Ca y est : le ciel a retrouvé ses couleurs tropicales, bleu azur avec une lune qui commence à grossir la nuit (pleine lune le 16 novembre). Mais la mer est toujours blanche d’écume tant pour les monocoques Imoca qui naviguent encore dans 25 nœuds de vent que pour Gitana 11 qui longe les côtes africaines. Y n’y a que les retardataires (Virtorinox…) ou les leaders en trimaran (Banque Populaire) pour progresser dans des conditions plus paisibles. De fait, l’anticyclone des Açores qui est très étendu sur l’Atlantique (1042 HPa), de l’Islande au cap Vert et de la Belgique aux Bermudes, génère un flux puissant de 25 nœuds et plus de secteur Nord Est des Canaries au Cap Vert en mollissant au Sud du 15° parallèle : c’est donc ce samedi que les premiers trimarans vont commencer à ralentir tandis que les monocoques Imoca ont encore une journée de navigation active avant de connaître une période plus tranquille. Mais la pause sera de courte durée puisqu’il faudra ensuite aux équipages négocier le Pot au Noir, et l’alternance de calmes et de grains est loin d’être une cure de repos : manœuvres, réglages, barre seront les leitmotivs pendant au moins une journée (à partir de dimanche midi pour les trimarans, à partir de lundi soir pour les monocoques). Stratégiquement, ce week-end est d’une grande importance car il va définir la longitude de passage des bateaux dans le Pot au Noir. Rappelons que le Pot au Noir est la Zone de Convergence Inter-Tropicale (ZCIT) qui, comme son libellé l’indique, est un cône formé par la convergence des alizés de l’hémisphère Nord, orientés au Nord Est, et des alizés de l’hémisphère Sud, orientés au Sud Est. Ces deux vents contraires s’annihilent sur cette zone très chaude (équatoriale) qui provoque de fortes évaporations générant d’énormes cumulonimbus, des nuages à très fort développement vertical (jusqu’à plus de 10 000 mètres) chargés d’électricité et d’eau. Il se crée alors des contrastes thermiques très marqués avec des rafales sous les grains, des éclairs, des coups de tonnerre, des calmes, des pluies diluviennes, des températures qui peuvent varier de plus de dix degrés en quelques minutes. Cette très grande variabilité des conditions rend donc ce passage du Pot au Noir très sollicitant pour les équipages. Normalement, ce cône nuageux prend sa source au large de la Sierra Leone (8° Nord) jusqu’au Sud du Liberia (4° Nord) en s’étendant jusqu’au 25° Ouest : plus le passage s’effectue au large de l’Afrique, plus le Pot au Noir est mince en latitude. Mais les voiliers ont intérêt à serrer au maximum les côtes africaines, les trimarans parce qu’il leur faut ensuite chercher l’île d’Ascension (8° Sud, 14° Ouest) au près, contre les alizés de Sud Est, et les monocoques parce que plus l’angle de navigation à la sortie de l’équateur est ouvert, plus ils iront vite vers le Brésil. Actuellement, le Pot au Noir est peu actif et peu développé, peut-être suite à une succession de cyclones dévastateurs et très nombreux cet automne (Katrina, Wilma…) qui ont « extirpé » l’excès de chaleur équatoriale. Bref, les vents seraient donc moins erratiques, de secteur Est d’une dizaine de nœuds avec quelques cumulonimbus. Le passage idéal se situerait entre le 18° et le 20 ° Ouest pour les trimarans Orma, entre le 22° et le 25° Ouest pour les autres bateaux. C’est pourquoi Pascal Bidégorry et Lionel Lemonchois n’ont pas voulu perdre de temps en s’arrêtant à Do Sal (Cap Vert) : il faut profiter de l’opportunité pour passer le Pot au Noir au plus vite. Car cette zone est très fluctuante et peut grossir très vite sans signes particuliers… Banque Populaire est toujours très rapide ce samedi matin et Géant suit la même route en ayant laissé les îles capverdiennes à tribord. On peut imaginer que les deux bateaux vont lofer progressivement quand le vent va mollir en fin d’après-midi (la nuit entre 20h00 et 4h00 est aussi l’occasion de jouer des coups tactiques sans se faire repérer puisqu’il n’y a pas de positions transmisses). Pour Gitana 11 et TIM-Progetto Italia, calés plus à l’Est, il faut profiter encore d’alizés puissants pour plonger plein Sud et couper au plus court le long du 18° Ouest. Il faut donc s’attendre à ce que les écarts en distance soient très faibles entre ces quatre trimarans dimanche après-midi au cœur du Pot au Noir.Pour les monocoques Imoca, le problème est reporté d’une journée au moins. Le casse-tête tactique est ailleurs, du côté de l’archipel du Cap Vert : comment l’aborder ? Actuellement, les six premiers de la flotte cherchent à s’en écarter par l’Ouest : comme pour les Canaries, les reliefs sont importants et à causes identiques, conséquences similaires. Ceux qui ont trop approché les Canaries s’en sont mordus les doigts… Car l’île la plus Nord Ouest de l’archipel capverdien, Santo Antao, culmine à 1979 mètres ! Et les îles sont essaimées sur plus de 150 milles de diamètre… Il est probable que les leaders (actuellement sur le 25° Ouest) incurvent leur route progressivement à partir du 27° Ouest pour faire alors du plein Sud. Une fois l’archipel par leur travers, ils pourraient de nouveau lofer dans un vent de secteur Est d’une quinzaine de nœuds pour aller chercher le 25° Ouest à la sortie de l’équateur. Pas de véritable option possible pour les poursuivants de Virbac-Paprec et Sill & Veolia qui suivent désormais (après un contre-bord très pénalisant vendredi au large des Canaries) le même cap au 200°. A moins que l’un d’entre eux « craque » et choisisse de traverser l’archipel en son milieu pour tenter de faire un « extérieur » profitable à long terme en traversant sur le 22° Ouest… Dès ce samedi soir, les dés auront été jetés…Source DBo-Pen Duick
Bleu, blanc, vert
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