Après une inspection complète à la lumière du jour ce matin, lundi 16 novembre, le skipper d’Hugo Boss, Alex Thomson a confirmé que les dégâts subis lors de la collision se situent à l’avant côté bâbord et bien qu’assez localisée, la voie d’eau laisse entrer beaucoup d’eau dans le bateau. Les skippers sont en contact avec l’équipe technique à terre pour finaliser une réparation temporaire qui leur permettrait d’atteindre la terre la plus proche, à savoir les Açores. Bien que les dégâts restent limités, il sera effectivement impossible de colmater la voie d’eau en plein océan.
C’est ainsi qu’à 14 heures (heure française) Alex et Ross ont été contraints d’annoncer leur abandon. Hugo Boss devrait arriver à Horta aux Açores ce jeudi. La frustration est évidente à bord du monocoque noir.
Alex Thomson : « C’est un coup de massue pour toute l’équipe, car nous avons bien progressé jusqu’ici. Hugo Boss a traversé la tempête qui s’est abattue sur la flotte la semaine dernière. Vendredi dernier le bateau a été couché à plusieurs reprises par des déferlantes et malgré une dérive cassée le bateau en est sorti sans problème. Je suis toujours étonné de constater que les ingénieurs et les constructeurs réussissent à construire quelque chose d’aussi costaud pour faire face à de telles conditions et nous avions entièrement confiance dans notre bateau. Nous étions très bien placés sur le parcours et même si nous avons perdu des milles avec la casse de la dérive, notre route au nord a été une option payante, car on est restés en contact avec les leaders. Il restait encore la moitié du parcours devant nous, mais la partie dure était dans notre sillage et nous avions hâte de profiter des alizés. Je suis extrêmement déçu que notre course touche à sa fin à cause de quelque chose qui avait été jeté à la mer…. »
A 3 H 41 heure française (21 h 41 heure locale), CARGILL-MTTM et son équipage en terminaient donc avec cette première édition de la Solidaire du Chocolat. Au terme de 28 jours, 10 heures, 51 minutes et 55 secondes de course, Damien et Armel s’adjugent une très belle quatrième place.
A quelques minutes de franchir la ligne d’arrivée et d’en terminer avec ce mois de course difficile entre Saint Nazaire et Progreso, Damien Seguin et Armel Tripon dressaient déjà un premier bilan de leur aventure et un mot revenait en boucle : POSITIF. « Très très positif ! » même pour les deux compères visiblement heureux : « Durant tout la course, on a réussi à tirer le meilleur du bateau dans des conditions qui ne lui étaient guère propices ! Malgré cela on est dans le match tout de suite et on parvient même à maintenir la cadence face à des bateaux plus récents et plus rapides ! » Et c’est vrai : lorsqu’à mi-course, le 1er novembre, la courroie d’alternateur de CARGILL-MTTM cède, privant le bateau d’énergie et son équipage de météo et de pilote automatique, Damien Seguin et Armel Tripon faisaient alors mieux que se défendre. Naviguant quasiment à vue avec le duo Jourdren-Stamm depuis plusieurs jours, ils ne concédaient alors qu’une petite centaine de milles aux leaders. Ralentis dans leur progression faute d’informations météo fiables puis contraints d’effectuer une escale technique à Saint Barth pour réparer, des deux hommes voient alors le trio de tête s’échapper… Malgré toute leur bonne volonté, ils ne pourront jamais refaire leur retard. Mais là encore, les ligériens demeurent positifs : « Si nous n’avions pas été ainsi ralenti et si nous avions pu garder le contact avec le groupe de tête, notre course aurait pu être magnifique ! Là, elle est juste… très belle ! »
Le classement :
1 Initiatives – Novedia Tanguy De Lamotte • Adrien Hardy 26 j 16 h et 35 m et 00 s 2 Telecom Italia Giovanni Soldini • Pietro D’Ali 27 j 11 h et 00 m et 20 s 3 Cheminées Poujoulat Bruno Jourdren • Bernard Stamm 27 j 11 h et 54 m et 04 s 4 Cargill-MTTM Damien Seguin • Armel Tripon 28 j, 10 h et 51 m et 55 s
Toujours en course
5 Palanad 2 Tim Wright / Nicko Brennan à 80,19 milles 6 Desafio Cabo de Hornos Felipe Cubillos / Daniel Bravo Silva à 188.83 milles de l’arrivée 7 40 degrees Peter Harding / Miranda Merron à 219,56 milles 8. Groupe Picoty Jacques Fournier / Jean-Edouard Criquioche à 562,14 milles de l’arrivée
