Noël est une fête que l’on passe en famille. Pour les vingt solitaires en mer (18 en course et 2 abandons), loin des leurs à l’autre bout du monde, c’est une journée un peu particulière, chargée en émotion. Comme partout sur terre, les cadeaux sont déballés et révèlent parfois leur lot de surprises. Pour égayer la vie du marin solitaire, la plupart ont reçu des livres et des DVD, ou plus décalés, des charentaises pour Vincent Riou (PRB), des scoubidous pour Armel Le Cléac’h (Brit Air) ou encore une petite poupée d’homme nu pour Samantha Davies (Roxy) ! Le repas aussi se doit d’être différent des autres. Foie gras de canard pour la plupart ou un plus original foie de lotte pour Roland Jourdain (Veolia Environnement). Mais aucun risque d’excès gastronomique à bord. L’actualité de la course – et surtout la météo – se rappelle à eux à chaque seconde qui passe.
Resserrement en tête Les portes des glaces font l’unanimité au sein de la flotte puisqu’elles leur évitent de jouer à la roulette russe avec les icebergs. L’égalité des chances est respectée dès lors que le parcours reste le même pour tout le monde. Mais cette nouvelle porte (dite néo-zélandaise) risque de faire grincer des dents Michel Desjoyeaux (Foncia). En tête depuis 9 jours, Mich’ Desj’ paye son décalage au sud par rapport à son adversaire direct, Roland Jourdain. Le leader remonte actuellement vers le nord-est au près serré pour franchir cette marque virtuelle de parcours. Sa vitesse s’en ressent. Au dernier pointage (16h), il n’avançait plus qu’à 6,5 nœuds contre 16,5 nœuds pour Roland Jourdain, revenu à 27 milles du leader. A ce rythme, Jourdain pourrait retrouver ce soir la première place qu’il avait occupé le temps d’un classement deux jours après le départ. Dans le Pacifique ouest, le suspense est relancé entre les deux leaders. Derrière, les poursuivants en profitent aussi. Vincent Riou, désormais 5e à 363 milles, a repris plus de 170 milles en trois jours sur le premier.
Réparations en tout genre Pas la peine d’offrir pour Noël une boîte à outils aux marins du Vendée Globe. Ils en ont déjà tous une, bien fournie, et plus souvent ouverte qu’ils ne le souhaiteraient. Marc Guillemot (Safran), désormais 9e suite à son assistance morale auprès de Yann Eliès, a confirmé aujourd’hui qu’il mettait le cap vers l’île d’Auckland, au sud de la Nouvelle-Zélande pour réparer son rail de mât. Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital), actuellement 17e, a passé ses quinze premiers jours de course à bricoler pour finir la préparation de son bateau. Mais la caisse à outils est restée ouverte. Couché la nuit dernière dans des vents de plus de 60 nœuds (force 11), son bateau a encore subi quelques dégâts, dont les lazy jacks qui retiennent la grand-voile lorsqu’elle est affalée. Même dégât pour le 10e Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) qui, après avoir réparé son ballast avant, a dû monter dans son mât. Steve White (Toe in the Water), 13e, déplore pour sa part la casse du vît-de-mulet (pièce reliant la bôme et le mât). Quant à Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac 2), rétrogradé de la 1ère à la 7e place en se détournant dans des eaux moins agitées pour réparer son safran endommagé par un OFNI, il entreprend désormais son deuxième niveau de réparation dudit safran tribord.
Fremantle, escale d’infortune Après Yann Eliès (Generali) arrivé lundi matin à Fremantle pour être opéré du fémur, Mike Golding (Ecover, démâtage le 16 décembre) a rejoint le port australien ce matin sous gréement de fortune. Deux autres navigateurs sont attendus au même endroit. Dominique Wavre (Temenos, tête de quille cassée) espère toucher terre dans la soirée du 27 décembre. Il n’était plus ce matin qu’à 500 milles des côtes. 350 milles plus loin, Loïck Peyron (Gitana Eighty, démâtage le 10 décembre) devra patienter quelques jours de plus avant de retrouver à son tour la civilisation. Quant au Basque Unaï Basurko (Pakea Bizkaia), qui avait fait demi-tour au large de l’Afrique du Sud le 7 décembre pour une avarie de safran, il poursuit sa remontée de l’Atlantique et se trouve actuellement au large de la Mauritanie.
