Caudrelier mène le bal de la Transat

Figaro Bostik AG2R Caudrelier Bérenger
DR

Si le Bostik de Charles Caudrelier et Nicolas Bérenger tient le coup en tête, c’est un Eric Drouglazet (Gedimat, 10e à 14 milles) en grande forme – « bateaux et marins intacts à 100% de leur potentiel, rien de cassé et on prend beaucoup de plaisir» – qui résume le mieux la course aujourd’hui. Il explique l’absolue nécessité de prendre les pointages avec des pincettes, tant le peloton de tête est groupé, les écarts infimes et fluctuants au gré des bords : « on essaie d’aller dans l’ouest avec de la vitesse, mais on empanne à peu près tous les quarts d’heure pour exploiter au mieux les bascules et garder le bon angle. On tricote. Et tout le monde sait que dès que nous sommes bâbord amures (le bord non rapprochant, NDR), on perd évidemment du terrain au classement. Donc, on ne stresse pas avec ça. Pour moi, on est quasiment tous à égalité en tête ». Et Droug’ d’ajouter :   « d’autant qu’à Porto Santo, ça pourrait bien être la foire avec la grand voile qui bat en cherchant d’où vient le vent». Tout est dit, ou presque. Le marin de Trégunc a le sens du résumé.
Car telle est bien la situation en tête : on avance encore – un peu moins vite, autour de 8 nœuds de moyenne – mais ça ne va pas durer. « A environ 120 milles de la tête de course, à 200 milles de Madère, il y a une énorme bulle sans vent, confirme le directeur de course, Jean Maurel, et quand je dis rien, c’est vraiment rien. Le néant. La pétole molle. Le stress de voir un concurrent s’échapper dans une minuscule veine d’air venue d’on ne sait où…»
Du coup, « bien difficile de dire quand on sera à Porto Santo », confirme Lionel Lemonchois (ATAO Audio System, 3e à 4,7 milles),   peut-être dans trois jours, mais c’est bien aléatoire ». « On reparlera de notre décalage dans l’est quand les spis pendouilleront à Madère », préfère en rire Yannick Bestaven (Aquarelle.com, 12e à 15 milles). Et avec les 18 premiers en 25 milles, bien malin qui pourrait parier sur un dossard en tête dans l’archipel Portugais…
 
Frayeur pour le duo Douguet-Chabagny
 
Top Chrono AG2R du jour, Armel Le Cléac’h (Brit Air, 14e à 17 milles), y voit peut être une occasion de recoller encore un peu :  « on va essayer de revenir dans les dix premiers d’ici Porto Santo où il y a vraiment peu de vent prévu et ça peut être intéressant ». Bertrand de Broc (Les Mousquetaires, 6e à 5 milles) signale avoir touché trois fois des objets flottants non identifiés, mais sans dommage et confirme que « c’est bien calme devant, avec des prévisions qui n’arrêtent pas de changer », tout en se félicitant de températures enfin plus clémentes : « on a 15 à 20 nœuds au portant sous un grand soleil, on enlève des couches de polaires et c’est très agréable, ça fait du bien. On tricote pour grappiller quelques mètres sur les trois ou quatre concurrents que nous avons à vue, Benoît (Petit) a l’impression de faire du parcours olympique ».
Ainsi va la Transat AG2R : les 26 bateaux encore en course finissent leur gâterie de vent portatif en étudiant encore et encore la météo, en attendant le néant. Les deux bateaux victimes de rupture d’étai, eux, ont touché terre en Espagne : le Virbac-Paprec de Jean-Pierre Dick et Bruno Jourdren est arrivé à Vigo, et l’Esprit 93 de Marine Chombart de Lauwe et Julien Branger a touché terre à Baiona. Marine et Julien prendront demain matin la décision de repartir ou non après réparation.
Une fortune funestement similaire a bien failli arriver à Corentin Douguet et Thierry Chabagny (E.Leclerc-Bouygues Telecom, 9e à 9 milles), passés tout près de la correctionnelle, comme on dit dans le foot. Thierry Chabagny raconte : « on a eu droit à une belle frayeur. Dans le gros temps peu après le Cap Finisterre, notre étai s’est complètement dévissé et est sorti du ridoir. Il se balançait tout autour du bateau, évidemment dans 35 nœuds de vent et une mer très grosse ». Dans ces cas-là, une fois sur deux au moins, le mât tombe…  « Heureusement, on a réussi à passer une drisse très vite à sa place puis à le réinstaller, mais c’était chaud d’aller à l’avant, en combinaison intégrale, limite avec masque et tuba. A ce moment là on faisait plus du sous-marin que du bateau ! ». Plus de peur que de mal heureusement pour l’équipage d’E.Leclerc-Bouygues Telecom qui se dit « confiant » maintenant, à l’image d’un Oliver Krauss (Siemens, 17e à 23 milles) visiblement détendu :  « Marc (Thiercelin) fait de la météo, je barre un peu plus, on remonte peu à peu. On n’a eu aucune avarie, ça glisse encore… mais, devant c’est complexe». Devant c’est complexe, effectivement. Devant, il n’y a pas de vent. Et il reste encore près de 3000 milles à courir…

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