Son temps de course est de 78 j 5 h 33 mn et 52 sc. Il aura donc mis 11 jours 4 heures et 6 minutes de moins que lors de sa précédente participation. Vitesse moyenne sur le parcours théorique (24 394 milles) : 13 nœuds. Distance réellement parcourue sur l’eau : 28056,55 milles à la vitesse moyenne de 14,9 nœuds.
Il n’aura pas manqué grand-chose à Armel Le Cléac’h pour réussir son pari, gagner le Vendée Globe pour sa deuxième participation. Un petit delta de vitesse supplémentaire dans les moments cruciaux, un peu de réussite en Atlantique Sud. A 35 ans, le navigateur de Saint-Pol de Léon pourra se souvenir de l’aphorisme de Jean Le Cam qui rappelait que « pour avoir un grand vainqueur, il faut aussi un bon second ».
D’emblée, Armel le Cléac’h affiche ses ambitions. La traversée du golfe de Gascogne et la descente le long des côtes des Portugal sont expédiées à grande vitesse. Le skipper de Banque Populaire sait que la course risque de partir par devant et se montre immédiatement aux avant-postes. A la hauteur de Madère, se profile le premier piège météo, la traversée d’une dorsale pour rejoindre des longitudes plus à l’ouest et se positionner pour aborder le pot au noir. Dans un timing parfait, Armel Le Cléac’h prend la tête de la course, le 16 novembre au classement de 4 heures. C’est la première initiative du « chacal », ce ne sera pas la seule.
Après le pot au noir, la descente de l’Atlantique Sud s’avère particulièrement complexe avec un contournement de l’anticyclone de Sainte-Hélène imposant un grand détour le long des côtes d’Amérique du Sud. Pour franchir une nouvelle dorsale dans le prolongement de l’anticyclone, deux options s’imposent. Jean-Pierre Dick, suivi par François Gabart décide de contourner la bulle anticyclonique par l’ouest, quand Armel choisit de frôler l’anticyclone de Sainte-Hélène. Trajectoire tendue contre vitesse, ce sera une des caractéristiques de la navigation du skipper de Banque Populaire. Au final, tout ce petit monde se retrouvera bord à bord avant d’aborder les mers du Sud. Chaque fois qu’il en aura l’occasion, Armel se distinguera par des initiatives qui témoignent de sa volonté de ne pas se laisser enfermer par les routages, de choisir des trajectoires les plus efficaces possibles. Au final, Armel aura parcouru nettement moins de milles que François Gabart.
Entre le 10 et le 15 décembre, en cinq jours à peine, MACIF et Banque Populaire vont creuser un écart qui va se révéler irrémédiable. D’une cinquantaine de milles, la distance qui sépare les deux premiers du reste de la flotte va être multipliée par dix. Jusqu’au cap Horn, les deux solitaires ne vont pas se lâcher d’une semelle naviguant parfois à vue. En tout, ils s’échangeront la main en tête de course à 22 reprises.
Une option fatale
C’est au large de l’Uruguay que va se décider le sort de cette édition 2012-2013. Avec l’arrivée d’un front, Armel décide de virer de bord et de piquer vers le nord-ouest pour être le premier récupérer un possible vent de nord-ouest. Mais, les choses ne se déroulent pas comme il l’espérait. Englué dans une bulle sans vent, il voit son adversaire prendre la poudre d’escampette. Son retard montera jusqu’à plus de 200 milles avant le pot au noir.
Malgré ce coup du sort, le skipper de Banque Populaire ne renonce pas. A la faveur de la traversée du pot au noir, il revient à moins de cent milles du leader. Il s’accroche à son dernier espoir : une barrière de haute pression, suite à la jonction des anticyclones des Bermudes et des Açores semble barrer la route vers les Sables d’Olonne. Qu’elle se maintienne, et il pourrait y avoir une opportunité de tenter un dernier coup stratégique pour revenir au contact. Mais l’évolution de la situation météorologique va sonner le glas de ses espérances. Au final, un système perturbé ouvre une route en contournant l’anticyclone des Açores par l’ouest. L’ouverture qu’espérait Armel vient de disparaître. Le skipper de Banque Populaire n’a plus d’autre choix que de veiller à faire marcher sa machine au mieux pour finir au pied de la plus haute marche pour moins de 4 heures. En 2008-2009, Armel avait accédé à la deuxième place du Vendée Globe du fait de plusieurs incidents de course qui avaient éliminé, dans les dernières semaines, successivement Jean Le Cam, Vincent Riou puis Roland Jourdain. Cette fois-ci, il ne doit rien à personne.
