ça va passer… mais où ?

Corentin Douguet T Chabagny E Leclerc Bouygues telecom
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Deux héros du Vendée Globe aux extrémités – Bertrand de Broc au nord, Marc Thiercelin au sud – et vingt-trois équipages entre les deux, qui plus ou moins sud, qui plus ou moins nord…. Ainsi se présente aujourd’hui la flotte de la Transat AG2R, alors que l’alizé soutenu -15 à 20 nœuds et parfois plus sous les grains- gonfle les spis en même temps que le moral des troupes. Celui-ci est au beau fixe sur E.Leclerc-Bouygues Telecom à bord duquel Corentin Douguet et Thierry Chabagny ont pris la tête ce midi pour 0,3 milles devant le Cercle Vert de Gildas Morvan et Erwan Tabarly… avant de la leur rendre ce soir, pour 0,7 milles.
Autant écrire que ces deux là, tous deux partisans d’une route nord, sont quasi à égalité en tête, avec des moyennes similaires de l’ordre de 8 nœuds. « Ça fait plaisir d’être en tête », souriait Erwan Tabarly à la vacation de la nuit. « On voit la vie en rose, en bleu, et quand tu vois la liste des engagés, ça fait plaisir d’être en tête », répondait comme en écho Corentin Douguet ce midi, juste avant de se livrer à l’explication de texte qui s’impose : « au sud, on voit au fil des pointages qu’ils ont un peu plus de pression que nous. Eux, jouent la force du vent, nous la bascule de vent à droite. On aura la réponse d’ici un ou deux jours…»
 
Toute la question du moment est là. Sachant qu’il faut négocier un anticyclone, où faut-il placer le curseur de l’investissement en milles ? Vaut-il mieux descendre au sud pour le contourner « par-dessous » ou bien tenter de couper le fromage en espérant la rotation du vent ?
 
Louis Bodin, le météorologue de la course, explique : « les nordistes vont chercher la courbure anticyclonique, c’est à dire l’endroit où le vent va tourner au secteur Est à Sud-Est. Cette rupture de vent arrive plus vite quand on est près du centre de l’anticyclone. Et au contraire elle arrive moins vite quand vous êtes au sud. Les sudistes espèrent toujours un vent plus fort et régulier. A l’extrême nord, Bertrand de Broc et Benoît Petit jouent avec la limite »
 
Dixième nuit en mer
 
Alors c’est peut-être – on dit bien peut-être – dans un axe médian qu’il faut chercher son salut, comme tendraient à le montrer par exemple la belle trajectoire et les jolies moyennes de bateaux comme l’Aquarelle.com de Ronan Guérin et Yannick Bestaven, le Bostik de Charles Caudrelier et Nicolas Bérenger ou encore le Banque Populaire de Jeanne Grégoire et Gérald Véniard, entre autres. Tous les grands favoris sont toujours dans le match, les Brit Air, Delta Dore, Groupe Bel et autres Veolia croyant dur comme fer en leur étoile, même en l’absence de fichiers de vent depuis 4 jours, avec seulement des cartes météo isobariques à interpréter au moins mal. « Je nous trouve bien placés », sourit par exemple Kito de Pavant, à bord de Groupe Bel (6e à 15,8 milles ce soir), alors qu’Armel Le Cléac’h (Brit Air, 9e à 30 milles) botte en touche :  « je ne dirai pas pourquoi nous choisissons de descendre dans le sud, c’est la régate. C’’est secret défense ! »
Pour Jean-Luc Nelias sur Veolia, aucune stratégie n’est ridicule : « il faut surveiller de près ce qui va se passer pour les Mousquetaires, E.Leclerc-Bouygues Telecom et Cercle Vert, au nord. Ce n’est pas une place où j’aimerais être, mais personne ne détient la vérité. Chacun échafaude ses stratégies avec le feeling qu’il a à un moment donné et à part pour les Mousquetaires et Siemens, à l’échelle de l’Atlantique les écarts latéraux ne sont pas si énormes. »
Au petit jeu des sondages d’opinion à la vacation de ce midi, on sent un léger penchant pour les charmes du sud. On observe par exemple que certains (Gedimat, Roxy, Brit Air), n’ont pas hésité à perdre des milles pour plonger. Mais personne ne se risque à enterrer l’autre trop vite.
A l’orée de la dixième nuit en mer, on surveille les pointages tout en sachant que le retour sur investissement des uns et des autres ne se fera pas avant minimum 24 heures et plus sûrement 48 ou 72. « C’est rigolo », s’amuse Bertrand de Broc, «on croit en notre chance car on a une belle carte à jouer qui peut faire mal… dans un sens comme dans l’autre! »
A l’autre extrémité de la flotte, avec un peu moins de 100 milles de retard au leader, Marc Thiercelin (Siemens) avoue que ses chances de recoller sont  « minces ». Mais pas inexistantes. « Si dans une quinzaine d’heures le vent reste fort, et atteint des différentiels de 3 ou 4 nœuds, alors ceux du nord auront du souci à se faire et nous pourrions attaquer par-dessous. Ça peut peut-être encore passer, aux forceps…». Et quoi qu’il arrive, il reste du chemin. « Il peut encore se passer beaucoup de choses d’ici Saint-Barth’ », rappelle justement  Eric Drouglazet (Gedimat), «à plus de 2000 milles de l’arrivée absolument rien n’est joué et c’est pourquoi nous plongeons sud pour tenter notre chance maintenant, en sachant très bien qu’on perd des places au classement mais pour peut-être mieux passer à la caisse plus tard ». On laissera le mot de la fin au leader du soir, un Gildas Morvan en grande forme qui s’inquiète pour nous autres terriens : « mais dites moi, ça doit être palpitant à suivre à terre, non ? »
 
Source Pen Duick

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