Ca bouge chez les Imoca et la Vache en rougit de plaisir… Tel pourrait être le premier constat d’un lundi qui débute au milieu de l’Atlantique pour les marins. Hier soir encore, Safran faisait cavalier seul en tête de la flotte de la Transat Jacques Vabre, gardant ses poursuivants à une distance raisonnable d’une cinquantaine de milles. Avec des conditions de navigation décidées à rendre plus agréable le quotidien des marins et les prémices des belles glissades, l’avenir proche du duo Marc Guillemot – Charles Caudrelier Bénac semblait parti pour se poursuivre sur cette voie là. Mais c’était sans compter sur la pugnacité de la concurrence directe. Cravachant et tirant le meilleur de leur monture, Kito de Pavant et François Gabart ont profité de la nuit pour jouer les troubles fêtes dans le jeu des leaders, en commençant par griller la politesse au duo Mike Golding – Javier Sanso, auteurs d’un superbe début de course. Les méditerranéens et l’association britannico-espagnole en ont également profité pour réduire l’écart sur Safran de près de vingt milles. A bord du monocoque gris, on commence à sentir le souffle chaud et dangereux de quatre marins affûtés et forcément dangereux dans le tableau arrière. Si en mer, la tension risque de monter d’un cran, à terre, on s’enthousiasme d’ores et déjà à propos du duel atlantique entre les deux sisterships que sont Safran et Groupe Bel.
Chez les Multi50 aussi l’ordre de marche vers le Costa Rica s’est vu quelque peu bouleversé dans la nuit, les hommes de Guyader pour Urgence Climatique se voyant récompensés par une deuxième place pour les options engagées ces derniers jours. Si la suprématie de Crêpes Whaou !, bateau de toute nouvelle génération, sera difficilement contestable par des plateformes plus anciennes, le duel annoncé entre Victorien Erussard – Loïc Fecquet et Lalou Roucayrol – Amaiur Alfaro ne manque toutefois pas de sel.
Ils ont dit… Charles Caudrelier – Safran – 1er au classement Imoca de 5 heures « Ca va pas mal. C’est un peu compliqué parce qu’on a un vent très instable mais ça va. Il n’y a pas de catastrophe. On est content du résultat malgré le vent pourri qu’il y avait. Le vent tourne tout le temps dont tu ne sais jamais où aller par rapport à tes stratégies. Mais c’est les alizés, c’est normal, on y est habitué maintenant.».
François Gabart – Groupe Bel – 2ème au classement Imoca de 5h « Ca va super. Depuis hier matin c’est top ! On glisse sous gennak, ça va vite, c’est plus soft, c’est vachement agréable de barrer ! Même quand on se fait mouiller c’est agréable, donc c’est que du bonheur, c’est la belle glissade Atlantique… Les alizés ça se méritent ! En revanche le vent n’est pas du tout stable, tant en direction qu’en force, donc il faut être à la barre pour bien suivre les évolutions du vent. Safran est le même bateau que le nôtre. Pour le rattraper, il ne faudra pas compter sur des options architecturales… Les choses seraient plus faciles si c’était un autre bateau devant, mais ce serait aussi moins excitant. Si on veut les rattraper il faudra essayer d’être un petit peu plus intelligent qu’eux en rattrapant des petits décalages par ci par là.»
Loic Fequet – Guyader pour Urgence Climatique – 2ème au classement Multi50 de 5h « On est sorti de l’enfer d’hier oui. En fait on passait la fin du front, on était 3 ris ORC, il n’y avait pas tant de vent mais beaucoup de vagues, c’était un peu rude. Maintenant on essaie de se ralentir, on ne peut pas trop attaquer car il fait nuit. Je ne savais pas qu’on était passé devant Lalou ! Vous me l’apprenez, c’est une belle surprise car on a misé pas mal sur notre option. La bataille avec Crêpes Whaou ! par contre c’est fini c’est évident ! »
Classement de 8 h Monocoques 1 SAFRAN Marc Guillemot – Charles Caudrelier Benac à 2631,9 milles de l’arrivée 2 GROUPE BEL Kito De Pavant – François Gabart à 24,2 milles 3 MIKE GOLDING YACHT RACING Mike Golding – Javier Sanso à 49 milles
Multicoques 1 CRÊPES WHAOU ! Franck Yves Escoffier – Erwan Leroux à 3090,1 milles de l’arrivée 2 GUYADER POUR URGENCE CLIMATIQUE Victorien Erussard – Loic Fecquet à 671 milles 3 REGION AQUITAINE-PORT MEDOC Lalou Roucayrol – Amaiur Alfaro à 711,5 milles
Le repos dominical est une notion toute relative pour les concurrents de la Transat Jacques Vabre. Mis à part peut-être un certain œcuménisme dans le discours des navigateurs et l’expression de quelques vœux pieux, rien ne distingue ce jour des autres de la semaine. D’autant qu’à bord de chaque bateau, la consigne est claire : il faut pousser les feux… Pour les premiers, creuser si possible un petit peu plus l’écart permettrait de s’assurer une petite marge de sécurité et conjointement un certain confort psychologique. Pour leurs poursuivants, mettre du charbon est encore le meilleur moyen de ne pas laisser s’instaurer des gamberges toujours contreproductives. Tous ont plus ou moins réglé leurs soucis techniques et savent que pendant quelques jours, c’est la vitesse qui deviendra le premier facteur de gains ou de pertes.
