La parabole de Michel

Foncia Desjoyeaux vitesse croisière
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Michel Desjoyeaux (Foncia) peut se permettre de laisser courir un peu pour mieux passer dans une mer encore assez hachée par des alizés qui ont atteint parfois plus de trente nœuds la nuit dernière. Encore quelques grains, encore des rafales, mais une lente bascule vers l’Est qui permet au leader de naviguer travers au vent à plus de quinze nœuds de moyenne. Et en piquant au Nord à Nord-Ouest (345°) plutôt que de pointer plein Nord (360°) afin que le monocoque tape moins, que le gréement fatigue moins et que le skipper dorme un peu mieux, le solitaire fait d’une pierre deux coups : la trajectoire finale pour atteindre les Sables d’Olonne va ressembler à une magnifique parabole ! Dès ce week-end, le premier va ainsi obliquer progressivement vers le Nord au niveau de la latitude des Canaries (28° Nord), puis doucement glisser vers le Nord-Est quand la brise va s’orienter au Sud-Ouest. Une fois l’archipel par le travers, Michel Desjoyeaux pourra piquer vers le golfe de Gascogne, probablement en s’écartant du plateau continental au large du cap Finisterre où l’état de la mer risque d’être dangereux… Cette belle courbe parabolique vers le but sera peut-être brisée par un ou deux empannages avant d’atterrir sur la Vendée.
 
Des écarts croissants
Le leader peut s’appuyer sur un matelas d’avance qui ne fait que croître au fil des jours depuis le passage du cap Horn : Roland Jourdain n’a pas tout à fait les mêmes conditions de navigation et a perdu encore du terrain depuis qu’il s’est extrait jeudi soir du Pot au Noir. Il peut désormais bénéficier d’un alizé de Nord-Est d’une quinzaine de nœuds qui va se renforcer, mais il perd quasiment 70 milles par jour sur le premier ! Au passage de l’équateur le skipper de Veolia Environnement avait 2 jours 03 heures 16 minutes de retard, mais il pourrait encore accumuler une demie journée de plus avant l’arrivée car les conditions météorologiques seront un peu moins favorables pour le dauphin… Mais à ce rythme, le monocoque rouge devrait tout de même aussi améliorer le temps de référence établi sur le Vendée Globe en 2004 par Vincent Riou (87j 10h 47’ 55’’).
 
Ce ne sera pas le cas du troisième actuel, Armel Le Cléac’h devant entrer dans la « zone d’ombre » équatoriale dès ce soir. Le skipper de Brit Air ne voyait pas encore à midi les nuages noirs à développement vertical, caractéristiques de la Zone de Convergence Inter Tropicale, mais le Pot au Noir était bien à quelques dizaines de milles de son étrave : le ralentissement ne s’annonce pas aussi radical que ses deux prédécesseurs car les grains sont moins étendus, mais il devrait être plus long. La ZCIT est en effet plus étendue et semble progressivement remonter vers l’équateur, une position plus normale à cette période de l’année : les alizés de l’hémisphère Nord faiblissent un peu ces prochains jours tandis que ceux de l’hémisphère Sud se renforceraient : le Pot au Noir se décalera d’autant. Et les 500 milles d’écart que concède Armel Le Cléac’h sur Roland Jourdain devraient donc plutôt augmenter, autour de 700 milles voire plus !
 
Croisement brésilien
Pour Marc Guillemot (Safran), la navigation le long des côtes brésiliennes n’est pas de tout repos : certes le Trinitain y a trouvé de la brise parfois même portante, mais il y a du « monde dans le bourg ». Des plateformes de forage, des pêcheurs, et surtout des filets et de lignes flottantes où frétillait du poisson… Il se sort progressivement de cette nasse pour aller retrouver des alizés d’Est installés au large de Salvador de Bahia : il peut encore espérer que ces vents deviennent plus réguliers pour remonter rapidement vers l’équateur. Si l’anticyclone de Sainte-Hélène se restructurait ces prochains jours, il pourrait s’engager dans une fissure du Pot au Noir, et devenir plus menaçant face à Armel Le Cléach, puisque Marc Guillemot bénéficie d’un temps de redressement atteignant 71 heures sur son prédécesseur… Gardons à l’esprit que le parcours qui leur reste est similaire à une transat retour Brésil-France, comme il y en a eu une, il y a un peu plus d’un an…
 
