En tête au passage de Madère le 14 avril, Armel Le Cléac’h et Nicolas Troussel (Brit Air) avaient perdu les commandes de cette 8e Transat AG2R à l’aube du 17 avril en tentant une option sud osée, mais qui s’avère aujourd’hui payante. A moins de trois jours de l’arrivée les deux compères ont repris la première place du classement provisoire. Grâce à leur décalage sud, ils bénéficient d’un vent plus fort que leurs adversaires et filent à 9,1 nœuds sur les quatre dernières heures, contre 7,9 nœuds pour les anciens leaders, Kito de Pavant et Pietro D’Ali (Groupe Bel). A la vacation de la mi-journée, Kito le Méditerranéen, encore en tête pour 0,2 mille à ce moment-là, avait déjà annoncé le scénario à venir. « Brit Air est virtuellement en tête depuis Madère et cette position de leader qu’il va avoir dans quelques heures, il aurait pu l’avoir depuis longtemps s’il avait voulu. » Néanmoins, ne voulant pas se résigner à subir la loi du Chacal – surnom d’Armel Le Cléac’h – Kito lâche avant de raccrocher. « Mais on n’a pas dit notre dernier mot ! » Pas de fanfaronnade en revanche du côté de Brit Air. Armel Le Cléac’h sait mieux que quiconque que tout est possible jusqu’à Saint-Barthélemy. « Tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie, de toute façon, rien n’est fait. Jusqu’à la fin, il peut se passer beaucoup de choses et il faut être vigilant… » Un sentiment partagé par Pascal Bidégorry. L’actuel skipper du trimaran Banque Populaire, qui avait terminé 2e avec Sidney Gavignet de la Transat AG2R 2002, est passé mercredi au PC Course, à la Fédération Française de Voile, pour assister à la vacation. « C’est sûr qu’avec encore plus de 500 milles à parcourir, il y a de quoi se refaire. Moi, j’ai vu des situations où à 3 milles de l’arrivée t’étais champion du monde, et puis à l’arrivée t’étais champion des cons ! Il peut encore se passer beaucoup de choses. C’est un temps à grain. Mais je suis surtout impressionné par le peu d’écart entre les bateaux. C’est incroyable ! » Ce peu d’écart qui maintient un suspense intense. Et avec ce temps à grain, la hiérarchie de course peut être chamboulée d’un moment à l’autre. Il suffit d’un mauvais nuage pour rester planté quelques heures et perdre une bonne dizaine de milles. Sans parler des spis, usés par bientôt trois semaines de portant, et qui peuvent finir par rendre l’âme. Surtout lorsque le vent passe d’un coup de 10 à 30 nœuds ! Combien de duos parmi les leaders ne possèdent plus qu’un seul grand spi ? Dominic Vittet et Lionel Lemonchois (5e sur ATAO Audio System) l’ont avoué. Mais les autres ? Brit Air justement, qui a vécu une première nuit de course catastrophique. A-t-il encore un ou deux grands spis ? Et les Méditerranéens, Kito de Pavant et Pietro D’Ali ? On le saura à l’arrivée. Mais sans grand spi, adieu victoire. Aujourd’hui, on sait en tout cas qu’Armel Le Cléac’h et Nicolas Troussel sont en train de réaliser un joli coup qui, s’il s’avère payant jusqu’au bout, pourrait les faire entrer dans l’histoire de l’AG2R en étant les seuls doubles vainqueurs. Mais pour cela, il va falloir qu’ils tiennent encore trois jours jusqu’à Saint-Barth. Trois jours où tout peut arriver…
Ils ont dit à la vacation de 12h00…
Kito de Pavant (groupe Bel) : « On surveille tout le monde, Brit Air bien sûr mais aussi Delta Dore et tous les autres. On a eu la première nuit tranquille depuis longtemps, pas trop perturbée, même si on retrouve des nuages ce matin. Les fichiers ne sont pas fiables du tout mais il semblerait qu’on finisse avec du sud-est… après, y’a des zones de pétole, des zones avec plus de pression à droite ou à gauche, ce n’est pas très clair. En tous cas, on est encore dans le match et on y croit, jusqu’à St Barth ! Pour nous, il faut continuer à s’appliquer, à bien naviguer comme on l’a fait jusqu’ici, en espérant que Brit Air rencontre des conditions moins favorables. »
