L’image commence à dater, mais elle aura marqué les esprits. Celle du navigateur solitaire, le visage tuméfié, se recousant la langue tout seul en plein océan Indien. Mais réduire Bertrand de Broc à cette icône serait faire injure à un marin qui a su, en usant souvent des chemins de traverse, tracer une voie originale dans le monde de la course au large. Du monotype Figaro au multicoque de course, le marin ne s’est jamais fixé de frontières, même si sa grande affaire reste le Vendée Globe. « Ma première course du Figaro fait partie de mes meilleurs souvenirs. J’avais à peine dix-neuf ans et pratiquement aucune expérience en navigation. Mon entrée dans le port de Concarneau a été un grand moment. »
Par deux fois, il a eu rendez-vous avec une certaine forme de consécration et par deux fois, la chance s’est dérobée. En 1992, il prend ce méchant coup de bôme qui le fait connaître à la planète mer toute entière puis est contraint d’abandonner car sa quille menace de tomber. Il repart en 1996 sous couvert d’une opération originale, celle de « Votre Nom autour du Monde ». Le principe, qu’il réédite pour cette édition 2012, est simple: plutôt que de chercher un sponsor pour quelques centaines de milliers d’euros, autant trouver quelques milliers de partenaires pour une centaine d’euros. L’opération fonctionne à merveille mais le destin s’acharne. Le bateau perd sa quille et chavire à moins de deux jours des Sables d’Olonne. « Sur l’eau, on n’est à l’abri de rien. Quelqu’un qui fait un 100 mètres voit la ligne d’arrivée devant. Nous, nous avons trois capes à passer, 40 000 kilomètres de course, un bateau et le bonhomme à gérer. C’est une course particulière, qui demande, en plus d’être navigateur, d’être un bon gestionnaire de soi-même. Il faut aussi aimer être solitaire et aimer bricoler. C’est une course qui se joue aussi beaucoup dans la tête. »
Avec un bateau au palmarès exceptionnel, Bertrand compte suivre les traces de son prédécesseur, qui avait terminé 2eme de la Transat Artémis 2008, 2eme de la Route du Rhum 2010…et 2eme du Vendée Globe en 2009. « On s’est tout de suite focalisé sur ce bateau, qui était l’ancien Brit Air, et l’on s’était dit que si ça n’avait pas été ce bateau là, l’affaire aurait été très compliquée pour moi. On a eu une chance inouïe d’avoir pu l’acquérir rapidement. On a mis le bateau à l’eau tardivement, le 25 juin. Ce qui fait qu’il n’a été opérationnel que début juillet. On l’a fiabilisé, je l’ai mis à ma main. J’ai navigué une vingtaine de jours en solitaire. Je ne le connais pas bien encore, il faut une centaine de jours pour bien apprendre à faire marcher un bateau ».