La si redoutée traversée du Golfe de Gascogne ne sera bientôt plus qu’un lointain et bon souvenir pour les bateaux en tête de la flotte des monocoques de 60 pieds. Lointain, car, vitesse oblige, les marins sont déjà tout à l’étude de leur franchissement de l’archipel des Açores, et heureux souvenir car depuis les Scilly, à la pointe occidentale de la Cornouaille anglaise, les solitaires s’en sont donnés à cœur joie, trouvant dans leurs voiles et sous leurs étraves toutes les composantes d’une navigation sans heurt, propice à la vitesse et au plaisir pur. « On a tout fait sur un bord cette nuit » se réjouit Le Cam. Compétiteur forcené, il tempère aussi cette idyllique vision par l’évocation de la seule problématique qui l’intéresse vraiment : comment rejoindre puis dépasser les deux compères qui le précèdent sans montrer le moindre signe de faiblesse depuis le départ. « Je connais ces deux « clients » raconte-t-il, « et je ne suis pas surpris de les voir en si bonne posture. Nous sommes tous à l’attaque mais il semblerait que ça reparte toujours par devant… pour l’instant ».
Plus suivi que suiveur…
Philosophe, Le Cam recentre ainsi toute son énergie sur sa propre route. « Cela finira bien par rentrer un peu de l’arrière » s’amuse-t-il. La course ne fait en effet que commencer. 2 800 milles nautiques de surprises océaniques attendent encore les concurrents. « Il reste encore des coups à jouer. Cela va bouger » conclut il, un brin laconique.
La Route du Rhum, route du sud et du soleil tient pour l’instant toutes ses promesses de sport et d’aventure. Jean Le Cam s’en réjouit. Le bonhomme se verrait mieux suivi que suiveur. Ceux qui le connaissent savent pourtant qu’il n’est jamais aussi redoutablement efficace que lorsque d’autres sillages que le sien blanchissent la tête de course…