Le grand sud n’épargne personne, ni les hommes, ni les bateaux mis à rude épreuve. Après deux semaines d’une remontée folle très sud qui a permis à Louis Burton de hisser Bureau Vallée II temporairement sur la deuxième marche du podium de ce Vendée Globe, Louis Burton doit faire face à quelques difficultés. Des problèmes de pilote ce week end et de voile ce lundi. Il s’est mis dans une zone de calme pour pouvoir réparer.
Il fait nuit noire. Sur une mer cabossée, au nord des îles de Possession, par la latitude 44°Sud, poussé par des rafales à près de 40 nœuds, Louis Burton a laissé dériver quelques heures son IMOCA Bureau Vallée 2 pour tenter de réparer son pilote automatique hors de contrôle. 100 fois en 24 heures, Louis a débranché, rebranché, secoué comme un prunier, ses câbles électroniques. Pendant ce temps-là, à terre, Davy Beaudart, son ami de toujours, tente de faire bonne figure, mais l’angoisse prévaut dans chaque geste du quotidien en famille ou dans son chantier naval d’Hennebont.
« C’est à la fois excitant, mais on serre les fesses à chaque fois qu’il y a un problème à bord, surtout dans ces mers du Sud dures et stressantes. Avant-hier, Louis nous a prévenu que rien ne marchait à bord du point de vue de l’électronique. Il est parti en vrac plusieurs fois. La centrale partait en rade. C’est un capteur qui faisait court-circuit. Il doit être crevé. » confiait Davy Beaudart ce matin, la gueule de bois, pas d’une nuit festive, mais d’un cerveau en ébullition permanente.
Pour celui qui connaît Louis depuis longtemps pour avoir régaté en équipage contre et avec lui, pour avoir aidé à la préparation de chacune de ses courses au large depuis ses débuts en Class40, pour avoir également été son co-skipper sur la Transat Jacques Vabre 2019, l’immersion est totale sur le suivi de la grande boucle planétaire. « Je ne pensais pas que cela prendrait une part aussi grande dans mon quotidien. Je connais par cœur Louis et son bateau. Je sais qu’il n’a peur de rien, qu’il est capable de tout réparer, c’est un dur au mal. » poursuit Davy. De son précédent Vendée Globe sur « un tank qu’il pouvait charger en toile » précise Davy, à cette machine à foils bien plus énergivore et qui ne demande qu’à cavaler, le jeu n’est pas le même. C’est plutôt le pied sur le frein, avec beaucoup de sensibilité dans les choix de voiles et dans les réglages qu’il faut gérer ce long et violent tunnel qui traverse les océans Indien et Pacifique. « La mer est forte et croisée, ça tape, et les foilers ne demandent qu’à accélérer. Il faut retenir le bateau et jouer en permanence entre les accélérations et les freinages. C’est un mode d’emploi drastique, mais Louis connaît son bateau par cœur, c’est pour cela qu’il peut se permettre de faire une route engagée. » précise Davy Beaudart, qui ne cache pas son admiration pour son « pote » de toujours.
Tandis que Louis Burton va tenter de récupérer de ses efforts (il est également allé au bout de son bout-dehors pour enrouler une voile d’avant !), c’est en famille que Davy va tenter de passer une journée sereine. « Si les nouvelles sont bonnes ce matin, ce sera une bonne journée ! » sourit’il. Téléphone à portée de main, ordinateur ouvert sur la carto, travaux manuels avec ses enfants de 8 et 3 ans, mais toujours l’esprit tourné vers le large et les 40e hurlants, ça se passe comme ça un dimanche à terre quand on suit un proche, presque un frère…
Louis Burton, joint à la vacation de l’organisation du Vendée Globe, dimanche à 5h :
« Je suis assez mal cramé. Mes ennuis ont commencé avant-hier ( vendredi) à 18h, et je n’ai pu me reposer un peu que cette nuit. Le problème, c’est que pour réparer mes ennuis, il aurait fallu de la pétole. Et quand je regarde l’horizon, je me dis que ce n’est pas pour tout de suite le calme plat ! A un moment, je n’arrivais plus à faire route, je barrais car je n’arrivais pas à résoudre les problèmes de pilote. J’ai affalé, laissé le bateau dériver pour essayer de résoudre, et je me suis vraiment dit que je ne pourrais pas continuer la course. Maintenant, c’est résolu ! Pour faire court, le bateau est en réseau, et donc s’il y a un élément qui merde sur le réseau ça fout en l’air le reste et tu n’as aucun moyen de savoir ce qui ne va pas. Il faut débrancher un par un chaque câble et il y en a des centaines ! Et à un moment, au bout de longues heures, ça s’est remis à marcher. Ce n’était pas bien passionnant : j’ai branché, débranché pendant des heures. Cette nuit, c’était assez mou le long de la ZEA (Zone d’Exclusion Antarctique), c’est rentré vers 1h du matin, et là, c’est fort : entre 30 et 35 nœuds, mais la mer est relativement raisonnable par rapport à ce que j’ai connu jusqu’à présent. Il y a 5 m de creux dans le bon sens. Et puis, cette nuit toujours, je ne pouvais plus enrouler ma voile d’avant, il a fallu aller faire le guignol au bout du bout-dehors. Ma stratégie, c’est de rester en avant du front. Là, je suis en retard, je ne suis pas sûr de rester devant, il faut que j’aille vite sur ce bord en bâbord. Ça va être très fort à un moment notamment au passage des Kerguelen. Il faut absolument que je range le bateau maintenant, parce que je ne veux pas de sur-accident. Je me dis que les autres ont aussi des problèmes, il faut s’accrocher, et c’est ce que je fais ! ».