« L’étai s’est cassé mardi matin. Heureusement le mât n’est pas tombé, j’ai réussi à le sécuriser avec des drisses et à naviguer presque normalement depuis. » Gildas Morvan avait jusqu’ici tenu secrète cette information essentielle : en tête de la transat Bénodet-Martinique, il ne souhaitait pas révéler cette information à ses concurrents. Au passage, le skipper de Cercle Vert, tenant du titre, tient très bien son rang au Nord, malgré cette importante avarie. Car s’il est passé de la première à la huitième place ces dernières 48 heures, ce n’est pas dû à un manque de vitesse mais simplement parce que les partisans de l’option Sud ont pris les devants. Probablement momentanément d’ailleurs car les Nordistes devraient de nouveau avoir l’avantage ce week-end, dans un de ces classiques coups d’élastique. A tel point que « les routes vont converger et la course peut-être prendre un nouveau départ à l’ouest des Açores », estime Gildas. Mais là-bas, on attend pour lundi un coup de vent « à 35-40 nœuds », via le passage d’une dépression très active.
S’arrêter… ou pas ?
Or, depuis la rupture de cette pièce essentielle du gréement, Gildas Morvan vit avec une épée de Damoclès au-dessus des épaules. « Dans la tête c’est dur, tu te dis que le mât peut tomber, qu’il ne faut faire aucune erreur. Et puis ça m’oblige à affaler dès que je dois faire un changement spi/génois. Bref, ce n’est pas très confortable. »
Gildas a réussi à bricoler un étai de secours en utilisant celui qui a lâché et qui pourrait être installé pour reprendre une fonction normale… à condition de pouvoir grimper au mât. Il a tenté cette périlleuse ascension à mains nues trois fois aujourd’hui vendredi, en vain. « C’est trop risqué, trop galère, je n’ai pas de prise, pas de moyen de m’assurer et avec la houle, je n’y arrive pas ».
Deux solutions sont envisagées par le skipper de Cercle Vert, qui a éliminé celle d’une escale technique dans un port des Açores en faisant venir son préparateur : « ce serait trop pénalisant en temps pour la suite de la course ». D’ici demain soir (samedi), Gildas Morvan décidera donc entre deux options : « ou bien je m’arrête sous le vent d’une des îles qui est sur ma trajectoire pour tenter de réparer seul… ou bien je décide de continuer comme ça ». Il y a des précédents : des concurrents ont réussi à traverser avec cette même avarie, mais il y a forcément un risque et si d’aventure on doit rencontrer des conditions qui obligent à naviguer au près, c’est quasiment mission impossible : on risque trop le démâtage et on ne peut pas tirer sur la machine. D’un autre côté, il est rare d’avoir beaucoup de près à faire dans cette traversée de l’Atlantique à cette époque et à cette latitude. Gildas Morvan décidera d’ici 24 heures. Affaire à suivre de (très) près, donc.