« Le plus long moment que j’ai passé seul en mer, cela doit être 5 jours, sur un Figaro », lance celui qui se trouve aujourd’hui à la barre de l’ex-VMI (plan Finot-Conq), avec à la clef un 60 pieds nouvelle génération et un tour du globe en ligne de mire… Dire qu’Armel Le Cléac’h, vainqueur de la Solitaire du Figaro 2003 et de la Transat AG2R, n’est pas né du dernier grain, n’a en soi rien d’original – pourtant, le garçon n’est pas du genre à monter sur ses grands chevaux et assume parfaitement son statut de jeunot au sein de cette flotte qui compte un joli cénacle de gros bras. « J’ai 29 ans, sachant que la moyenne d’âge des vainqueurs du Rhum est de 36… j’ai encore le temps d’apprendre ! » lance-t-il. Et d’apprentissage il est question, puisque sa participation à ce Rhum sous les couleurs de Brit Air constitue précisément une des phases d’observation et de développement cruciales dans le bon déroulement de « l’opération Vendée Globe ».
Dans les tuyaux…
Car si Saint-Malo fourmille d’activité ces jours-ci, on ne chôme pas non plus du côté de Vannes, où la construction du futur 60 pieds d’Armel (un Finot-Conq, également) a débuté voici trois semaines chez Multiplast. « Comme nous pourrons encore affiner certains choix à mon retour, il est intéressant d’observer les autres concurrents, et d’affiner ma perception de ces machines », note Armel dont le frère Gaël, longtemps fidèle bras droit de Roland Jourdain sur Sill, dirige le projet sur le volet technique. « C’est vrai, l’actuel Brit Air (5ème du Vendée Globe aux mains de Sébastien Josse), n’est pas le plus performant de la flotte, c’est un bateau qui a 8 ans, mais son potentiel au portant est encore très intéressant. Il est équipé d’une quille fixe… mais pour compenser le système de ballasts est très complet ! Il y a une tuyauterie impressionnante, je vais en profiter pour passer un CAP plomberie. »
Partir gentiment, mais au contact
Naturellement, le décalage entre ce monocoque et les plus récents va influer sur la stratégie de course, et comme l’explique Armel, « Si l’occasion se présente, on pourra être joueurs ! » Routé par Marcel Van Triest (qui s’occupe de Groupama 2 chez les multis) et Nicolas Troussel, le navigateur de la baie de Morlaix estime qu’il y a « 6 bateaux dotés d’un potentiel important : les 3 nouveaux (PRB, Delta Dore et Temenos II, ndlr), Sill, VM Matériaux et Virbac. Si je pouvais faire dans les 5 premiers, ce serait super. » Quant à la gestion de la course, il s’agira avant tout de gérer une première partie de course au contact, « sans se mettre dans le rouge pour en conserver sous le pied pour la suite. Le reste, ce sera en fonction des coups météo à jouer, et de la manière dont j’appréhenderai le rythme de mes adversaires. »
Vivre sereinement à bord
Pas fâché d’avoir « décliné l’offre de faire du solitaire en multicoque », Armel souligne son plaisir à naviguer sur un bateau marin, qui lui permet de vivre la mer avec une certaine sérénité. « Vivre sur le fil du rasoir, avec un stress permanent, il faut aimer… et ce n’est pas forcément mon cas. » Quant à la pression au niveau sportif, le « petit jeune » avoue ne pas en ressentir : « elle est plutôt sur les épaules des autres, pour l’instant ! Je suis conscient de ne pas forcément représenter une vraie menace pour eux, mais avec des bateaux neufs et des ambitions, ils ont plus d’enjeux que moi qui viens pour apprendre… cela dit, ils me surveilleront peut-être un peu quand même ! »
Jocelyn Blériot