Attendre son heure Chez les IMOCA, Safran continue de mener la danse, mais sa marge de manœuvre reste étroite devant le mordant de ses poursuivants. Mike Golding et Javier Sanso (Mike Golding Yacht Racing) sont ainsi en train de démontrer que l’absence de financement et une préparation raccourcie n’ont en rien entamé leur appétit de victoire. Kito de Pavant et François Gabart (Groupe Bel) restent à l’affût et pour quelques jours, il serait étonnant d’observer beaucoup de bouleversements au sein des classements. A leurs trousses, ils sont cinq monocoques à se tenir en un peu plus de cent cinquante milles. De Hugo Boss, le plus à l’ouest à Foncia l’oriental, le jeu devrait être serré jusqu’au bout, d’autant que si tous convergent vers l’arc antillais, il existe un décalage latéral de plus de 350 milles. Dans ce petit groupe Veolia Environnement peut, soit s’enorgueillir d’une stratégie remarquable depuis le début de course, soit regretter son avarie de rail de grand-voile, c’est selon. Chez les Multi50, Crêpes Whaou ! continue son cavalier seul. Ses poursuivants sont relégués maintenant à plus de 500 milles. La bagarre pour la deuxième place qui oppose Lalou Roucayrol et Amaiur Alfaro (Région Aquitaine Port-Médoc) d’une part, Victorien Erussard et Loïc Féquet (Guyader pour Urgence Climatique) reste intense. D’autant que l’équipage des deux Malouins a dû subir des vents proches des 50 nœuds, dans un front secondaire généré par la dépression qu’ils avaient pris soin d’éviter. Le jour du seigneur est parfois ingrat pour ses ouailles.
Ils ont dit : Arnaud Boissières, Akena Vérandas : « Le début de la nuit a été compliqué. Toutefois l’eau commence à être moins froide et nous commençons à nous régaler en faisant des surfs. Ça va être dur de revenir aux avant-postes mais la route est encore longue. Avec Vincent, nous discutons beaucoup par rapport à la stratégie à adopter et nous pensons qu’il y a encore des coups à jouer, notamment au niveau de l’arc antillais. »
Franck-Yves Escoffier, Crêpes Whaou ! : « On ne s’est pas beaucoup alimenté depuis le départ et, même si je n’ai pas beaucoup mangé hier, j’ai du mal à avaler le plat aujourd’hui. (…)On n’a pas encore résolu notre problème avec le moteur : il restera comme ça. On préfère se consacrer plutôt à la stratégie. La mer était impressionnante quand on a viré de bord : il y avait 7 mètres de vagues : on avait peur d’exploser le bateau. Si on arrivait sans encombres ce serait trop bien ! Ce bateau m’a encore surpris hier : il marche très bien : au portant on a atteint les 25 nœuds. »
Sam Davies, Artemis : « On a beaucoup de travail à l’heure actuelle, principalement sur la grand voile, on est donc très fatigué. C’est vraiment très, très dur mais c’est quand même marrant : on est à fond dans la course. On est un peu déçu de notre place actuelle, mais notre principal objectif est de revenir dans le match et on travaille pour ça. On ne s’est pas bien reposé parce qu’on a eu beaucoup de bricolage et j’aimerais plutôt le faire au sec. Pour l’instant il n’y a pas beaucoup d’instruments de navigation qui marchent, mis à part le compas de relèvement. C’est un peu une navigation à l’ancienne. »
Mike Golding, Mike Golding Yatch Racing : « C’est parfait, nous avons des bonnes conditions de navigation. Il y a du soleil et on va vite : on ne peut pas se plaindre ! On est en train de faire au mieux pour revenir sur Safran. (…) Nous essayons toujours d’avoir un plan de la course et de prévoir notre position et celle des nos adversaires : nous sommes satisfaits par rapport à notre situation actuelle. L’écart important que Safran a creusé durant la nuit n’est pas très bon pour nous, mais en réalité ils sont seulement à trois heures devant ; ce n’est pas si mal. (…) Ce que nous voulons continuer de faire, c’est de garder une bonne position et de rester toujours aux aguets, au moins jusqu’à la mer des Caraïbes, où différentes options se présenteront ».
