Un coup à l’ouest, un coup au sud dans un alizé instable en force et direction : tous les ingrédients sont réunis pour attiser le suspense en approche de la ligne d’arrivée, bientôt mouillée sous haute tension en baie de Saint-François. Dans ce final, tout porte à croire en effet que le chef de file garde un net avantage quand il progresse sur tribord (quand le vent vient de la droite). Il semble en revanche plus en difficulté sur bâbord. A-t-il un problème au niveau de son foil bâbord ? Les supputations vont bon train. D’autant plus que pour ne rien gâcher, Mathis Bourgnon persiste dans l’art de mettre la pression sur ce premier de cordée qui garde la tête froide et les nerfs solides, multipliant les empannages pour garder la main et l’avantage. ETA 8 novembre entre 4 et 6h TU.
Au dernier pointage, le skipper français ne compte plus qu’une dizaine de milles d’avance sur son poursuivant suisse, lancé à toute allure vers la Guadeloupe. Mathis progresse actuellement à 14 nœuds, soit près de 4 nœuds de plus que son rival.
Sauf pépin de dernière minute, ce duel final promet de rester dans les annales de la course, avec des protagonistes bataillant pour mériter une victoire qui ne manquera pas d’éclat. Tous deux ont l’opportunité d’écrire quelques lignes de plus dans la longue saga de la Mini Transat. D’un côté, Benoît Marie s’accroche pour devenir, après Sébastien Magnen en 1997 et 1999, le deuxième double vainqueur dans la catégorie des prototypes. Avec ce dernier, il partage également la particularité de naviguer à bord d’un bateau qu’il a conçu pour incarner un point de rupture. De l’autre, Mathis Bourgnon ; qui pourrait, 30 ans après son père Yvan, inscrire une deuxième fois son célèbre patronyme au palmarès de cette transat pas comme les autres, au terme d’une trajectoire toute en maîtrise. D’après les derniers routages, seules quatre heures devraient les séparer sur la ligne, après plus de 2 600 milles parcourus.
Yvan Bourgnon ne cache pas son excitation devant ce scénario palpitant qui pourrait voir son fils Mathis remporter la course, 30 ans après sa propre victoire. Interview à Saint-François.
Qu’est-ce que vous ressentez à quelques heures du dénouement ?
« Mathis est parti des Canaries en mode dégradé, sans pilote principal, sans AIS, sans spi médium. Il est parti pour se faire plaisir avec l’idée de faire sa course sans objectif de résultat. Le voir là, c’est la grande surprise ! Et c’est assez excitant, avec un bateau plus rapide en bâbord amure et l’autre qui va plus vite en tribord. Cette histoire va se terminer sur des arrivées ttès proches, à quelques minutes l’une de l’autre. Le scénario est incroyable. Tant mieux qu’il y ait autant de suspense. »
Vous avez gagné la course en 1995, qu’est-ce que cela vous inspire ?
« J’ai remporté cette course il ya 30 ans jour pour jour. À l’époque, je n’aurai jamais pu imaginer que plus tard mon fils (Mathis a 28 ans) serait en passe de la gagner à son tour. Que rêver de mieux quand on est papa de voir son fils suivre ses traces !»
Comment s’est préparé Mathis ?
« Mathis a eu une préparation un peu originale. Il n’est pas rentré dans un centre d’entraînement ou un circuit académique. Il a préparé ça dans son coin, un peu à l’ancienne école. Évidemment, j’étais un peu là. Cela fait deux ans et demi que le soutiens, que je fais ce que je peux à terre. Mais c’est quand même lui qui fait le boulot sur l’eau. »
Quel regard portez-vos sur la course ?
« C’est une course fantastique. J’ai gagné cette Mini à Fort-de-France. C’était le début de ma carrière dans la voile. Tous les grands skippers sont passés par là, il ya une ambiance de dingue et c’est très chaleureux. C’est un tremplin merveilleux. Les prototypes sont des engins très sophistiqués, c’est un peu le karting de la voile. Et quand on veut ensuite basculer sur des bateaux complexes comme les IMOCA, c’est vraiment la meilleure école qu’on puisse trouver. »
Deux podiums ultra convoités
Dans ce contexte, les poursuivants du duo de tête ne sont pas en reste pour attiser le suspense, et ne rien céder dans la dernière cavalcade en direction de la Guadeloupe. Le match se corse au fil des milles entre Alexandre Demange (1048 – DMG Mori Sailing Academy II) et Julien Letissier (1069-Frérots Branchet). Une certitude l’emporte : la 3è place du podium, particulièrement disputée, promet d’avoir une saveur particulière. Ce n’est pas Robin Pozzoli (1010-UOUM), qui dira le contraire. En embuscade en 4è position, on peut compter sur celui qui a grandi en Guadeloupe pour tout donner dans le dernier sprint pour rallier les eaux qu’il connaît bien à bord d’un bateau qu’il a lui-même construit.
En série, Paul Cousin (981 – AFP Groupe Biocombustibles) progresse toujours en pointe et solidement cramponné aux commandes de la flotte. Mais dans son sillage, la bataille fait rage. Joshua Schopfer (1028-Mingulay) et Quentin Mocudet (986-Saveurs & Délices) tiennent leur rang de solides prétendants au podium, avec pour l’heure moins de deux heures d’écart estimées entre ces deux bateaux.
Ces deux-là doivent évidemment surveiller leurs arrières, où progresse une meute de concurrents très proches les uns des autres en distance au but. À commencer par Amaury Guérin (996 – Groupe Satov), qui invite à la vigilance. En 4è position, le Vendéen progresse sur une route au sud, et affiche, ce jeudi midi, un écart en latéral de 135 milles par rapport à son prédécesseur au pointage, positionné plus au nord. C’est dire si le jeu des empannages -rythmé par les grains qui risquent de s’intensifier en approche de la Guadeloupe -, s’annonce ouvert aux rebondissements. À Saint-François, après un récent incendie, la marina du Levant panse ses plaies et met les bouchées doubles pour accueillir la flotte des 87 skippers qui converge vers elle. Pendant une dizaine de jours, du beau monde est attendu de pied ferme pour faire vibrer les pontons de cette ferveur si singulière garantie par cette armada de Ministes sur le retour…
La direction de course a été contactée jeudi 6 novembre à 12h TU (13h heure française) par Victor David (1017 – In Bin en Solitaire). Le skipper a signalé avoir démâté. Il a depuis été rejoint par le bateau accompagnateur des Glénans. Victor va bien et progresse sous gréement de fortune à environ 4,5 nœuds. Il se trouve actuellement à quelque 840 milles de la Guadeloupe.


















