Tempête sous les crânes

Thierry Chabagny / Suzuki Automobiles
DR

Les fichiers météo ont décidé de jouer avec les nerfs des navigateurs. Pour tous ceux qui sont restés aux avant-postes, ce début de traversée océanique a des allures de « qui perd gagne ». Face à cette situation complexe, certains des leaders jouent la carte du silence radio : les meilleurs secrets sont ceux que l’on décèle le plus tard possible et plusieurs gros bras de la course étaient injoignables aujourd’hui. D’autres proposent une sérénité immuable, persuadés de leur bonne étoile ou adeptes des bonnes vieilles recettes de Monsieur Coué. A bord de Solar Inox, Luc Poupon avouait son plaisir de descendre vers le sud et sa confiance : « On a fait le choix de descendre plus sud d’après les données que l’on avait. Rien n’est évident, c’est pour cela que l’on est tous assez éparpillé. » Bertrand de Broc, en vieux sage, s’en remettait à une stratégie moins audacieuse confiant rester dans une position d’attente tant que la situation ne s’était pas éclaircie. Jeanne Grégoire à bord de Banque Populaire avouait carrément, quant à elle le stress, qui la guettait au départ d’une option qui la tentait mais présentait un caractère assez radical : « Hier soir, on a vu des trucs qui nous ont confirmé notre décision. Aujourd’hui, je suis beaucoup moins confiante. A voir ! A l’heure actuelle, j’ai un peu une grosse boule au ventre. Par moments, la route du paquet Nord semble belle, alors qu’hier elle ne le paraissait pas. A voir, ça passe ou pas… »

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Second souffle

Si pour les premiers, rien n’est facile, la situation est pain béni pour les poursuivants. L’incertitude donne des idées nouvelles au second peloton qui se voit déjà en escadrille de chasse. Miguel Danet sur Concarneau Saint-Barth reflétait bien cet état d’esprit : « On a la tête dans le guidon. Nous tentons ce qu’il y a à tenter. Ca passe, ou ça ne passe pas. Nous ne voulons pas avoir de regrets. On rigole bien. D’ici quatre ou cinq jours, nous aurons le résultat des options Sud. ». Même son de cloche chez Fabrice Amédéo sur Aquarelle Le Figaro : « Nous avons eu deux jours difficiles. On a enfin franchi cette maudite porte de Porto Santo. Il n’y a plus qu’à remonter un peu le classement. On y croit. C’est incroyable. A la porte de Porto Santo, les chiens sont lâchés. Chacun choisit son option. On va au Sud, au Nord. Finit les navigations à vue.» Visiblement, le spleen du dernier bord vers Porto Santo est oublié et la perspective de pouvoir jouer un coup gagnant donne des ailes aux poursuivants. En vingt-quatre heures, l’incertitude a changé de camp… Hier les patrons savouraient les fruits mérités de leur première étape maîtrisée de main de maître. Aujourd’hui, leurs poursuivants voient une occasion exceptionnelle de revenir sur le devant de la scène. Où va donc se nicher la glorieuse incertitude du sport ?

Ils ont dit :

GROUPE CELEOS – Anthony Marchand (12ème au classement de 11H)
« Il y a les milles qui défilent. On est en forme. Ca fait du bien de lâcher les chevaux. Ca n’a pas été simple en début de transat. Mais maintenant c’est agréable. Devant ça se complique. Nous avons les idées claires sur ce que nous voulons faire. On ne va pas attendre de voir ce que font les autres. Il y a un empannage à caler au bon moment dans les heures à venir. Il faudra aller vite, mais il n’y aura pas vraiment de manœuvres. C’est un peu stressant de voir Banque Populaire qui a empanné très tôt. On est sur le bord rapprochant. On va vite. Nous essayons d’être positifs dans tout ce que nous faisons. »

CONCARNEAU – SAINT BARTHELEMY – Miguel Danet (17ème au classement de 11H)
« On est sous spi. Ca marche bien. On se rapproche de la maison. C’est plutôt sympa. Avec Eric on tourne. On est juste à côté de Lucky (Luc Poupon). On voulait se mettre à couple et prendre l’apéro. Mais on va attendre. C’est la tactique des îles : apéros au rhum. On rigole bien. D’ici quatre ou cinq jours, nous aurons le résultat des options Sud. On essaye de prendre les décisions ensemble. Eric a plus d’expérience du large et des fichiers météo. Pour le moment, on a un rythme croisière : le soir nous mettons le pilote et allons dormir tout les deux. Personne sur le pont, une bouteille de rhum par jours… Bon, c’est vrai il ne faut pas nous croire. Ca s’appelle s’arrêter pour mieux sauter à l’arrivée ! »

SOLAR INOX – Luc Poupon (16ème au classement de 11h)
« Ca ne va pas trop mal aujourd’hui. On a fait le choix de descendre plus Sud d’après les données que l’on avait. Rien n’est évident sur les choix, c’est pour cela que l’on est tous assez éparpillé. De voir la dernière terre avant l’arrivée, cela fait quelque chose mais on s’y habitue au fil des traversées. On a eu des oiseaux deux ou trois jours avant Madère. Certains sont repartis et les autres sont morts à bord. La vie à bord est bien organisée, il n’y a pas de problèmes entre nous deux. Il y a du soleil, il fait beau. On va vers les tropiques, cela remet du baume au cœur. »