Classement de 17 h Monocoques 1 SAFRAN Marc Guillemot – Charles Caudrelier Benac à 2824,5 milles de l’arrivée 2 MIKE GOLDING YACHT RACING Mike Golding – Javier Sanso à 53,7 milles 3 GROUPE BEL Kito De Pavant – François Gabart à 65,4 milles
Multicoque 1 CRÊPES WHAOU ! Franck Yves Escoffier – Erwan Leroux à 3347,6 milles de l’arrivée 2 REGION AQUITAINE-PORT MEDOC Lalou Roucayrol – Amaiur Alfaro à 547,8 milles 3 GUYADER POUR URGENCE CLIMATIQUE Victorien Erussard – Loic Fecquet à 581,8 milles
Avec neuf victoires et une seule défaite, Emirates Team New Zealand ne peut plus être rattrapé et terminera à la première place des Round Robin. Une performance qui donnera aux Kiwis l’avantage de pouvoir choisir leur adversaire pour les demi-finales. Deux autres demi-finalistes sont d’ores et déjà connus. Quels que soient les résultats de lundi, Team Origin et Azzurra sont certains de disputer aussi les phases finales. Il ne reste donc plus qu’une place à pourvoir entre Synergy et Artemis, avec un petit avantage pour l’équipe russe. En effet, les hommes de Karol Jablonski n’ont qu’un match à remporter pour être certain de décrocher le dernier ticket, tandis que les Suédois d’Artemis devront obligatoirement s’imposer deux fois et espérer en parallèle une double défaite des Russes.
En s’inclinant deux fois dimanche, face à Team Origin et Emirates Team New Zealand, BMW Oracle Racing a perdu tout espoir de se hisser en demi-finales. Les Américains disputeront les phases finales pour les 5e à 8e places.
Côté Français, cette journée de dimanche n’a pas rapporté le moindre point non plus. TFS-PagesJaunes s’est logiquement incliné face à Emirates Team New Zealand tandis que All4One a perdu une nouvelle occasion de victoire face aux Suédois d’Artemis. Mieux partie, l’équipe franco-allemande a joliment poussé son adversaire à la faute dans le premier bord de près. Une faute qui aurait peut-être mérité un drapeau rouge (à effectuer immédiatement) au lieu d’une simple pénalité, car elle permit aux hommes de Paul Cayard de prendre un avantage conséquent. Néanmoins, la victoire restait encore à porter pour les équipiers du duo Col/Schümann. Mais dans le dernier bord de vent arrière, l’équipage d’All4One a définitivement perdu le match en ratant un empannage pendant lequel le spi s’est emmêlé.
Il reste six matchs à disputer pour conclure ce 2e Round Robin. Cinq sont programmés lundi et un seul mardi, celui entre les Russes et les Kiwis.
Classement provisoire des Round Robin 1) Emirates Team New Zealand, 9-1 2) Team Origin, 7-3 3) Azzurra, 6-3 4) Synergy Russian Sailing Team, 5-4 5) Artemis, 4-5 6) BMW Oracle Racing, 3-6 7) ALL4ONE, 3-7 8) TFS-Pages Jaunes, 1-9
L’attente a été longue et le changement de rythme brutal : bloqué parfois à moins de cinq nœuds jusqu’à la nuit dernière, Groupama 3 a retrouvé des ailes et fonçait ce dimanche après-midi à trente nœuds de moyenne ! Le tout grâce à une bouffée de chaleur tropicale sortie de Rio de Janeiro et qui descend tout schuss vers les cinquantièmes Hurlants, passant sous l’Afrique du Sud puis continuant son périple au moins jusqu’à l’archipel des Kerguelen, voire plus…
« Nous avions identifié avant le départ le fait qu’entre le 14 et le 16 novembre, deux systèmes dépressionnaires allaient se former sur le Brésil. Il fallait donc prendre l’un ou l’autre car après, il n’y avait plus de passage possible. Il fallait être à l’heure au rendez-vous… Pour les prochaines 24 heures, c’est le même vent qui va les accompagner, une brise de secteur Nord à Nord-Est entre 15 et 20 nœuds, qui va leur permettre d’aller vite au débridé. Il y aura juste une petite houle de Sud-Est qui va s’atténuer alors que le ciel va se couvrir : le mauvais temps va chercher à les rattraper… Des vitesses très élevées vont être au programme dans les deux prochains jours ! » précisait Sylvain Mondon de Météo France.
