Bricolages et coups de fatigue

Arnaud Boissieres - Akena Verandas
DR

La voile est un sport mécanique, une particularité qui prend tout son relief à travers le prisme du Vendée Globe. Si la machine fait défaut, le compétiteur n’est rien. Et dans les immenses déserts liquides qui façonnent le parcours, la vie du marin en dépend. C’est pourquoi les monocoques, complexes puzzles de 18 mètres constitués de carbone, de fibres exotiques et de métal, sont l’objet de toutes les attentions.

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Pas un jour ne passe sans que les navigateurs ne fassent le tour du propriétaire ou ne s’affairent à bricoler sur le pont. Pas un jour ne passe sans que les uns ou les autres n’évoquent la liste du matériel défectueux à réparer ou à remplacer.

Norbert Sedlacek qui a dépassé le sud de la Nouvelle-Zélande, déplore un rail de mât abîmé; Steve White qui a réparé son vît-de mulet et réinitialisé ses pilotes automatiques, a dû effectuer quatre ascensions d’affilée dans le mât de Toe in the Water ; Dee Caffari, qui navigue à vue avec Arnaud Boissières au niveau de la dernière porte de sécurité Pacifique, surveille avec attention sa grand-voile abîmée ; Marc Guillemot, à 1000 milles du cap Horn, est coincé avec 3 ris dans la grand-voile et devra s’arrêter pour réparer son rail de mât ; Samantha Davies récupère après une journée éreintante à réparer ses moyens de communication, une bosse de ris et son hâle-bas de grand-voile ; Armel Le Cléac’h, dans l’est des Malouines, évoque une usure générale de Brit Air tandis que Roland Jourdain s’échine à chaque manœuvre, à basculer sa quille à la force des bras.

Histoires de couples

Aussi, au fil des milles de cette giration planétaire, un lien étroit se tisse entre le marin et son navire, qui ressemble parfois, comme le disait Mike Golding juste avant de démâter, à des relations de vieux couple tantôt houleuses, tantôt parfaitement harmonieuses.

A ce titre, Sam Davies et Roxy semblent convoler en justes noces ! A la vacation du jour, la navigatrice anglaise, attendue au cap Horn dans la nuit de samedi à dimanche, confiait la confiance totale qu’elle plaçait en son bateau. Une confiance qui s’accroît de jour en jour, fondée sur sa propre vigilance, mais surtout sur les milliers de milles parcourus en amont à bord de l’ex PRB.

A sa façon de naviguer – 24e jour en tête de course ! -, Michel Desjoyeaux pourrait en dire autant de son Foncia, qui ressemble à tout sauf à un bébé ingrat !

Fatigue et pédale douce

De là à dire que quand le bateau va, tout va…Pour tirer toute la quintessence d’une machine, si rutilante soit-elle, encore faut-il être en pleine possession de ses moyens. Or, après 61 jours de mer, les organismes ont tendance à s’épuiser. A la vacation du jour, Marc Guillemot accusait une grande fatigue. Le skipper de Safran avouait avoir de plus en plus de mal à se réveiller, à ” percuter ” pour aller manoeuvrer et ne plus être en mesure de suivre la même cadence qu’auparavant. La faute au rythme de course, au travail de sape du grand sud mais aussi, probablement, aux infortunes dont il a été un des témoins actifs. Dee Caffari, elle aussi, confiait avoir été refroidie voire choquée par tous les incidents survenus à ses compagnons et se découvrait plus émotive qu’elle ne le pensait. A bord d’Aviva, malgré une superbe bagarre au contact avec Arnaud Boissières, c’est pédale douce.

Des océans plus pacifiques

Heureusement en ce 61 jour de course, le Pacifique et l’Atlantique Sud modèrent leurs ardeurs. Ce vendredi, le vent ne devait pas dépasser les 30 nœuds pour Bahrain Team Pindar, Akena Vérandas, Aviva, Safran, Roxy et en Atlantique, Brit Air. Quant aux autres, ils profitaient même d’un épisode plus calme, à l’image de Michel Desjoyeaux et Roland Jourdain, aux prises avec un énorme anticyclone calé sur leur trajectoire. Les deux hommes ont évolué toute la journée à 10 nœuds de moyenne… un rythme qui ne devrait pas s’accélérer avant samedi à la mi-journée.

