Coup de stress pour Paul Meilhat à l’entrée du Pacifique

L’entrée de SMA dans le Pacifique a coïncidé avec 48 heures difficiles physiquement et émotionnellement. Entre le 12 et le 13 décembre, Paul Meilhat a passé sa journée à tenter de réajuster son hook de grand-voile récalcitrant. Le problème n’est pas résolu, mais le skipper et son bateau sont à nouveau en ordre de marche, dans la brise, au sud de la Nouvelle-Zélande.

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Le 12 décembre, au grand large de la Tasmanie, Paul s’est aperçu après de nombreuses manœuvres que son hook (crochet qui maintient la grand-voile sur le mât) ne tenait plus. Par 10 fois, il a dû affaler sa grand-voile pour tenter de la fixer convenablement et de résoudre le problème. Une épreuve de force réalisée dans le stress : celui lié à l’inquiétude de ne pas pouvoir avancer assez vite pour échapper à la méchante dépression qui concerne actuellement Dick, Eliès et Le Cam : 50 nœuds, vagues déferlantes et grains de grêle…

Pluie, brouillard, mer forte
Aujourd’hui, la grand-voile est « bloquée » au niveau du 2e ris. Une configuration qui convient pour l’instant aux conditions de navigation. Mais si le vent monte davantage, il faudra l’affaler complètement car le 3e ris ne tient pas … 180 milles dans le sud de la Nouvelle-Zélande, SMA se trouve à l’avant du front de la fameuse dépression. Le vent de nord-ouest souffle à 30/35 nœuds, le brouillard est omniprésent, l’humidité intense, un clapot venu du nord commence à se superposer à la houle d’ouest et le bateau tape, parfois violemment. Pourtant, il faut aller vite pour échapper à ce phénomène. Tant pis si la navigation est inconfortable. Retranché à l’intérieur de son bateau, Paul a du mal à trouver le repos. Mais malgré tout, il est soulagé : il a retrouvé la vitesse et l’accalmie est pour bientôt. Dans une journée, peut-être deux, il sera temps de s’attaquer à une réparation définitive du hook.

« Je n’avais jamais été confronté à des choses aussi brutales »
Les heures passées sous-toilé à bricoler (le hook, mais aussi quelques poulies, une écoute, un safran..) ont forcément fait perdre du terrain à SMA. En 36 heures, entre le 12 et 13 décembre, son avance sur Maître CoQ est passée de 120 à 50 milles. La bagarre pour la 3e place est reléguée au second plan pour les deux marins. Elle reprendra de la vigueur quand ce coup de vent sera un souvenir et qu’il faudra aborder en stratège les quelques passages anticycloniques sur la route du cap Horn.

Ces 15 jours dans le grand sud à essuyer les dépressions, et surtout ces dernières 48 heures ont été éprouvants. « C’est vrai que le Sud… je m’imaginais quelque chose de difficile, mais peut-être pas autant. C’est vraiment un autre monde et je n’avais jamais été confronté à des choses aussi brutales avant », avouait-il ce matin au téléphone. Pourtant, malgré la fatigue, le skipper de SMA assure avec un pragmatisme qui lui permet de rester maître de sa course, de son intégrité et de celle de son bateau.

Dans l’immense désert bleu
Chaque repas, chaque thé brulant avalé emmitouflé sous sa couverture, chaque message de ses proches, sont des motifs de réconfort, des petites victoires gagnées sur son quotidien dans les Cinquantièmes. La nuit dernière, il est passé à une dizaine de milles au nord de l’archipel d’Auckland, dernière terre avant l’immensité bleue de l’océan Pacifique. Il y a encore un peu de vie autour de lui. « Dehors, c’est assez violent, mais si je sors le bout de mon nez, il y a encore quelques oiseaux qui volent tout près du bateau. » Encore deux semaines à serrer les dents avant la délivrance du cap Horn…

 

Paul Meilhat, joint à 8h00 ce mercredi matin :
« Le vent est rentré fort depuis hier soir (pour moi). J’ai 30/35 noeuds, ça va assez vite, ce n’est pas trop confortable mais on espère que ça va passer. Le front va passer dans quelques heures, le plus tard possible j’espère parce qu’il diminue en intensité en passant sous la Nouvelle-Zélande. C’est une bonne nouvelle parce que derrière, il y a des vents de 70 à 80 nœuds… Après, ce sera plus compliqué niveau météo mais ça tombe bien parce que j’ai pas mal de boulot sur le bateau. Je suis content que ça se calme (…). Pendant deux-trois heures hier (avant-hier pour nous), ça a été un calvaire avec mon histoire de hook. J’attends que ça mollisse un peu pour pouvoir réparer. J’ai aussi eu un petit problème de safran. Dans une vague, la martingale qui retient le safran a cassé et le safran s’est coincé à mi-course. Là, j’ai réussi à faire en sorte qu’il redescende complètement. (…) Avec cette dépression qui arrivait derrière, j’ai vraiment vécu une mauvaise journée : si je n’étais pas capable d’accélérer, j’allais me retrouver dans des vents très forts. Aujourd’hui, je suis un peu soulagé. Je le serai vraiment dans une dizaine d’heures quand on sera sorti de ça (que le front sera passé). Ça a été 24 heures vraiment stressantes. J’ai un peu de mal à récupérer. Quand on est stressé, le sommeil est plus dur à trouver. Là, je suis enfermé à l’intérieur, je vais essayer de trouver du repos. La mer commence à devenir forte, le bateau accélère dans les surfs et ça tape pas mal. Mais le bateau va bien, j’ai retrouvé de la confiance et ça va m’aider. J’ai la moitié du Vendée Globe dans le sillage. Sur le routage, c’est agréable de pouvoir se projeter jusqu’au cap Horn. Si je prends sur moi ? C’est un peu mon tempérament. Je ne suis pas forcément hyper expressif sur ce que je ressens. Là, j’ai vécu des moments difficiles. C’est vrai que le Sud… je m’imaginais quelque chose de difficile, mais peut-être pas autant. C’est vraiment un autre monde et je n’avais jamais été confronté à des choses aussi brutales avant ».