La nuit dernière, François Gabart et Armel Le Cléac’h n’ont pas fermé l’œil. « La mer, c’était les montagnes russes, raconte le skipper de Banque Populaire. Il y a eu des grains à 45 nœuds ». Au près serré, la vie à bord d’un monocoque de 60 pieds se transforme vite en calvaire. Pire encore quand les soucis techniques s’en mêlent. C’est ce qui est arrivé ce matin à 5h15 à Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) lorsque l’attache textile de son étai de solent s’est rompue. Cet étai est celui qui maintient le mât sur l’avant. La rupture d’un de ses points d’ancrages représente toujours un risque de démâtage. Heureusement, Jean-Pierre naviguait alors sous trinquette. Comme il était au près, dans une mer démontée, il a immédiatement abattu afin de pouvoir rétablir la situation : d’abord, récupérer son étai (avec le solent enroulé dessus) qui valdinguait dans tous les sens, ensuite le fixer à nouveau sur le pont. Une fixation de fortune car il faut maintenant remettre cet étai sous tension pour qu’il remplisse pleinement son rôle… Virbac-Paprec 3 reprend cet après-midi sa route vers les Sables d’Olonne. Jean-Pierre Dick a mis en place un système pour maintenir l’étai de solent sur le pont. La situation est sous contrôle et le skipper de Virbac-Paprec 3 est en train de finaliser la réparation.
Cela dit, la voie est loin d’être dégagée et la situation météo, au grand large de Buenos Aires, est pour le moins obscure. A la mi-journée, Armel Le Cléac’h avouait ne pas avoir les conditions prévues par les fichiers météo. Et au pointage de 16 heures, Banque Populaire n’avançait plus qu’à 6,5 nœuds, dans une zone de vent faible. Plus à l’Est, MACIF semble mieux s’en sortir pour l’instant. Il est en tout cas plus véloce (10,2) que son adversaire, même s’il progresse toujours au près serré. Au final, ces péripéties techniques et météorologiques profitent à Hugo Boss. Alex Thomson a encore gagné 39 milles en 24 heures et se rapproche lentement du podium virtuel.
L’autre soulagement de Stamm
A 1700 milles du quatuor de tête, Jean Le Cam vit une approche douloureuse des côtes chiliennes, à coup d’empannages. SynerCiel est à 235 milles du cap Horn. Son passage y est prévu demain (mardi) matin. Dans son sillage, tout le monde serre les dents en attendant la délivrance. Mike Golding devrait entrer en Atlantique Sud une douzaine d’heures derrière SynerCiel. Puis ce sera au tour de Mirabaud et de Cheminées Poujoulat.
Pour Bernard Stamm, le passage du Horn sera aussi un soulagement, mais pas pour les mêmes raisons que ses congénères. Son équipe est en train d’étudier les solutions pour le ravitailler en carburant dès qu’il aura doublé le fameux caillou.
Ils ont dit
Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) : « La nuit a été difficile. Il y avait du vent au près assez fort, des grains jusqu’à 45 nœuds et une mer démontée. C’était un peu les montagnes russes et ce n’était pas drôle à vivre. Le vent n’est pas du tout dans la bonne direction par rapport à ce qui était prévu sur les fichiers. On va attendre que ça tourne un peu mais je ne comprends pas. La remontée de l’Atlantique Sud, ce n’est pas ce qu’il y a de plus sympa. Ce ne sont pas les meilleures journées du Vendée Globe. On va vers le nord et un alizé un peu plus stable mais on essaie de progresser tant bien que mal. »
Dominique Wavre (Mirabaud) : « La mer est toujours croisée mais elle est moins haute, ça s’est un peu arrangé. Le bateau enfourne encore un peu et la stabilité n’est pas extraordinaire. Mais on est à 20 nœuds au lieu de 30 donc c’est plus facile. On fait route vers le cap Horn, je pense y être dans 48 heures. J’ai bien pu roupiller cette nuit, un peu par hasard car je n’ai pas entendu mon alarme. C’est la première fois depuis le début du Vendée que je dors 3h d’affilée. »
Mike Golding (Gamesa) : « Les conditions restent sauvages, mais les claques à 40 noeuds sont désormais derrière. Actuellement, on n’essuie plus des pluies diluviennes avec le renforcement du vent, et on peut mener de nouveau le bateau à 100% de son potentiel. La mer a été horrible. J’en ai déjà vu des pires, mais là, elle était vraiment très confuse. Parfois, les claques étaient vraiment redoutables, et j’ai passé beaucoup de temps à essayer de prévenir les plus mauvaises d’entre elles. Cette nuit, j’ai eu une claque vraiment casse-bateau. J’étais au poste de navigation, et j’ai failli me mettre la tête à travers l’écran d’ordinateur ! Quand cette grande claque est arrivée, tu sens que c’est le bateau qui risque de se briser les os. »
Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur) : « On est les ingénieurs multifonctions mais effectivement de temps en temps, la mécanique ça peut être de la couture par exemple. Il faut savoir faire un peu de tout. C’est important d’avoir de l’expérience dans ce domaine. »
Jean Le Cam (Synerciel) : « « C’était le pompon cette nuit. Le bateau a planté dans plusieurs vagues, il y avait de la flotte partout dans le cockpit. Je pensais qu’on était arrivé au maximum mais là, on touche le fond. Pacifique mon œil ! Normalement, il y a une accalmie à l’horizon, enfin à chaque fois je dis ça. L’espoir fait vivre ! Maintenant c’est tout droit vers le Horn. »
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 5539.7 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 59.2 nm
3 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 336.6 nm
4 Alex Thomson Hugo Boss à 578.9 nm
5 Jean Le Cam SynerCiel à 1706.4 nm
6 Mike Golding Gamesa à 1952.7 nm
7 Dominique Wavre Mirabaud à 2010.6 nm
8 Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 2037.0 nm
9 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2246.0 nm
10 Javier Sanso Acciona à 2249.2 nm




