En avant du front chaud
« On a eu une période difficile psychologiquement parce que cinq nœuds de vent aussi longtemps, ce n’était pas facile à vivre… Ce n’était pas évident de sortir de cette zone de calme et puis, ce matin, ça a commencé à accélérer, mais il faut qu’on se presse pour garder ce vent-là ! On est concentré et surtout contents de retrouver ces grandes vitesses. On se sentait totalement impuissant en attendant cette dépression, mais il ne faut plus qu’on la quitte car nous ne sommes pas particulièrement en avance sur son déplacement. Cela va désormais être une course contre la montre avec le front chaud plutôt qu’une course contre Orange 2 ! » déclarait le skipper de Groupama 3.
Comme cette dépression toute jeune grossit en s’alimentant en air froid polaire au fur et à mesure qu’elle traverse l’Atlantique Sud, elle se déplace assez vite (une trentaine de nœuds) : l’objectif de Franck Cammas et son équipage est dorénavant de rester juste en avant du front chaud qui génère des vents réguliers de Nord sur une mer peu formée. Et cette perturbation qui prend aussi du coffre au fil des jours, va repousser les hautes pressions qui stagnent depuis plusieurs jours au large de Cape Town : sa trajectoire très rectiligne est une bonne nouvelle pour Groupama 3, mais elle va descendre assez Sud, jusqu’au 50° Sud ! Or à cette époque de l’année, il y a encore des glaces venues de l’Antarctique qui remontent assez haut… Il faudra pouvoir incurver la route après le contournement par le Sud de cet anticyclone africain.
Rendez-vous important
« En ce moment, Groupama 3 navigue à près de trente nœuds, avec un ris et foc Solent au vent de travers dans 17-18 nœuds de vent à 135° du vent réel, sous un ciel gris avec quelques trouées de bleu et des cumulus. Mais il y a une houle de face qui nous fait faire des sauts parfois… Il faut qu’on réussisse à suivre le routage ce qui fait un rythme de vitesse très élevé. Nous visons un point assez Sud par rapport au cap de Bonne-Espérance car il y a un anticyclone sous l’Afrique du Sud. Cela nous posera le problème des icebergs, mais côté vent, c’est très favorable. Les prochaines 24 heures sont importantes pour rester dans le secteur de vent de Nord (allure idéale pour nous), sans se faire manger par la dépression qui est assez violente ! Ce sera une trajectoire toute droite avec des manœuvres de réduction de voilure parce que ça va forcir : dès mardi, nous serons dans les Quarantièmes Rugissants… » ajoutait Franck.
Après la patience, l’impatience ! Mais il ne faut pas que la dépression accélère trop au risque que Groupama 3 passe derrière le front : la bascule du vent à l’Ouest ne serait pas favorable car Franck Cammas et ses hommes devraient alors enchaîner les empannages, suivant une route en zigzags plus longue et moins rapide. Vent de travers, le trimaran géant peut glisser sans forcer et sans trop solliciter l’équipage. Il y aura suffisamment de manœuvres à faire dans l’océan Indien ! Ainsi, si tout se combine comme prévu, Groupama 3 va de nouveau augmenter son avance sur le temps de référence et aborder le Grand Sud avec une marge très positive.
La fuite a été enfin colmatée ! Et au lever du jour (heure française), Groupama 3 retrouvait enfin des vitesses plus conformes à son statut : une quinzaine de noeuds sur la route directe vers le cap de Bonne-Espérance… Mais l’avance sur Orange 2 va encore diminuer car Bruno Peyron avait réalisé en 2005 une très bonne journée à plus de 600 milles, ce que ne pourra pas aligner le trimaran géant. En effet, le front chaud se déplaçait ce matin encore lentement avant d’accélérer pour traverser l’Atlantique Sud : Franck Cammas et ses neuf équipiers vont dépasser les vingt noeuds à la mi journée, mais des vitesses de plus de vingt-cinq noeuds ne seront atteintes que dans l’après-midi.