Samantha Davies (Roxy) a perdu des milles ces temps derniers, mais l’hémorragie devrait être circonscrite dès ce soir : la Britannique traverse une dorsale ce vendredi après-midi et peine donc dans des vents faibles. Le retour de la brise de secteur Nord-Est devrait lui permettre de recoller à Marc qui a quant à lui, une convergence à franchir… Un croisement au large du Brésil est donc à prévoir, mais il sera difficile pour la jeune Anglaise de devancer Marc de plus de deux jours, avance due à son détournement vers Yann Eliès.
 
Happy Birthday Dee !
36 bougies… Dee Caffari (Aviva) semble vivre de sacrés bons moments, non seulement parce qu’elle fête une nouvelle fois son anniversaire en mer, mais aussi parce que sa grand voile ressemble de plus en plus à un patchwork : à force de découper d’autres voiles pour plaquer les morceaux sur les zones délaminées, la Britannique peut enfin envoyer de la toile et retrouver des vitesses plus conformes au potentiel de son monocoque. De là à inquiéter Brian Thompson (Bahrain Team Pindar), il y a un grand pas puisque son compatriote s’est échappé à cent milles devant. Le plus puissant des monocoques de ce sixième Vendée Globe semble retrouver des ailes et 400 milles à rattraper sur Samantha reste dans le domaine du possible…
 
Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) n’est plus du tout dans le même système météo que ses deux devanciers : très à l’Ouest au large de l’Uruguay, il ne s’est pas encore débarrassé des hautes pressions. Mais comme l’anticyclone se décale vers le Sud-Est, l’Arcachonnais va enfin remettre du charbon ce week-end avec la possibilité de naviguer dans des brises établies, mais contraires. C’est le cas pour Steve White (Toe in the water) mais pour lui, ce sont des vents de Nord qui atteignent quarante-cinq nœuds ! Le Britannique semble cumuler les situations contraires depuis qu’il est entré dans le Pacifique…
 
Horn, sweet Horn
L’Américain Rich Wilson (Great American III) voit s’approcher le bout du tunnel : le cap Horn n’est plus qu’à 700 milles et le vent est plutôt coopératif. Du Sud-Ouest dix nœuds qui va tourner au Nord-Ouest 35 nœuds pour le week-end : des conditions idéales pour parer le cap Dur et remonter enfin vers les chaleurs tropicales et des eaux moins hostiles. Ce n’est pas encore le cas pour Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) et Norbert Sedlacek (Nauticsport-Kapsch) qui naviguent toujours en bordure méridionale d’un gros anticyclone Pacifique. S’il fallait aller vers la pointe de l’Amérique directement, cela serait presque une partie de plaisir, mais le problème est qu’il y a encore une porte des glaces à franchir ! Impossible de descendre pour attraper les vents d’Ouest et heureusement d’ailleurs, car il y a encore des glaces dérivantes dans leur Sud… A ce rythme, les deux compères n’auront pas encore passé le cap Horn quand le vainqueur franchira les digues du port vendéen ! Mais ce fut toujours le cas lors des précédentes éditions du Vendée Globe, avec Jean-François Coste en 1990, Jean-Yves Hasselin en 1993, Catherine Chabaud en 1997, Pascale di Gregorio en 2001, Karen Leibovici en 2005.

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1-Michel Desjoyeaux (Foncia) à 2 480 milles de l’arrivée
2-Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 539,8 milles du leader
3-Armel Le Cléac’h (Brit Air) à 1044,3 milles
4-Marc Guillemot (Safran) à 1992,6 milles
5-Samantha Davie (Roxy) à 2109,3 milles
6-Brian Thomson (Bahrain Team Pindar) à 2590,7 milles
7-Dee Caffari (Aviva) à 2671,8 milles
8-Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à 2909,1 milles
9-Steve White (Toe in the water) à 3727,8 milles
10-Rich Wilson (Great American III) à 5217,8 milles
11-Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) à 6963,2 milles
12-Norbert Sedlacek (Nauticsport-Kapsch) à 7057,4 milles