Jauge : l’IMOCA réouvre le jeu

    Départ Vendée Globe 2012
    DR

    Reprenons, en résumant à la hache : depuis deux ans déjà la classe IMOCA tente d’imaginer les futurs bateaux du Vendée Globe 2016. Objectif de départ : faire plus sûr, plus fiable, si possible moins cher et plus accessible. Le tout.. en faisant en sorte que les prochains bateaux ne disqualifient pas la flotte existante. Une quadrature du cercle on ne peut plus délicate à résoudre ! L’idée d’une monotypie stricte (bateau identique pour tout le monde) avait été rejetée, notamment au motif parfaitement recevable que le très haut niveau doit conserver la liberté technologique d’une classe “Open”.

    - Publicité -

    En avril puis en octobre, deux assemblées générales avait néanmoins abouti à une bonne dose de monotypie dans la nouvelle “boîte de règles”, les mesures les plus spectaculaires étant la standardisation des quilles et des mâts (deux options : mât-aile ou classique à barres de flêche). Mais un certain nombre d’autres paramètres techniques avaient également été modifiés, notamment sur l’angle de chavirage, les ballasts, le couple de redressement etc. Et puis, donc, on s’est rendu compte qu’avec toutes ces nouvelles règles, les futurs bateaux pouvaient au final s’avérer moins performants que ceux qui existent déjà. Gaétan Gouérou, délégué général de l’IMOCA, le reconnaît volontiers : “entre avril et octobre, les architectes sont allés plus loin dans leurs travaux et calculs et ils se sont aperçus que certains de ces nouveaux critères étaient limites ; qu’ils avaient en conséquence un gros doute sur leurs capacités à construire de nouveaux bateaux performants”. Une hérésie, forcément, dans une classe qui se veut représenter le top niveau technologique.  Et un non-sens pour les armateurs : à quoi bon construire un bateau neuf si on est plus performant avec un “vieux”? 

    Les ballasts latéraux autorisés

    Bref, l’enjeu était d’importance puisqu’il en allait tout simplement de la présence ou non de nouveaux bateaux sur le prochain Vendée Gobe. Il fallait donc absolument corriger le tir. C’était tout l’objet de la réunion parisienne aujourd’hui. Premier constat sans surprise : la grande décision concernant la monotypie des quilles et des mâts n’est pas remise en cause. C’est donc sur les autres curseurs qu’on a joué et voté “à une très large majorité”, un ensemble de règles techniques jouant sur la puissance et la stabilité des futurs bateaux. Grosso modo, on peut retenir quatre grandes corrections décidées aujourd’hui, interactives entre elles, et qui ouvrent de nouveau le jeu : 

    – l’AVS worst case (angle de retournement dans la situation la plus défavorable) est ramené à 110 ° au lieu de 112°.

    – le couple de redressement retrouve du coffre. Après avoir été réduit à 22 tonnes/m ballasts vides, il repasse à 25,5 tonnes/m ballasts pleins.

    – le poids du bulbe est de 3,1 tonnes.

    – les ballasts latéraux sont autorisés. 

    Ces mesures sont intéressantes conjuguées à l’abandon de la “règle des 10 degrés” (à savoir, le bateau chargé dans sa configuration la plus défavorable ne devait pas dépasser les 10° de gîte en statique). Car,  comme l’explique Gaétan Gouérou, “cette règle des 10 degrés revenait à imposer l’emplacement des ballasts.  La supprimer c’est libérer le choix de leur position dans le bateau… donc pouvoir imaginer des ballasts latéraux plus efficaces, plus performants, moins lourds et moins volumineux”. Selon Gatéan Gouérou, les architectes pourraient ainsi “quasiment diviser par deux le volume d’eau embarqué”.

    Des curseurs très importants ont bougé, donc. “Nous sommes allés dans le sens de ce que préconisaient les architectes interrogés, Juan K, le cabinet Farr et VPLP-Verdier”, explique Gaétan Gouérou, “même s’ils auraient évidemment aimé aller plus loin encore sur certains chiffres… mais il faut aussi penser à la flotte actuelle.” Une chose simple à retenir? Le jeu s’ouvre à nouveau, les designers et archis vont pouvoir se triturer les méninges et faire tourner leurs ordis sans trop craindre que la cause ne soit perdue d’avance. Ceux qui envisagent de construire un bateau neuf peuvent a minima se remettre à travailler… et pourquoi pas créer une saine émulation sur ce dossier. Avant ces corrections, ce n’était pas le cas. Wait and see.

    Bruno Ménard