C’est en fait un col barométrique que le trimaran géant a dû « escaler » ce week-end et l’équipage de Groupama 3 (qui avait participé à un stage intensif en haute montagne avant de partir) était certes préparé à cette « ascension », mais n’a pas pu s’encorder assez tôt face à une tempête… de calmes ! Le résultat n’est pas reluisant et psychologiquement, ces heures passées à patienter dans cette panne de courant n’a pas éclairé les visages d’une joie immense. Mais si la déception d’avoir perdu plus d’une journée d’avance sur le temps de référence du Trophée Jules Verne est compréhensible, elle n’entame en rien la détermination de Franck Cammas et son équipage : la route vers les Quarantièmes Rugissants s’ouvre enfin et l’accélération progressive va redonner du baume au coeur… En fin de week-end, Groupama 3 pourra de nouveau reprendre du terrain sur le catamaran qui détient le record autour du monde car cette dépression brésilienne va poursuivre sa course jusqu’aux Kerguelen !
Bruno Jourdren et Bernard Stamm, à bord de Cheminées Poujoulat, les ont suivis de peu. Ils ont terminé à leur tour à 4 heures 44 minutes et 04 secondes, heure française. Ils prennent la 3ème place du podium de cette Solidaire du Chocolat partie le 18 octobre de Saint-Nazaire. 18 minutes et 44 secondes séparent ces deux bateaux après une traversée de l’Atlantique et de la mer des Caraïbes. Les deux duos de Telecom Italia (Soldini-D’Ali) et de Cheminées Poujoulat (Jourdren-Stamm) ont livré un duel d’une intensité rare, assuré le spectacle, et tenu les terriens en haleine… jusqu’au bout de la ligne d’arrivée mouillée sous haute tension dans les eaux du golfe du Mexique. Déjà très proches l’un de l’autre dans les dernières longueurs de l’Atlantique et la porte de Saint-Barth qu’ils ont franchie à 1h 21’ d’intervalle à la faveur des Transalpins, les équipages italien et helvetico-breton ne se lâchent plus, et ne cèdent rien, depuis qu’ils progressent en mer des Caraïbes. Sous ces latitudes tropicales, ils naviguent collés-serrés à des vitesses similaires avec souvent 1 mille pour les séparer dans les lignes du classement. Les protagonistes, enragés et survoltés, ont bien joué de tous les coups tactiques possibles et imaginables pour tenter de se départager.
Un coup à toi à coup à moi au gré des bords favorables, ces tandems de skippers de haute voltige – forts de leurs palmarès long comme des jours sans vent, avec chacun à son bord un vainqueur du tour du monde en solitaire avec escales (Bernard Stamm sur Cheminées Poujoulat et Giovanni Soldini sur Telecom Italia), lui-même épaulé par un virtuose de la régate entre trois bouées – se chamaillent les 2è et 3è places dans les plus belles règles de l’art du match-racing depuis plus de 1 500 milles. Dans la fièvre de ce samedi soir au Yucatan, le suspense est resté entier, il a même redoublé d’intensité dans l’attente du dénouement de ce thriller maritime qui restera dans les annales de la course. Après 5 000 milles (9 260 km) parcourus depuis le départ de Saint-Nazaire dans des conditions extrêmes, seules 19 minutes et 44 secondes séparent ces deux bateaux qui complètent le podium…
Classement général avant Jury
1 – Initiatives-Novedia (De Lamotte-Hardy) après 26 jours 16 heures et 35 minutes et 00 seconde de course à 7,82 nœuds de moyenne
2 – Telecom Italia (Soldini-D’Ali) après 27 jours 11 heures 00 minutes et 20 secondes de course à 7,59 nœuds de moyenne
3 – Cheminées Poujoulat (Jourdren-Stamm) après 27 jours 11 heures 54 minutes et 04 secondes de course à 7,59 nœuds de moyenne
A bord des bateaux, on tente d’effacer toute trace de la dépression passée et de l’humidité à laquelle elle s’est fatalement retrouvée associée. L’arrivée annoncée du beau temps prend des allures d’excellente nouvelle. Un anticyclone situé dans le Nord Ouest de l’archipel des Açores a-t-il entrepris de repousser hors du territoire de course tout système dépressionnaire. D’un coup de balai, la route se dégage donc pour l’ensemble des marins, ou presque. En la matière, les vacations du matin ont en effet révélé que tous n’étaient pas logés à la même enseigne. Ainsi, quand le sourire, les allures plus portantes et les vitesses à deux chiffres s’installent du Nord à l’Ouest des options, les anciens sudistes n’ont pas encore totalement mangé leur pain noir. Preuve en est, la situation encore très inconfortable dans laquelle se trouve en ce moment le duo Victorien Erussard et Loic Fecquet. Malmenés par un front, ils sont actuellement confrontés, quelques heures après le gros de la flotte, à des conditions un peu extrêmes. Les malouins, en proie au stress pour la machine, savaient toutefois que cette dépression était certainement la dernière avant le retour à des heures plus « paisibles ».
