Destins contrastés dans le coup de chien

Marc Guillemot - Safran
DR

Premier coup de vent et premières victimes : en vingt-quatre heures, déjà trois navigateurs solitaires ont du revenir aux Sables d’Olonne. Paradoxalement, ce n’est pas la structure du navire ou la tenue du gréement qui sont en cause, mais des soucis périphériques qui engendrent de véritables dysfonctionnements, mis à part la fortune de mer de Bernard Stamm. Le navigateur de Cheminées Poujoulat est entré en collision avec un cargo sous pavillon maltais, alors que quelques minutes plus tôt, il avait vérifié que les routes des deux navires ne pouvaient pas être de collision. Bout dehors démantelé, Bernard Stamm a préféré rallier les Sables d’Olonne, plutôt que de devoir se lancer dans un tour du monde sans pouvoir utiliser ses voiles de portant, spis et gennakers.

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Petites causes et grands effets

Pour Michel Desjoyeaux et Dominique Wavre, on pourrait évoquer le syndrome de l’aile du papillon. Il a suffi dans un cas, d’un composant électrique défectueux pour priver le skipper de Téménos II de toute possibilité de recharger ses batteries. Dans l’autre, Michel Desjoyeaux reconnaissait avoir sous-estimé l’effet d’une fuite sur un de ses ballasts. En conséquence de quoi, de l’eau s’infiltrait dans le compartiment moteur et grillait les circuits électriques de Foncia. C’est un coup rude pour le vainqueur du Vendée Globe 2000-2001 qui affichait une sérénité évidente sur les pontons de Port Olonna. Pour ces trois-là, il va falloir maintenant cravacher pour revenir sur la tête de flotte : il n’est qu’à espérer, pour l’intérêt de la course, qu’un système météo ne vienne pas ruiner toutes les chances de ce petit groupe de poursuivants. Mais le Vendée Globe a déjà démontré qu’un arrêt au stand n’était pas forcément rédhibitoire : en 2000, Roland Jourdain avait du rentrer précipitamment aux Sables d’Olonne. Cela ne l’avait pas empêché de revenir sur les talons de Michel Desjoyeaux et d’Ellen Mac Arthur aux portes du Cap Horn. D’autant que si Bernard Stamm et Michel Desjoyeaux repartent ensemble des Sables d’Olonne, on peut compter sur eux pour se forger une saine émulation.

Pincée de Safran

Marc Guillemot aurait-il décidé d’épicer la course ? Le skipper de Safran, non content d’afficher depuis le départ une vitesse plus qu’honorable, a décidé de jouer tactique dans le Golfe de Gascogne. Un petit contre-bord astucieux lui a permis de se positionner un petit peu plus au sud de la flotte et de prendre un avantage de 10 milles au classement de 16h (TU +1). Pointé en tête, Marc affichait, comme nombre de concurrents, une certaine fatigue et une inquiétude non feinte sur les risques que faisait courir ce mauvais temps de face à la flotte. Il reste que le navigateur trinitain a réalisé là un joli coup : pour peu que la bascule de vent au passage du front suffisamment rapide, il pourrait se retrouver légèrement en dessous de la route du reste de la flotte et bénéficier d’une trajectoire plus favorable pour descendre sur le Cap Finisterre. L’occasion pour lui d’enfoncer le clou et d’introduire un peu plus de perplexité chez ses adversaires qui savent bien le potentiel du plan Verdier – VPLP aux allures portantes. Pour l’heure la flotte fait le dos rond. Seule, Sam Davies à bord de Roxy, affichait un enthousiasme communicatif : la jeune Britannique qui avait passé une grande part de son temps à bricoler à l’intérieur du bateau et se reposer reconnaissait être avantagée par son absence de sensibilité au mal de mer. Sam disait avant le départ du Vendée Globe a quel point elle aimait être en mer : son bonheur affiché en est sûrement la meilleure preuve.

Voix du large…

Michel Desjoyeaux (Foncia) : « ” J’avais une fuite sur un capot de ballast et j’ai sous-estimé son importance : de l’eau est entrée dans la cale moteur. Quand j’ai fait tourner le moteur, au bout de 40 minutes, j’ai senti une odeur de cramé. C’était la première leçon de nage du moteur, il n’a pas aimé. Le faisceau électrique est foutu : j’ai décidé de revenir aux Sables d’Olonne pour réparer. Impossible de faire un tour du monde sans électricité ! L’équipe technique est déjà prévenue de l’ampleur des dégâts. J’arriverai ce lundi soir vers 22h mais j’espère que l’état de la mer me permettra de rentrer au port… Peut-être pourrais-je repartir dès mardi matin. Ce sera une chasse à ceux qui sont devant. ” »

Samantha Davies (Roxy) : « “C’est une patinoire ! Un bidon d’huile moteur s’est renversé quand j’ai viré de bord la nuit dernière. Je vais devoir tout nettoyer dès que la brise va mollir car là, j’ai 30-40 nœuds sous trois ris dans la grand voile et foc de brise… Il y a de l’huile partout et ça va me prendre du temps de tout remettre en ordre. ” »

Yannick Bestaven (Aquarelle.com) : « “On plante des pieux ! Je navigue sous deux ris dans la grand voile et foc de brise. Je pense même que je vais devoir prendre le troisième ris bientôt. C’est une entrée en matière rude, mais tout se passe bien, même si Aquarelle.com n’est pas particulièrement à l’aise au près ! ” »

Marc Guillemot (Safran) : « “La vache ! Ca tape… Il y a trente nœuds de vent avec de bonnes claques. On en a encore pour tout l’après-midi avant que la bascule au nord-ouest arrive. Je suis assez fatigué avec mon double virement de la nuit et je ne suis pas encore totalement amariné. Mais savoir que j’ai pris un peu d’avance est toujours agréable. Maintenant est-ce que mon décalage un peu plus sud sera bénéfique ? ” »

Classement à 16h (TU + 1) :
1- Marc Guillemot (Safran) à 24 491,4 milles de l’arrivée
2- Loïck Peyron (Gitana Eighty) à 10,1 milles du premier
3- Roland Jourdain (Véolia) à 12,1 milles du premier
4- Kito de Pavant (Groupe Bel) à 14,2 milles du premier
5- Sébastien Josse (BT) à 15,9 milles du premier

(Source Vendée Globe)