Encalminés

Gildas Morvan - Cercle Vert
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« Il y a un mur devant nous ». Le mot est de Gwen Riou, (Suzuki Automobiles). Il résume brutalement la situation : panne d’énergie motrice. Vent quasi inexistant ou si faible qu’on ne sait plus quelles voiles choisir pour tenter d’avancer encore un peu. Au classement de 16h ce jeudi, un coup d’œil aux moyennes de vitesse confine à la cruauté : à peine plus de 3 nœuds pour la majorité des 26 Figaro Bénéteau encore en course. Oubliées les moyennes supérieures à 10 nœuds. En équation terrestre, ils avancent à 5km/h, alors qu’il reste plus de 5200 kilomètres à courir (2823 milles pour le leader)…

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Le leader, c’est encore Bostik justement. Décidément très régulier aux avants postes, le monocoque de Charles Caudrelier et Nicolas Bérenger, a repris l’avantage sur le Veolia de Roland Jourdain et Jean-Luc Nelias et sur le Cercle Vert de Gildas Morvan et Erwan Tabarly pour… 0,5 milles, soit 900 mètres. A la vacation de ce midi, derrière la voix de Roland Jourdain alors en tête, on entend le bruit caractéristique des voiles qui claquent en cherchant d’où vient le vent… « On n’a pas la tête déformée par la vitesse, c’est sûr !» rigole Bilou, « en fait on n’avance pas et je ne sais pas combien de temps ça va durer ».

On avait raison hier d’annoncer qu’aucun écart n’était décisif. C’est encore davantage le cas aujourd’hui, puisque ceux de l’arrière, qui ont bénéficié de vent établi plus longtemps, en ont profité pour refaire une grande partie de leur retard. Ce soir, sur une flotte de 26 bateaux, 18 se tiennent en moins de 9 milles d’écart !

« Style pot-au-noir »

«Depuis la nuit dernière, on a des conditions style pot-au-noir», résume Alexia Barrier (Roxy), « il y a des grains un peu dans tous les sens, de la pétole. Nous sommes à côté de Brit Air et Siemens et c’est la loterie sous les nuages pour les uns et les autres ». Ca s’en va et ça revient. A chasse risée, un coup on gagne, un coup on perd…. « Tiens, Cercle Vert a un poil plus d’air que nous, ils sont en train de nous passer », raconte Roland Jourdain. A bord du bateau concerné, Erwan Tabarly acquiesce : « on a touché une risée, 5 nœuds de vent ». Pas de quoi s’enflammer.

Jeanne Grégoire (Banque Populaire) fait contre mauvaise fortune, mot d’algèbre: « il n’y a plus que 180 milles pour Porto Santo, mais on va peut-être mettre autant de temps pour l’atteindre que celui qu’il nous a fallu pour venir ici » (880 milles parcourus, NDR). « Autour de nous, tout le monde a changé cent fois de jeux de voiles et au final, il n’y en n’a pas un plus performant que l’autre ». Sous spi pour les uns, sous génois pour d’autres, chacun cherche son salut en priant sa bonne étoile.

Après ? « La dépression peu active se forme entre les Açores et Madère et les concurrents en subissent les effets », annonce Louis Bodin, le météorologue de la course. « Le vent qui tournera au secteur Est ne dépassera guère 5 nœuds La nuit prochaine s’annonce donc très délicate ». Et la nuit prochaine.

Demain vendredi, cette même dépression peu active engendrera des vents toujours très faibles. « Il est possible que le vent revienne par l’ouest pour s’établir plus régulièrement ensuite de secteur nord à nord-ouest, 5 à 10 nœuds, mais je parle au conditionnel », poursuit Louis Bodin. Traduction brutale : bien malin qui pourrait dire quand les premiers arriveront à Porto Santo. Et s’ils pourront en ressortir facilement car « après, ça parait bien aléatoire aussi » soupire Jeanne Grégoire.
Après les longs runs de vitesse, place à la guerre des nerfs et aux micro-réglages. En veille sur le pont à l’affût du moindre souffle. Au menu de la flotte ce soir, c’est nuit câline nuit d’échine.

Ils ont dit :

Adrien Monsempes (Port Olona) : « Très belle journée, ça se passe très bien. On a encore 10 nœuds de vent. Le début de course a été très très rapide, on a eu un peu de mal à rentrer dedans et à suivre le rythme mais depuis, on essaie de rattraper et on va essayer de profiter du fait que ça mollit devant. Ce sera pour tout le monde pareil mais on va tenter de profiter de la journée. On a un peu de mal à réaliser, c’est notre première traversée »

Damien Seguin (Des pieds et des mains), papa d’un petit Etann depuis avant-hier : « C’est vraiment génial ! J’ai pu recevoir une photo du petit et sa maman, c’était la séquence émotion ! Après les deux jours difficiles du départ, ça m’a donné du soleil, regonflé le moral à bloc.. C’est un peu dur de se concentrer sur le moment avec une nouvelle pareille, mais on a rebordé les voiles et on est reparti. Ça donne envie d’arriver encore plus vite en Guadeloupe (c’est l’émotion ! la course va bien à Saint Barth’ NDR) pour les retrouver. C’est ce qu’on fait, sous spi très serré, à encore 8, 9 nœuds. »

Alexia Barrier (Roxy) : « On a des conditions style pot-au-noir merdique. Faut prendre patience… Il y a des grains un peu dans tous les sens, de la pétole. On est à côté de Siemens et Brit Air et c’est un peu la loterie sous les nuages pour les uns et les autres mais au final il n’y a pas trop de changements. Pour ma première course en Figaro, j’ai un bon prof : elle est cool, patiente, on a fait quelques bêtises sous spi au début mais maintenant ça va. On s’est calées sur une ou deux heures de barre suivant l’état de fatigue et on manœuvre à deux, d’ailleurs j’entends qu’il faut que j’y aille… à bientôt ! »


Yannick Bestaven (Aquarelle.com) : « A l’est c’était pas trop mal ces dernières heures, j’ai vu ce matin qu’on avait repris 20 milles sur le premier. On a encore de l’air, au reaching sous génois. Ce matin on a eu un petit arrêt-buffet mais pas trop long et on est repartis. On a sorti les shorts. Les nuits sont tranquilles bien reposés, on va arriver à Porto Santo en forme pour la traversée de l’Atlantique, ça risque d’être pétoleux aussi. Si on est arrêté devant Porto Santo, j’irai peut-être à la nage faire les courses et acheter du pain ! Les derniers modèles nous font passer à Porto Santo dans la nuit du 14 au 15, ensuite… on va vers de la molle donc c’est très aléatoire de définir une ETA précise »