Malgré le changement de décor sur l’Atlantique, certaines constantes demeurent sur la neuvième Transat Jacques Vabre. Ainsi, les hommes de Safran occupent-ils toujours la première place chez les Imoca et, forts d’une belle sérénité alliée à une combativité de tous les instants, les deux Bretons se tissent un joli matelas. A bord du plan Verdier, l’humeur est à l’humour et au plaisir manifeste d’être en mer. Derrière également on profite. On se réjouit des nouveautés météo et d’un retour à la régate pour certains, à l’image de Roland Jourdain et Jean-Luc Nélias dont le pit-stop aux Açores n’aura duré que quelques heures. Dans le Sud, à bord de Foncia, l’heure est aux métaphores footballistiques pour un Jérémie Beyou, qui sait mieux que personne que la router vers Puerto Limon est encore longue. Enfin, que dire des hommes de Crêpes Whaou ! qui vont trouver dans le scénario des prochains jours de quoi exprimer le potentiel de leur nouvelle monture sans contrariété ?
Ils ont dit…
Charles Caudrelier – Safran – 1er au classement Imoca de 5 heures « Ca glisse vite et la mer est plate : c’est très agréable. Ça ne se passe pas mal, le vent n’est plus trop fort – il souffle à environ 20 nœuds – on espère d’être sous spi en fin de journée. À mon avis l’option de nos camarades au Sud, leur permettra de se retrouver dans le même système que nous mais ils ne devraient pas réussir à nous dépasser – hors casse bien sûr. Au Nord c’est pareil… En toute logique, la bagarre devrait donc se jouer entre nous, Mike Golding et la Vache qui Rit. Mais bon : on est loin de l’arrivée, on n’a même pas fait la moitié du parcours. C’est sûr que par où on est passé, ça a été chaud : la moitié des bateaux ayant choisi la même option a eu des problèmes. D’ailleurs ça ne m’étonnerait pas si Hugo Boss, situé plus au Nord, avait des problèmes… »
Victorien Erussard – Guyader pour Urgence Climatique – 3ème au classement Muliti50 de 5 heures «Il y a des rafales à 50 nœuds. Ça n’a jamais été si chaud pour nous : on voyait tout le monde souffrir et maintenant c’est notre tour ! On est en train de prendre un front qui est costaud. On pensait prendre que 30 nœuds …Mais là il y en a plus : c’est assez stressant : il y a des creux de 5 mètres, la nuit est très noire. De plus on est sous un gros grain. On essaye de ne pas dépasser les 6 nœuds : je pense que je n’ai jamais pris autant avec ce bateau, au près. C’est la dernière dépression : après on sera tranquille ».
Roland Jourdain – Veolia Environnement 6ème au classement Imoca de 5 heures « Lors de notre pit-stop nous n’avons pas eu le temps de faire du tourisme ! Nous sommes déjà repartis et, entre temps, le vent est tombé. C’est toujours spécial de faire un arrêt : tu sais que les autres avancent toujours mais, ce qui est important, c’est de rester positif et je peux dire qu’on n’a pas laissé tomber la compétition ! La lutte pour la quatrième place est toujours ouverte ! Vu la vitesse de Safran ça va être dur de les rattraper mais… on ne sait jamais ».
