Liz Wardley raconte son démâtage

Liz Wardley SolOceans
DR

Récit du démâtage

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« On était au reaching à 80° du vent avec environ 25 nœuds et des rafales à 32 nœuds. J’étais allongée sur le sol et j’essayais de dormir. J’ai remarqué que l’alarme affichait : "MAITRE ABSENT", donc je savais que le pilote allait passer en mode compas pendant un certain temps. J’ai donc allumé rapidement le deuxième pilote. J’ai mis mon casque intégral pour aller barrer. Lorsque je suis sortie dans le cockpit, le bateau a brusquement fait une sortie de route et a viré de bord. Le bateau était alors complètement arrêté avec le mât dans l’eau. J’ai mis du temps à le remettre droit et à virer à nouveau. J’ai abattu, j’ai mis le deuxième pilote automatique en route et j’ai commencé à régler les voiles et à nettoyer le cockpit.

Alors que j’étais en train de faire tout ça, une alarme s’est déclenchée sur le deuxième pilote automatique puis s’est arrêtée. Le bateau a à nouveau fait une sortie de route violente et s’est retrouvé couché sur le flanc avec le mât dans l’eau, mais sans virer de bord cette fois-ci. J’ai à nouveau remis le bateau droit – je me suis mise à la cape et je suis allée vérifier le deuxième pilote automatique : il indiquait une erreur entre la commande et le calculateur. J’ai mis le moteur en route pour être sûre d’avoir assez de puissance. Je suis ensuite retournée sur le pont, j’ai remis le bateau dans la bonne direction, puis j’ai remis le premier pilote automatique en route.

J’ai ensuite nettoyé le bateau. Puis je me suis assise et j’ai commencé à expliquer à la caméra ce qui s’était passé et BANG – les alarmes se sont mises en marche et ça sonnait dans tous les sens. Le mât a commencé à couler très vite, donc ça ne servait à rien d’essayer de le sauver. J’ai réussi à placer un pare battage entre le mât et la coque.

Comme j’avais deux ris dans la GV au moment où j’ai démâté, j’ai essayé de couper la voile en deux mais avec les vagues qui venaient s’écraser sur le pont c’était trop dangereux. J’ai abandonné et je l’ai libérée au point d’amure au niveau de la bôme afin de sauver la bôme. J’ai pris la boîte à outils pour avoir une scie à métaux, des couteaux et des pinces coupantes. A partir de la bastaque bâbord, j’ai commencé à faire un tour du bateau pour couper tout ce qui était attaché au gréement, essayant de sauver ce qu’il était possible de sauver.

Une fois les étais largués, la seule chose qui restait était un hauban et une bastaque. J’ai réussi à couper facilement la bastaque, mais le hauban était de l’autre côté du bateau. N’ayant plus de ligne de vie, c’était très dangereux avec les vagues. J’ai donc décidé d’enlever la goupille. J’ai trouvé la force et j’ai réussi à l’enlever… Puis le silence…. Le silence absolu, à part les vagues qui venaient s’écraser sur le bateau et la pluie battante.

Je suis ensuite rentrée à l’intérieur et j’ai fait une petite crise de nerfs. J’ai appelé mon meilleur ami pour qu’il essaye de me calmer parce que j’étais une épave et je disais n’importe quoi. Une fois qu’il a réussi à me calmer, j’ai appelé l’équipe à terre et je leur ai laissé un message. J’ai fait ensuite un tour complet du bateau à l’intérieur pour voir s’il n’y avait pas de trous dans la coque. Tout était OK, il n’y avait pas de trou.

A ce moment-là, le soleil commençait à se lever. J’ai relevé les dérives pour qu’elles soient au niveau du pont. La dérive bâbord était brisée. J’ai donc dû la tirer à la main en plongeant mes bras dans la fente. Résultat, je me suis retrouvée avec plein de bris de carbone. Je l’ai accrochée pour qu’elle soit suspendue et amarrée et qu’elle n’abîme pas la coque au niveau de la fente. J’ai vérifié ma destination et j’ai commencé à mettre le moteur en direction de Lisbonne ».

Analyse des raisons du démâtage

« Le démâtage s’est produit lorsque le bateau est tombé dans une vague. Il y a eu le choc du bateau dans la vague et presque en même temps le choc du mât. Je pense que c’est le hauban bâbord qui a cassé, ou une pièce sur le mât qui tenait le hauban bâbord. Je pense que le mât est tombé d’un seul morceau. C’est-à-dire qu’il ne s’est pas cassé du tout. Or, les haubans et l’étai de trinquette ont été changés en septembre pour que je parte autour du monde en toute sécurité.

Je pense que ce démâtage est survenu en raison des contraintes accumulées lors de toutes les sorties de route. C’était très violent à chaque fois. Un mât peut encaisser beaucoup d’agressions et se briser quelques jours plus tard par force 2. Pour moi c’était par force 7 avec des rafales et une grosse mer. Mais j’avais connu jusqu’à force 11 à 12 sans problème au large de Ouessant et après aussi. Toutes les sorties de route se sont produites lorsque j’étais bâbord amures. C’est-à-dire que c’est toujours le hauban bâbord qui a subi les terribles efforts. C’est probablement la raison du démâtage.

En 2007-2008, entre Caen et Wellington (NZ), avec Charles (Caudrelier Benac) nous avons fait une seule sortie de route à cause du pilote automatique. Cette fois-ci, entre Caen et le démâtage, en même pas dix jours de navigation, j’ai fait cinq violentes sorties de route. Le Monotype SolOceans est super safe. C’est la philosophie de ce monotype océanique. Actuellement c’est le pilote automatique qui est le point faible. Il faut trouver la solution pour que le pilote automatique soit aussi safe que tout le reste du bateau.

J’espère que nous pourrons remettre un mât et des voiles rapidement. Je souhaite re-naviguer très vite et me préparer pour la Route du Rhum 2010 et pour la SolOcéane 2011-2012. »