Armel Le Cléac’h (Brit Air) : « On a appris que Zidane prenait sa retraite et que samedi il y avait la finale de la Coupe de France PSG-OM, Nico (Nicolas Troussel) veut être arrivé pour voir le match à la télé, alors il a pris la barre et là il est énervé. Pour l’instant, on devrait arriver à l’heure. A Madère, on a plongé sud car on voulait vraiment aller chercher de la pression dans le sud. On savait qu’on aurait toujours un peu plus de vent, et c’est actuellement le cas. Rien n’est fait, il faut continuer à bien étudier la météo, sachant que les fichiers de vent ne sont pas fiables. On y va aussi avec une dose de feeling et d’expérience. »
Samuel Manuard (Brossard) : « On vient de toucher du vent de sud-est qui sort d’on ne sait où… On ne comprend pas trop pourquoi on a ça ! C’est impressionnant de voir aussi comment Delta Dore est revenu fort, et Aquarelle.com aussi, qui vient de nous coller 8 milles en 4 heures… Donc apparemment il y a vraiment une zone qui a ce vent favorable là. On a eu une très belle nuit étoilée, une magnifique voûte mais un vent super instable avec 30 degrés de bascule en permanence. On s’est arraché les cheveux. Là ça vient de se caler et on fait route pêche. J’espère que ça va durer. »
Roland Jourdain (Veolia) : « C’est top une arrivée tous aussi groupés ! Celle qu’on a gagné avec Jean (Le Cam) on l’a terminé avec 63 secondes d’avance sur le 2e (Transat AG2R 1994, ndlr). Donc je suis guéri au niveau des petits écarts. La météo, la qualité des équipages et l’homogénéité de vitesse des Figaro Bénéteau 2 donnent une course vraiment chouette, je trouve ! C’est la première fois que Jean-Luc (Nélias) et moi faisons une route aussi sud dans une Transat AG2R. A part ça, avec les tissus des spis à l’arrivée, on va pouvoir faire des tee-shirts légers ! »
Eric Defert (Suzuki Automobiles) : « On a le Top Chrono AG2R du jour ? C’est bien ça, bonne nouvelle ! On continue de se battre, on est bien remontés et ça fait du bien pour le moral. On pensait tirer plus de bénéfices de notre option sud, en tous cas plus tôt… y’a peut être des choses qu’on n’a pas vues alors le débriefing va être très intéressant. Mais bon, on est ravis même si on est pas mal crevé avec ces trois semaines à manger et dormir à moitié bien. »
Stan Maslard (Donneurs de vie- All Mer) : « On compose un peu avec les petits grains. On essaie de revenir sur les derniers bateaux qu’on pourrait reprendre d’ici l’arrivée. On est positionné un peu au sud par rapport à la flotte, ça se passe bien. Par rapport au Mini, c’est agréable de ne pas se mouiller, mais il y a moins de sensations, c’est un peu un tracteur à côté. Le niveau est vraiment très relevé quand tu gagnes quelques milles tu peux les reperdre aussitôt. Avec notre escale à Porto Santo, ça fait 2000 milles qu’on pédale derrière les autres et ça commence à être long, on est un peu pressés d’arriver. »
Armel Tripon (Gedimat) : « A part reprendre une ou deux places, pour nous, il n’y a plus grand-chose d’autre à jouer. Mais on s’applique pour faire avancer vite le bateau. On n’a vraiment pas eu de réussite sur cette course. On échange beaucoup avec Eric (Drouglazet) sur la suite de la saison, la Solitaire Afflelou Le Figaro. En venant sur cette Transat, j’avais plusieurs objectifs et si c’est raté pour l’objectif sportif, celui d’apprendre avec un coureur très expérimenté est atteint. On apprend beaucoup de ses défaites : c’est dans mon abandon à la Mini Transat 2001 que j’avais construit ma victoire en 2003, il faut se tourner vers l’avenir ».
Classement à 15H45 (heure française)
1 Brit Air
2 Groupe Bel
3 Banque Populaire
4 VEOLIA
5 ATAO Audio System
6 Aquarelle.com
7 E. Leclerc / Bouygues Telecom
8 Brossard
9 Delta Dore
10 Bostik
11 Cercle Vert
12 Roxy
13 AXA Atout Coeur pour Aides
14 Des Pieds et des Mains
15 Siemens
16 Suzuki Automobiles
17 Lubexcel
18 Groupe CELEOS
19 Les Mousquetaires
20 Entreprendre Au Pays de Lorient
21 GUY HOQUET Immobilier
22 Gédimat
23 Objectif Océans
24 Port Olona