Les marins affichent leur soutien à Bernard Stamm

Bernard Stamm problème hydrogénérateur
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Dans le dernier numéro de Course Au Large, Patrice Carpentier, qui a participé à trois éditions du Vendée Globe a posé la question « Sans escale et sans assistance… Vraiment ? » Si dans le milieu, peu de gens voulaient voir un changement dans ce qu’ils considèrent être le principe fondamental du Vendée Globe, ou « l’ADN du Vendée Globe » comme l’appelle le Directeur de Course, Denis Horeau, le cas Bernard Stamm soulève aujourd’hui des interrogations. “Il y a évidemment la règle et ce qu’elle veut dire quand on l’applique. Quand elle est appliquée comme ça, elle va à l’encontre de ce que le jury et la course veulent faire passer. Ils sanctionnent un homme qui dit la vérité et c’est dommage,” résume Thomas Coville.

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D’abord, il est apprécié par tous. Tout le monde connaît son histoire et c’est un skipper attachant. Ceux qui expriment aujourd’hui leur soutien parlent d’un ami, d’un navigateur expérimenté, qui a agi en bon marin. Personne ne veut accabler le Jury International, mais la décision crée un certain malaise et les navigateurs plaident en faveur de la clémence de la part du Jury.  Jean-Luc Van Den Heede : « Après ce qu’il a vécu dans le dernier Vendée Globe de 2008 je comprends tout à fait sa réaction de bon marin pour sauver son bateau. Je regrette que le jury ne puisse interpréter un règlement qui hélas ne laisse aucune porte ouverte à une quelconque clémence que pourtant il mérite. Surtout que son classement désormais n’aura pas d’influence sur le bon déroulement sportif de l’épreuve. »

Dominique Wavre avait été parmi les premiers à envoyer un message à son compatriote suisse. Hier matin, il a poussé plus loin son soutien à Bernard en demandant officiellement le réexamen du cas, en mettant en avant l’esprit de la règle et le sens marin. Le Directeur de Team Banque Populaire, Ronan Lucas signale également qu’Armel Le Cléac’h souhaitait envoyer un mail à la direction de course pour exprimer son mécontentement sur ce sujet et demander à ce que Cheminées Poujoulat puisse continuer en course. Le skipper majorquin, Javier Sanso pense aussi que ce n’est pas normal. « Si chaque skipper devait voter et dire ce qu’il pense : mon vote serait qu’il poursuive en course. Il me semble que les compagnies d’assurance devraient se mêler des cas comme ça. Les règles ne peuvent pas mettre plus en péril notre intégrité physique que le matériel dont nous sommes responsables. »

Ils ne sont plus en course, mais la suivent de très près. Kito de Pavant et Marc Guillemot ont exprimé tous les deux leur soutien à Bernard. Kito de Pavant analyse la situation ainsi. « Comme si Bernard n’avait pas été suffisamment pénalisé. Il est évidemment très périlleux de commenter les décisions du jury, très compétent sans doute, sans avoir tous les éléments du dossier en main mais il me semble que la sanction est démesurée par rapport aux faits. Bien sûr, il y a les textes, les règles et il est nécessaire de les appliquer, mais il y a surtout et avant tout, l’esprit de ces règles. Et là, il ne fait aucun doute que Bernard a tout fait pour rester dans l’esprit et des règles et du Vendée Globe. Il est donc de ce fait lésé par l’aide spontanée et très naturelle d’un marin russe. Le Jury, la direction et le Vendée Globe sont en train de totalement se décrédibiliser  aux yeux du monde qui les regarde. »

Quant à Marc Guillemot, il s’interroge sur plusieurs points : « Est-ce qu’un règlement, aussi carré et rigide soit-il, ne peut laisser un peu de souplesse compte tenu des éléments connus ? On connaît l’intégrité de Bernard, on a pu le vérifier une nouvelle fois dans ses commentaires. Est ce qu’un temps de réflexion complémentaire aurait été superflu? Je pense que non. Cela aurait peut être permis d’écouter ceux qui, dans des conditions similaires, ont dû faire escale sur le Vendée. J’aurais souhaité qu’intervienne dans ce comité, pour ce cas précis, l’avis de marins expérimentés. »  Une idée partagée par Gildas Morvan « Un jury ne peut pas juger seulement sur des règles écrites noir sur blanc. Ce n’est plus possible aujourd’hui. Soit les membres de ce jury se font aider par un marin, soit ils font preuve de souplesse par rapport au contexte. Il faut à l’avenir, que les marins soient associés à ce jury. »

Mais ce ne sont pas uniquement les skippers qui expriment cette semaine leur désarroi. Jacques Caraës a acquis beaucoup d’expérience en tant que directeur de course et s’interroge sur les circonstances de l’intervention du marin russe. « Les deux protagonistes ont agi avec le sens marin, le marin du caboteur russe et Bernard Stamm. Comment le marin russe aurait-il pu imaginer qu’un texte interdise d’aider à la sauvegarde du bateau de Bernard alors que la solidarité et l’assistance à personne en danger sont les premiers principes maritimes ? Dans l’urgence, comment Bernard aurait-il pu expliquer un article interne au règlement du Vendée Globe à un marin qui ne parle pas sa langue ? »

Il y a certes un précédent, qui ressemble en quelques points à cette histoire.  Lors de la première édition du tour du monde en solitaire sans escale et sans assistance, l’Américain Mike Plant a été contraint de s’abriter devant l’île Campbell après avoir subi une avarie de gréement. Son monocoque Duracell menaçait d’échouer sur la côte lorsque le vent s’est renforcé. A terre, selon un récit dans le livre Broken Seas de Marlin Bree, 4 météorologues ont vu ce qui se passait et ont rejoint le 60 pieds à bord de leur semi-rigide. Mike aurait accepté leur aide afin de préserver son bateau, sachant que ce serait contre les règles de la course. Les scientifiques ont suggéré qu’il continue son tour du monde en lui promettant de ne pas en parler.  Comme cela personne ne serait au courant. « Sauf moi » a répondu Mike, qui a immédiatement informé le Comité de ce qui s’est passé.