Pour l’heure, ce placement est d’abord le fruit des actions de la veille : hier, Armel a été le premier à toucher le vent de sud-ouest lui permettant de faire route plus rapidement vers le nord. Aujourd’hui, dans le nord-est des Malouines, les deux hommes suivent à peu près le même cap, en pleine dépression. Une bien costaud : 40 nœuds de sud-ouest, une mer très mauvaise. Pour un peu, ils en regretteraient presque le Grand Sud. Pendant toute cette journée de vendredi, ils navigueront au portant, à négocier chaque vague, avant que le vent ne refuse et ne leur revienne pile dans le nez. A l’horizon de ce week-end, ils seront confrontés à une vaste zone anticyclonique, tandis qu’une autre dépression se forme sur l’Uruguay. Bref, la route vers l’Equateur n’est pas une promenade de santé même si François, joint à la mi-journée, semblait avoir une idée relativement claire de la stratégie à suivre… un grand contour vers l’est ?
350 milles derrière Gabart et Le Cléac’h, Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec 3) bénéficiera plus longtemps de vents favorables qui lui permettront temporairement de combler son retard. Mais la plus grande satisfaction de Jipé, aujourd’hui, n’a rien à voir avec son grappillage de milles. Après 4 grimpettes infructueuses en tête de mât, il a enfin réussi à affaler son grand gennaker, coincé à 27 mètres de haut depuis le 22 décembre. Une petite victoire, au prix de gros efforts mais qui vaut aujourd’hui tous les bonheurs du monde.
Aujourd’hui en ce 55e jour de course, tous les solitaires ont leurs défis à relever. Pour Jean Le Cam, qui navigue dans un vent très instable passant de 15 à 35 nœuds, il faut une sacrée dose énergie pour sans cesse sortir sur le pont et avoir la force de changer les voiles. Même combat pour le groupe de 5 (Gamesa, Mirabaud, Acciona 100% EcoPowered, Cheminées Poujoulat et Akena Vérandas) en route vers la dernière porte Pacifique, dans un vent de sud-ouest de 30 nœuds et une mer croisée. Arnaud Boissières est en train de souffrir le martyr : à force de manœuvrer dans le froid et l’humidité ses mains sont remplies d’ampoules purulentes…
Conditions très difficiles également pour Initiatives-cœur qui se fait copieusement secouer sur un bord très serré en direction de la porte Ouest Pacifique. « Le deuxième cycle de la machine à laver est en route » écrivait Tanguy. Bertrand de Broc (VNAM avec EDM Projets), lui, aura besoin de patience pour traverser l’anticyclone qui lui barre le passage sur cette même porte. Aujourd’hui, il n’a pas dépassé les 9 nœuds de moyenne.
« Je continuerais à me battre de toutes mes forces »
Bernard Stamm, sur le point de doubler Javier Sanso, est toujours dans l’expectative. Aujourd’hui, le marin suisse écrivait dans un message très émouvant : « J’ignore quelle réponse sera apportée à ma demande de réouverture, mais quelle qu’elle soit, je continuerai à me battre de toutes mes forces pour ces valeurs qui sont les miennes. Je vous souhaite à tous de poursuivre cette belle bagarre que nous livrons depuis le départ des Sables d’Olonne. Ce Vendée Globe fait partie de ma vie depuis près de 15 ans. Jamais encore je n’ai eu le privilège de le terminer. Ce ne sera peut-être pas pour cette fois, mais je ferai tout pour ramener mon bateau à bon port, touché mais fier d’être allé au bout de mon aventure. Personne ne me l’enlèvera ».
Ils ont dit
François Gabart (MACIF) : « Pour moi, c’est à la fois clair et en permanence remis en cause. J’ai mon chemin stratégique en tête mais à chaque fichier météo, j’ai de nouvelles informations. Dans la philosophie générale, j’ai ma trajectoire qui est bien calée. On a eu des conditions assez clémentes depuis le passage du cap Horn. Ça fait longtemps qu’on n’a pas été aussi éloigné (d’Armel Le Cléac’h – ndlr). Je suppose qu’il y a des stratégies différentes. Armel est un peu plus proche de la route directe. Il veut se laisser le plus de cartes possibles entre les mains. »
Jean Le Cam (SynerCiel) : « On se rapproche du cap Horn mais on est dans une dépression, encore une… Il y a eu des vents à plus de 37 nœuds dans des claques. Le problème, c’est le vent qui est variable. Devant le grain, tu avais 37 nœuds et derrière 14. Si tu toiles le bateau pour la valeur supérieure de vent ou alors si tu fais l’inverse, il faut être prêt à réduire la toile au moment où ça change. J’ai hâte d’être au cap Horn. Il y a une certaine lassitude, on en a un peu marre. On est dans des conditions où à chaque fois c’est la même chose. »
Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec 3) : « Dans le Pacifique, j’ai tout fait pour descendre la voile, sans réussite. Hier enfin après quatre tentatives, j’ai pu le faire et c’était vraiment la dernière limite. Les montées au mat sont assez laborieuses. Mais maintenant c’est reparti, je suis content. »
Arnaud Boissières (AKENA Vérandas) : « Dans l’Atlantique, j’ai manqué un peu de réussite. Désormais ça fait 7-10 jours que je profite du système météo. J’essaye d’anticiper les prochaines bascules et ça marche plutôt pas mal. On est 5 bateaux assez proches. C’est super excitant mais la course est loin d’être finie. Ce serait rigolo de passer ensemble le cap Horn. »
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 6250.0 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 21.5 nm
3 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 350.5 nm
4 Alex Thomson Hugo Boss à 629.6 nm
5 Jean Le Cam SynerCiel à 1927.6 nm
6 Mike Golding Gamesa à 2306.9 nm
7 Dominique Wavre Mirabaud à 2384.2 nm
8 Javier Sanso Acciona à 2505.4 nm
9 Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 2513.1 nm
10 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2560.6 nm