Pour François Gabart (MACIF) comme pour Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), l’objectif premier est de contenir les assauts éventuels de leurs poursuivants. L’un comme l’autre savent qu’ils disposent d’atouts sérieux, mais qu’il ne faudra pas les gâcher par excès de confiance ou manque de concentration. Devant eux, se profile le dernier obstacle sur la route des Sables d’Olonne, cette dorsale anticyclonique qui occupe tous les esprits depuis une semaine. En la traversant, les leaders devraient être ralentis mais, si la logique est respectée, ils devraient aussi en sortir les premiers et s’ouvrir la voie royale vers l’arrivée. Il reste que ce type de situation est idéal pour redistribuer les cartes. A quelques milles de décalage, les vents peuvent varier parfois de cinq à dix nœuds. Mais avec dix nœuds de vent, un IMOCA se déhale sans difficulté, tandis qu’à moins de cinq nœuds, il tend à rester collé sur l’eau. S’il existe encore une chance à saisir, hors souci matériel, c’est peut-être ici.
Depuis deux jours, rien ne va dans le bon sens pour Alessandro Di Benedetto. Le skipper de Team Plastique enchaîne les mauvaises surprises. Hier au soir, c’est son grand spinnaker qui explosait en ne laissant en tête de mât, qu’un morceau de têtière et le sac de la chaussette à spi. Le skipper franco-sicilien se voyait contraint de monter une nouvelle fois en tête de mât pour dégager ce qui restait de la voile d’avant. Puis, au milieu de la nuit, alors que le navigateur tentait de se reposer, le bateau partait brutalement à l’abattée. Obligé de sortir en catastrophe, Alessandro ne voyait pas l’écoute de grand-voile revenir dans un deuxième empannage incontrôlé. Il se prenait le palan d’écoute en pleine figure et projeté dans le cockpit, se fracturait une côte dans le choc. Dans la manœuvre, le petit spinnaker, qui avait été posé sur le pont, passait à l’eau. La vie en rose d’Alessandro s’assombrit profondément. Rien ne l’empêche, a priori, de poursuivre sa route, mais son parcours risque de devenir autrement plus difficile, entre un bateau qu’il ne pourra pas toiler à sa convenance et la douleur qui va le tenailler pendant plusieurs jours. Mais surtout, Alessandro perd le contact avec Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets) et Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur) qui continuent de filer au portant, à bonne allure vers le nord.
Une météo abracadabrantesque
Les deux hommes vont revenir non loin d’Arnaud Boissières (AKENA Vérandas) qui peine à s’extirper du piège de la dépression orageuse qui tend à rester stationnaire au large des côtes du Brésil. L’Arcachonnais devenu Sablais d’adoption n’a plus que 600 milles d’avance sur Bertrand de Broc et l’écart devrait encore se réduire les prochains jours.
Il n’est pas le seul à pâtir des conditions météorologiques désastreuses de l’Atlantique Sud, Jean Le Cam (SynerCiel), Mike Golding (Gamesa), Javier Sanso (ACCIONA 100% EcoPowered), Dominique Wavre (Mirabaud) tous avouent en avoir plein les bottes. Comme le soulignait le navigateur suisse, les conditions sont très changeantes, depuis des vents portants erratiques jusqu’à du près musclé, sans que les fichiers météo ne dégagent une tendance fiable. Pour tenir bon, chacun a ses recettes : Dominique Wavre se concentre sur la marche du bateau, sur sa progression heure par heure, pour se pouvoir se dire qu’il utilise au mieux le potentiel de son IMOCA dans ces conditions si spéciales. Jean Le Cam n’oublie pas de manier l’humour, plaignant les deux leaders qui vont devoir écourter leur Vendée Globe, quand le club des cinq en aura pour son argent, si l’on considère temps passé en mer : une manière comme une autre de rentabiliser son investissement.
PFB
Ils ont dit
Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) : « On attaque la dernière semaine. C’est plutôt agréable de se dire que l’arrivée approche. Les conditions se sont calmées depuis deux jours, ça fait du bien de tenir plus facilement debout dans le bateau. Le vent va mollir régulièrement, on va se rapprocher de l’anticyclone et on va pouvoir envoyer des voiles de portant dans les jours à venir. Rien de très compliqué pour les heures à venir, c’est un peu tout droit avec un vent pas très soutenu. Par contre ça va s’accélérer derrière. On ne va pas faire n’importe quoi pour gagner des milles, on ne va pas se mettre dans le rouge. On va rester prudent sur cette fin de course. On va être vigilant, pas faire de bêtises et trouver les bonnes configurations de voiles. On va arriver dans du vent et de la mer assez soutenus, notamment dans le golfe de Gascogne. Aux Sables, le jour de l’arrivée, je ne suis pas sûr que les gens soient motivés pour aller sur l’eau pour être malade. »
Dominique Wavre (Mirabaud) : « Cette nuit ça a été très moche, des trombes d’eau sont venues sur le bateau. Je n’ai pas bougé pendant une heure. C’est de loin la remontée de l’Atlantique la plus pénible que j’ai pu faire. Quand il y a du vent, c’est au près et quand c’est au portant, le vent est très faible. Quand il fait nuit noire, sous des trombes d’eau, tu ne vois absolument pas s’il y a un grain ou autre chose. Et quand tu es sur le pont, tu ne vois pas les vagues arriver non plus. En plus, les fichiers météo ne sont pas très pertinents. On espère que bientôt, ils seront un peu plus en accord avec la réalité. »
Arnaud Boissières (AKENA Vérandas) : « J’ai retrouvé de la vitesse depuis hier midi. Je crois que j’ai été bien pompé par un grain, j’ai réussi à le suivre. Il m’a bien aidé. Je longe les côtes brésiliennes mais je n’ai pas vu grand-chose à part les pêcheurs, les plateformes pétrolières et beaucoup d’hélicoptères. Au début c’est rigolo de se dire qu’on va longer les côtes mais en fait c’est un peu stressant. Il y a des plateformes que je ne vois pas tout le temps à l’AIS et il y a les bateaux de pêche aussi. Hier j’ai pris une longue ligne de pêche dans le safran et l’hydro. La navigation brésilienne n’est pas si facile que ça. »
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 1806.9 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 117.7 nm
3 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 424.9 nm
4 Alex Thomson Hugo Boss à 689.8 nm
5 Mike Golding Gamesa à 2310.4 nm
6 Jean Le Cam SynerCiel à 2310.9 nm
7 Dominique Wavre Mirabaud à 2514.3 nm
8 Javier Sanso Acciona à 2579.7 nm
9 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2648.4 nm
10 Bertrand de Broc Votre Nom autour du Monde à 3241.2 nm
11 Tanguy de Lamotte Initiatives cœur à 3505.3 nm
12 Alessandro Di Benedetto Team Plastique à 4303.6 nm




















