Au virage de Madère, tous les espoirs sont encore permis au regard d’une situation météo complexe et originale : en tout cas propice à quelques rebondissements. La chose est entendue et une dépression promet jouer les trouble-fête. En tout cas, de pimenter cette grande traversée et de mettre les neurones des bords à pied d’œuvre. Tous les fichiers météo s’accordent pour souligner un beau imbroglio météo. Une dépression promet d’écraser l’anticyclone des Açores et d’endormir, sur la route directe, le fameux flux de Nord-Est qui gonfle les spis et le moral des navigateurs. L’alizé a du plomb dans l’aile…
Le Nord d’abord…
Devant ces prévisions, une option se distingue : elle indique de ne pas perdre le Nord. La route jusqu’à la douceur tropicale reste semée de pièges et d’embûches. Va y avoir du jeu, du sport et du suspense… et c’est tant mieux ! A l’heure des choix de route, quelques équipages font néanmoins de la dissidence. C’est le cas des sudistes de SNEF-Cliptol Sport (Mouren-Pellecuer), ils sont calés pile sur la route directe. Ou encore de Banque Populaire qui a aussi bien glissé en latitude. Jeanne Grégoire et Nicolas Lunven se sont détachés du groupe de tête, où Financo and Co (Cercle Vert, Suzuki Automobiles, Les Mousquetaires) cravachent dur…
Avant le front
Pour l’heure en effet, place à la glisse dans des conditions favorables. On en profite avant d’aller au front, au propre comme au figuré. Les speedos donnent la couleur : 10-11 nœuds de moyenne. Madère est déjà loin dans les tableaux arrières.
Au relevé de ce matin, Aquarelle Le Figaro (Amedeo-Nicol) vient de doubler la porte de Porto Santo. Dans son sillage, deux équipages sur les 24 en course progressent encore vers l’archipel portugais. Il s’agit de Tetraktys (Desmarets-Shandevyl) et de NIVEA/Athlètes du Monde (Favennec/Galfione). Pour ce dernier qui ferme la marche, il reste une quarantaine de milles à parcourir pour rejoindre la porte de passage obligé avant la grande traversée…
Ils ont dit…
SUZUKI AUTOMOBILES – Corentin Douguet (3ème au classement de 5h)
« Ca va super, c’est la grande glissade, au grand large et sous spi. Là on navigue régulièrement entre 13 et 15 nœuds en suivant les lumières de Cercle Vert…. L’autoroute des alizés étant fermée, nous prenons les petites traverses, quasiment en direction les Açores ! C’est ma 3ème AG2R et la première fois que je passe par là… Les prochains jours vont être beaucoup moins marrants avec la dépression qui arrive, mais ce sera le même tarif pour tout le monde. Nous verrons bien si nous passons par-dessus ou par-dessous, il faut trouver le bon compromis, nous analysons les fichiers. En tous cas techniquement, pour un marin, c’est une super expérience… »
GEDIMAT – Dominic Vittet (7ème au classement de 5h)
« Ma vision de la météo ? Ce que je disais à Armel hier soir, c’est que j’ai l’impression que Belmarre a jeté un sac avec quelques cartes et une dépression et dit « démerdez-vous » ! (rires). Plus sérieusement, nous sommes quasiment tous sur une route Nord, sauf quelques-uns comme les Marseillais, mais c’est qu’ils aiment bien le soleil ! Nous profitons pour les 48 ou 72 prochaines heures de cette bordure de vent Nord-Est qui va nous amener presque jusqu’au milieu de l’Atlantique, où nous allons nous heurter à une immense dépression qui va nous offrir du près. Etant donné qu’il n’y aura apparemment ni anticyclone, ni alizé, pour moi la route Sud est condamnée. Nous n’avons pas le choix, cette dépression, il va falloir se la cogner. Pour le moment nous ne sommes pas encore sûrs de ce que l’on va faire, mais d’ici 24 heures, les intentions de chacun devraient commencer à se dessiner. Cette dépression est en mouvement, elle change donc de « gueule » chaque jour, ce qui nous oblige à revoir nos prévisions. En plus, elle est certainement suivie d’une autre dépression, donc là ça risque d’être compliqué… J’ai bien peur que nous n’ayons pas d’alizé sur cette transat, elle est particulière : un peu comme celle de 96 que Jimmy (ndrl : Pahun) a remportée. La météo n’est pas fiable est difficile à lire, le jeu sera donc très ouvert jusqu’à l’arrivée… »
NIVEA / Athlètes du Monde – Gilles Favennec (23ème au classement de 5h)
« Nous avons retouché un peu de vent hier après-midi, du coup là nous sommes à 30° de la route sous spi, et il nous reste 40 milles à parcourir avant Madère. Nous devrions avoir à réaliser un empannage d’ici 1h30, mais après ce sera route directe, sous spi jusqu’à Madère. Nous avons vu que la situation météo ne sera pas simple pour les premiers dans les 3 ou 4 jours à venir, mais nous quoi qu’il arrive, même si ça nous permet de nous rapprocher d’eux, nous ne serons jamais capables de suivre leur rythme. En ce moment nous essayons de fonctionner avec de petits quarts pour que j’essaie de récupérer, car j’étais vraiment très fatigué la première semaine à cause de toutes les manœuvres sur le pont. Si vous pouvez nous souhaiter quelque chose ? Du vent… Et du portant ! »