Jérémie Beyou contraint d’abandonner

Jeremie Beyou - Delta Dore
DR

« J’arrive cette nuit à Recife. J’ai déplombé mon moteur. Suite à une dernière discussion avec mon équipe, impossible de réparer seul, donc je vais directement à quai. Une équipe (Team Delta Dore+locaux) m’attend sur place”. Il le pressentait mais tant que la terre n’était pas en vue et qu’il n’avait pas ausculté le gréement, Jérémie voulait espérer et retarder l’échéance d’une des décisions les plus cruelles à prendre dans sa vie de compétiteur : abandonner la course, son premier tour du monde en solitaire, alors qu’il a toujours son bateau et un mât. C’est donc ce mercredi matin, en arrivant dans le port brésilien de Recife, que Jérémie Beyou a pris cette décision inéluctable, après 16 jours et demi de course.

Maudites barres de flèche.


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Au 14ème jour de course, Jérémie Beyou constate des dégâts importants dans le gréement de son monocoque : une barre de flèche désolidarisée du mât, puis une deuxième. En conséquence, le gréement dormant et le mât sont également endommagés. Si cela s’était produit près des Sables d’Olonne peu après le départ, les règles de course autorisaient Delta Dore à revenir au port de départ et à réparer, avec l’assistance de son équipe technique et de nouvelles pièces de ses fournisseurs, à condition de repartir dans les 10 jours suivant le départ. Mais au-delà de ce délai, il est formellement interdit de toucher terre et de d’être assisté. C’est là toute l’essence de cette course unique, course autour du monde en solitaire à la voile, sans escale et sans assistance.


Cinq avaries ont été répertoriées : 
- Les pièces mécaniques d’ancrage (appelées tang) des barres de flèche 2 et 3 tribord sont cassées. Il n’y a aucune possibilité d’en usiner de nouvelles à bord ni de les réparer. Ce sont des pièces en titane usinées avec précision dans la masse et ajustées à leurs parties femelles sur les barres de flèche.

– Les deux barres de flèche en carbone numéros 2 et 3 tribord sont cassées. Une stratification serait possible à bord mais leur résistance mécanique serait très amoindrie après une réparation de fortune. Cela nécessite de réaliser une expertise avant toute stratification.
- Le gréement dormant périphérique tribord, en fibre textile PBO, est très endommagé par les chocs répétés des barres de flèche : les haubans (verticaux 2 et 3), les diagonaux 3 et 4 sont hors d’utilisation.

– La bastaque tribord est également fortement endommagée (fibre sectionnée).

– Le tube du mât en carbone est lui-même partiellement délaminé par les chocs répétés des barres de flèche.


Poursuivre un tour du monde avec un gréement aussi fragilisé est impossible, le bateau ne peut plus naviguer tribord amures. L’ampleur des dégâts est trop conséquente pour envisager un départ rapide, même après avoir reçu une assistance extérieure, pour courir 20 000 milles nautiques autour du monde dans des mers hostiles. Il est également indispensable de comprendre pourquoi les pièces ont cassé avant de remettre des pièces identiques sur le mât. 

Jérémie ne peut pas réparer comme l’avait fait Yves Parlier en 2000. Aujourd’hui, repartir n’est simplement ni raisonnable ni réalisable.

Extrait du mail adressé par Jérémie Beyou à l’entreprise Delta Dore : 
La mer a fait son travail de sappe sur le gréement déjà bien abîmé du bateau, et le revoir naviguer rapidement et en sécurité m’apparaît à ce jour impossible.Mais le coup le plus dur a été reçu lorsque j’ai constaté l’avarie il y a 3 jours : devoir me retirer du match dans lequel j’étais si bien installé fût un crève-cœur. Le bateau allait bien, le bonhomme aussi. Je peux vous affirmer que mon bateau était en parfait état, parfaitement préparé, jusqu’à cette “tuile”. Ma déception est immense, et j’imagine que la vôtre l’est aussi. Je ne peux juste que vous remercier du soutien que vous m’avez apporté. Vous remercier de m’avoir donné l’opportunité de défendre mes chances, nos chances, et de montrer que je suis capable du meilleur, pour peu que les ennuis techniques me laissent le faire. Mais notre projet a de la valeur et une belle image malgré tout, soyez en sûrs ! (…) Il va falloir apprendre à vivre en dehors de cette course mais continuer à supporter mes amis en course. Et puis rebondir vers d’autres courses, en Imoca 60′ pourquoi pas, vers un prochain Vendée Globe sûrement, parce qu’il faut tout de suite “remonter sur le cheval après une chute” sous peine d’avoir trop peur ensuite !Merci en tous cas de votre présence au départ (immense moment !), de vos messages de soutien, de toute la volonté que vous avez mis dans ce projet.”
Jérémie