Points de repères
– Plus grande distance parcourue en 24 heures : le 10 décembre, 497,13 milles.
– Nombre de classements en tête de course (4 classements par jour) : 137
– Nombre de jours en tête de course : 25j 20h
– Nombre de changements de leadership entre François Gabart et Armel le Cléac’h : 22
– Les Sables – équateur : 10j 19h 18mn (record détenu par Jean Le Cam en 2004-2005 en 10j 11h 28mn)
– Equateur – Bonne Espérance : 12j 04h 28mn
– Bonne Espérance – Cap Leeuwin : 11j 12h 27mn
– Cap Leeuwin – Cap Horn : 17j 19h 20mn
– Cap Horn – équateur : 14j 09h
Premières réactions d’Armel Le Cléac’h : « Je suis content d’être arrivé et de rentrer dans le chenal ce soir. J’avais peur d’être bloqué. Ma première récompense, c’est de pouvoir fêter mon arrivée avec le public. Ça a été un peu dur hier soir au niveau de la météo. Ce matin, ça s’est calmé et j’ai pu faire le tour du bateau. Je savais que la course était jouée. La victoire de François est méritée. La course a été belle et on est arrivé tous les deux, c’est parfait. Le rythme a été beaucoup plus soutenu que lors de ma première course. On a été aux avants postes avec François quasiment toute la course et on a mis un gros rythme. Je mets quand même 10 jours de moins par rapport à 2009, c’est énorme. »
Les déclarations lors de la conférence de presse
« J’ai vécu une superbe remontée du chenal avec ce public incroyable. On ne s’habitue pas à cet engouement. J’avais vraiment à cœur d’arriver dans les bonnes heures pour le chenal. J’ai cravaché pour arriver, pour le public, parce que je savais qu’il y avait beaucoup de monde. Le fait d’avoir déjà vécu l’arrivée, on sait à quoi on va être mangé. Même si ce n’est pas la même émotion. La dernière fois, c’était un peu la délivrance en arrivant, car je n’avais plus beaucoup à manger et la météo était très dure. Là, j’étais mieux et ma seule préoccupation était de rentrer au chenal. Ma seule déception est ma place. J’étais venu chercher mieux. La bagarre a été super intense même si Vincent nous a quitté un peu tôt. Une de mes satisfactions a été mon rythme dans le sud. Il y a 4 ans, j’avais été surpris par la dureté et la vitesse des premiers. Cette année, on a imposé le rythme, ça a été très vite et il n’y a pas eu de moment de répits. »
« Pour moi la course s’est jouée au large du Brésil et non au cap Horn. J’étais bien revenu sur François après le cap Horn et avant le détroit de Le Maire. Dans le détroit, on était au portant en train de faire des empannages et à un moment dans la nuit, j’ai mon lashing de gennaker qui a cassé, donc impossible d’enrouler la voile. Il a fallu trouver le moyen de réparer et ça m’a pris deux heures. François ne m’a pas attendu et le lendemain matin, il y avait 20 milles d’écart puis 40 milles. Ensuite je pensais un peu revenir au contact grâce aux petites dépressions. Je sentais qu’il y avait moyen de revenir sur ce petit passage de fronts. Mes routages étaient assez corrects et j’étais assez serein. Mais le vent n’a pas du tout tourné comme je voulais. Quand le vent est revenu comme je voulais, il s’était passé cinq heures. Je pense que la course s’est jouée à ce moment là et aujourd’hui, ça se confirme avec nos trois heures d’écart. La déception de ne pas avoir gagné est toujours présente. Finir deuxième, il me manque un petit truc. Mais je pense avoir compris pourquoi j’avais perdu cette course. Cet après-midi, je ressentais de la déception. L’objectif du départ était de gagner. De finir à quelques heures, c’est rageant. »