Vincent Riou : le jury acte le principe d’un redressement

Depuis 48 heures, la course est finie pour Vincent Riou, arrivé hier matin à Puerto Williams (canal de Beagle) en compagnie de Jean le Cam. Les dommages collatéraux provoqués par le sauvetage de Jean, entraînant le démâtage de PRB, ont logiquement poussé Vincent à demander réparation auprès du jury international du Vendée Globe. Le principe de cette réparation a été accepté et PRB apparaît donc toujours dans le tableau de classement comme RDG (redress given), en attendant de savoir quelle sera la nature des réparations accordée par le jury international.

Voix du large…

Samantha Davies (Roxy), 4e à 1886,4 milles : « Les conditions ne sont pas terribles : peu de vent, mais la mer est dans tous les sens. Si tout se passe bien, je devrais arriver au Cap Horn dimanche au petit matin. En attendant, je prends soin de mon bateau et je me repose. Je n’ai pas envie de mettre de voiles trop grandes. Si j’avance trop vite, je risque de sauter sur les vagues et les chocs ne seront pas bons pour Roxy. Les albatros me font bien rire, ce sont des bêtes assez timides. Quand je suis dehors sur le pont, ils s’éloignent. J’essaie de parler avec eux, je leur dis : ” Bonjour. Comment ça va ? “, mais je crois qu’ils n’ont pas l’habitude de communiquer avec les humains. Pour les observer de près, je me cache dans un coin de mon bateau, d’où ils ne peuvent pas me voir. Je les espionne par le hublot. Quand ils ne me voient pas, ils n’hésitent plus à s’approcher. C’est le meilleur moyen pour les observer, ils sont vraiment très beaux. »

Armel le Cléac’h (Brit Air), 3e à 753,6 milles : « La mer est calme. Quinze nœuds de vent Nord-Ouest et ça avance vite. J’essaie de faire la meilleure route possible jusqu’au Sables d’Olonne. A vrai dire, je ne peux pas faire grand-chose de plus. Les deux premiers sont assez loin devant, et ils ne sont pas dans le même système météo. Pour le moment, ils ont de bonnes conditions dans leur remontée de l’Atlantique, avec du portant. L’objectif est d’arriver aux Sables avec un bateau en bon état. La route est encore longue, et il ne faut pas relâcher la pression. Pour l’instant, j’assure le coup. J’ai encore le temps de revenir sur eux. Il peut toujours se passer des choses. Je dois rester attentif à l’état de Brit Air. C’est sûr que, par endroits, il y a de l’usure. Mais il y a des choses qu’on ne peut pas forcément réparer. Des usures pratiquement indétectables. Il faut donc se concentrer sur les moindres bruits et rester vigilant. Ce serait dommage de ne pas finir cette belle aventure, d’autant qu’une bonne partie du chemin a été faite. »

Marc Guillemot (Safran), 5e à 2289,9 milles : « Le jour vient de se lever. Je suis à 1000 milles du célèbre caillou, le cap Horn. Le dépasser est symbolique : un virage à gauche pour rentrer à la maison, des conditions difficiles qui se terminent. J’ai adoré ce deuxième tour dans le Pacifique. Un peu frustré quand même, car je n’ai pas pu exploiter le bateau comme je le souhaitais. Enfin, l’océan Pacifique a été assez sympa avec moi, surtout comparé à ceux de devant. Je pense arriver au Horn dimanche soir ou lundi matin à l’heure du petit déjeuner. Mais cela reste difficile de faire une descente sous voilure réduite (la grande-voile est bloquée à 3 ris, ndr). Je vais m’arrêter pour faire des réparations, soit au Horn, soit aux Malouines, soit ailleurs… Il faut que je voie avec le reste de l’équipe. J’ai besoin d’un coffre car je n’ai plus de mouillage. »

Les premiers au pointage de 16 heures le 09/01/09 :
1- Michel Desjoyeaux (Foncia) à 5690 milles de l’arrivée
2- Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 178,1 milles du leader
3- Armel Le Cléac’h (Brit Air) à 753,6 milles
4- Samantha Davies (Roxy) à 1886,4 milles
5- Marc Guillemot (Safran) à 2289,9 milles

(source C.El. Vendée Globe)