Le trio de tête dans les 6 milles

Cliptol pellecuer
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Pas de chamboulements majeurs sur la transat. En tête de course, SNEF et Cliptol Sport comme Cercle Vert continuent de mettre une solide pression sur les outsiders de Concarneau Saint-Barth quand tout le monde surveille comme le lait sur le feu la progression de Solar Inox. Sauf qu’aucun des membres du trio de tête n’est à portée de la gazinière au moment fatal. Dans ce genre de cas, il reste à se préoccuper des fondamentaux : faire tourner les logiciels de routage sans se mettre trop de pression et surtout optimiser les performances. Les bonnes vieilles recettes apprises sur les bancs d’école de la course au large deviennent la règle. Faire des quarts, savoir dormir quand il le faut, faire confiance au petit camarade sur le pont pour régler au mieux le bateau. La barre dans une main, l’écoute de spi dans l’autre, on cherche la bonne rythmique, celle qui va faire que la carène va glisser au mieux sur la houle atlantique. Par instant la magie fonctionne : on a trouvé la formule idéale, le petit angle de barre pour relancer la bête, la bonne pression dans l’écoute de spinnaker… Tout paraît facile, simple et dans ces instants là, Neptune n’est pas loin d’être notre cousin… Jusqu’au moment où le disque déraille. La voile d’avant qui se dégonfle brutalement et qui claque, le timing de barre qu’on peine à retrouver. C’est là qu’il faut garder suffisamment de lucidité pour savoir s’il ne s’agit que d’un incident de parcours dans la longue nuit étoilée ou si c’est l’heure de taper sur la coque pour réveiller son compagnon de fortune. Il monte sur le pont les yeux encore pleins de sommeil, il prend corps petit à petit avec l’ambiance générale. Il suffira ensuite d’un mot ou deux : « C’est bon, je prends… » « Gaffe, quand même, ça oscille pas mal sous les grains… » C’est terrible cette manie des marins de vouloir faire des phrases.

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Ambivalence des sentiments
Bien évidemment, la perception de ces nuits-là n’est pas tout à fait la même suivant que l’on joue encore pour la gagne ou pour rallier l’arrivée sans autre ambition que de se dire qu’on a fait le job et qu’on n’a rien à regretter. L’heure des introspections viendra plus tard… Armel Tripon, à bord de Gedimat, en convenait : « On essaye de grappiller des milles sur Financo. Mais il faut l’avouer, ce ne sera pas facile. On se restreint sur la nourriture, on ne mange plus qu’un repas sur deux… » A bord de SNEF et Cliptol Sport, Laurent Pellecuer tentait de maîtriser sa fougue par une analyse la plus lucide possible de la situation : « Pour l’heure, nous profitons des conditions stables pour faire des quarts de qualité et nous offrir de bonnes plages de sommeil. Les nerfs commencent à s’exciter, mais nous nous efforçons de garder la tête froide… » La grande Arletty lui rétorquerait comme dans « Les Enfants du paradis » : « Vous avez la tête trop chaude et le cœur trop froid, je crains les courants d’air… »