leçons, les deux garçons se sont préparés en vrais solitaires, et je ne me sens pas du tout dans la peau du coach qui choisit ses poulains… Nous travaillons en bonne intelligence, ils font appel à mon « ancienneté » quand ils estiment que cela est profitable, mais je n’adopte pas l’attitude du mentor. En course d’ailleurs, j’aimerais ne pas avoir de contacts directs avec eux, ils ont chacun leur interlocuteur météo… mais naturellement, j’ai l’œil rivé sur leur progression ! "
Propos recueillis par Jocelyn Blériot
Enfin seuls
Le Cam, économe et efficace choisissait d’emblée de mettre cap au large et de préserver la droite du plan d’eau. Il évitait ainsi au maximum de devoir traverser les sillages des trimarans de tête et de la meute des bateaux à moteur. Les bascules du vent de droite et de gauche ont ensuite copieusement brouillé les cartes et c’est de la gauche que le PRB de Vincent Riou a pu sur un seul bord filer devant l’étrave fuschia de VM matériaux, imité en cela par Jean Pierre Dick, Roland Jourdain et Jérémie Beyou. VM Matériaux était pointé en 7ème position au passage de la marque à 15 heures 25.
Le long bord au large n’aura pas porté les fruits escomptés et Jean entre en Manche avec un point de vue qu’il n’affectionne guère, celui du tableau arrière de ces adversaires. Ces conditions de vent faible et irrégulier vont se poursuivre tout au long de l’après-midi. Pas de relâchement en vue pour les skippers attentifs aux réglages et aux oscillations du vent. Les places vont se gagner ou se perdre au rythme des virements de bord plus ou moins judicieux dans le tempo des bascules. Un exercice dans lequel Le Cam l’instinctif est loin d’être le plus maladroit…



