Classement de 8h Monocoques 1 SAFRAN Marc Guillemot – Charles Caudrelier Benac à 2968,3 milles de l’arrivée 2 MIKE GOLDING YACHT RACING Mike Golding – Javier Sanso à 57,2 milles 3 GROUPE BEL Kito De Pavant – François Gabart à 65,2 milles
Multicoques 1 CRÊPES WHAOU ! Franck Yves Escoffier – Erwan Leroux à 3525 milles de l’arrivée 2 REGION AQUITAINE-PORT MEDOC Lalou Roucayrol – Amaiur Alfaro à 431,9 milles 3 GUYADER POUR URGENCE CLIMATIQUE Victorien Erussard – Loic Fecquet à 461,9 milles
Tanguy de Lamotte : « Nous avons rencontré des conditions particulièrement difficiles. Dans le dernier virement de bord à l’issue de la 6ème dépression, nous nous sommes regardés avec Adrien : nous étions vraiment à bout de forces. Deux jours après le passage des Açores, j’ai passé une très mauvaise journée. J’ai vraiment cru, quand nous nous sommes empétolés, que nous avions fait – comme cela m’est déjà arrivé – la grosse bêtise irrémédiable de la transat et que nos espoirs de victoire nous filaient entre les doigts. » « Le bateau aussi a beaucoup enduré, on a même calculé qu’il a pris, au rythme d’un choc toutes les 30 secondes, à peu près 40 000 chocs dans les creux, les vagues. Sur la mer des Caraïbes, en revanche, nous avons eu la chance de bénéficier d’une météo plus simple, pas trop tordue, pour ne pas se laisser prendre pour conserver notre avance. « « Avant le départ, nous visions le podium et plus si affinités et si on naviguait bien. Je croyais en cette victoire. Elle s’est jouée à deux moments, avant et après le passage des Açores. Nous nous sommes alors à chaque fois positionnés plus au sud. Plutôt que nous appuyer sur les routages à 3-4 jours, nous avons privilégié une vision à plus long terme : tant sur le plan de la météo que pour nous préserver, ménager le bateau et ne pas prendre le risque d’aller au casse-pipe dans le gros des dépressions au nord. C’est comme ça que nous avons perdu 90 milles en plongeant au sud pour reprendre 100 milles le lendemain. Nous avions même marqué des mots à bord : vouloir le sud et protéger le sud…»
Interrogé sur ses moments préférés de la transat, Adrien Hardy surprend : « Paradoxalement, c’est la baston. Je suis content d’avoir vécu ces moments de mer, d’avoir vu ces conditions dantesques et de les avoir traversées. C’est bizarre, tu dois te faire violence, tu ne sais pas très bien ce que tu fais là. Heureusement que nous étions en double et à deux avec Tanguy pendant ces fortes tempêtes à répétition. Cela reste une sacrée expérience. » En effet, il ne faut pas oublié le relationnel dans une course en double, comme Tanguy l’explique : « Avec Adrien, nous nous sommes vraiment bien entendus. Nous sommes amis, mais n’avions jamais navigué ensemble. Nous avons donc préparé cette course en conséquence et Adrien s’est vraiment bien impliqué. Le fait d’être jeunes nous a peut être aidés à avoir la niaque tout le temps : nous avons pris toutes les décisions en commun et maintenant, nous allons vraiment savourer cette victoire ensemble. »
Pour Tanguy la suite sera logiquement une participation à la Route du Rhum, tandis qu’Adrien envisage une nouvelle saison en Figaro.
Soldini-D’Ali et Jourdren Stamm en duel On prend les mêmes et on recommence… A 85 milles de l’arrivée, Telecom Italia (Soldini-D’Ali) et Cheminées Poujoulat (Jourdren-Stamm) naviguent toujours collés-serrés, avec un écart de moins de 5 milles entre eux. Le long des côtes du Yucatan, le vent d’est, nord-est a beaucoup faibli et les duettistes ont d’ores et déjà très nettement réduit l’allure comme en témoignent leur vitesse de progression de 3-4 nœuds. En approche du golfe du Mexique, on devine que le duel redouble d’intensité et qu’il faudra attendre de les voir aux abords de la ligne pour savoir lequel des deux l’emportera sur le fil, pour empocher la place de 2è, dans la fièvre de ce samedi soir à Progreso, où ils sont attendus entre 20h et 23h, heure locale, soit dans le milieu de la nuit, dimanche 15 novembre, entre 3h et 6h du matin.
Classement de 17 heures
1 Initiatives – Novedia Tanguy De Lamotte/Adrien Hardy Arrivé le 13 nov à 9 h 25 (HF) 2 Telecom Italia Giovanni Soldini/Pietro D’Ali à 80,66 milles de l’arrivée 3 Cheminées Poujoulat Bruno Jourdren/Bernard Stamm à 82,41 milles de l’arrivée 4 Cargill-MTTM Damien Seguin/Armel Tripon à 270,71 milles de l’arrivée 5 Palanad 2 Tim Wright/Nicko Brennan à 365,69 milles de l’arrivée