Voix du large…
Sébastien Josse (BT), 4e, à la vacation du jour : « On va avoir un peu plus de vent dans quelques heures, une dépression qu’on attendait et ce n’est pas plus mal. Il n’y a pas encore trop de vent, mais une mer très croisée. Ce n’est pas évident d’avancer là-dedans, mais elle va s’organiser. Pour la porte, je n’ai pas encore exactement regardé comment la passer. Hier j’ai ouvert mes petits cadeaux, mais c’était plutôt de la curiosité et j’ai refermé tout ça. Je les apprécierai sans doute mieux une fois arrivé dans l’Atlantique. C’est possible que la dépression resserre un peu la flotte, mais la situation n’est pas inhabituelle, et les derniers ne seront pas les premiers. Quand on sait qu’on va se faire cueillir, on anticipe vachement : quand on réduit la voile, on le fait plus tôt que d’habitude. Cette dépression ne va pas être plus dure à vivre que dans l’océan Indien, au contraire, il n’y pas de remontées de hauts fonds, c’est juste du vent. »
Vincent Riou (PRB), 5e, à la vacation du jour : « C’est un peu casque lourd là. C’est rentré très vite hier après-midi et en ce moment, il y a 40 noeuds de vent. On a besoin d’abattre beaucoup et c’est pas facile avec de la petite voile. Mais je ne pense pas qu’on soit les plus mal lotis de la flotte. Je n’ai pas changé de ligne de conduite, j’essaye de faire ça tranquillement, mais dès que les conditions sont correctes, je ne vois pas d’inconvénient à aller vite. Tant que le bateau est en état au Cap Horn. Je pense que si on arrive à avoir 400 milles de retard maximum, ça peut être encore jouable dans l’Atlantique. Va falloir éviter de se faire décrocher, surtout d’ici demain, quand que les leaders commenceront à avoir des vents sympas. Sinon pour Noël, j’ai eu des charentaises! »
Armel Le Cléac’h (Brit Air), 6e, à la vacation du jour : « C’est Noël, même si à bord c’est un peu ambiance rock ‘n’ roll. Hier j’ai profité d’une journée un peu plus calme pour fêter Noël à bord de Brit Air. J’ai ouvert mes cadeaux : quelques petits livres, des bonbons, un DVD, et des scoubidous à faire. C’est pas trop l’ambiance pour profiter des cadeaux, mais c’est sympa. J’ai fait un bon repas hier soir, un peu de canard avec un peu de vin rouge, ça change de l’eau dessalinisée. »
Samantha Davies (Roxy), 8e, à la vacation du jour : « Je n’ai pas assez de vent, je suis collée à la piste ! Pour Noël, j’ai eu plein de super cadeaux, ça m’a donné un grand sourire de voir tout ça. J’ai eu un Ken et un autre garçon tout petit, qui n’a pas du tout de vêtements. Je vais le mettre dans un verre d’eau et le faire grandir. C’est sûr que ma famille me manque, mais j’anticipe depuis deux ans et ça fait partie de la course. Avec tous les concurrents autour de moi, on fête un peu Noël ensemble. »
Les 5 premiers au pointage de 16h00 1- Michel Desjoyeaux (Foncia) à 10497 milles de l’arrivée 2- Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 27,8 milles du premier 3- Jean Le Cam (VM Matériaux) à 171,1 milles 4- Sébastien Josse (BT) à 175,6 milles 5- Vincent Riou (PRB) à 363 milles
Classement des premiers étrangers 8- Samantha Davies (Roxy) à 1493 milles 10- Dee Caffari (Aviva) à 2017 milles 11- Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) à 2032 milles