Premières réaction de Jérémie Beyou : ” C’est une belle 4ᵉ place. Il y avait trois concurrents devant, qui ont été meilleurs. Sébastien Simon, en particulier, a réalisé une course remarquable, et sa performance a été justement récompensée. C’est fantastique qu’il soit sur le podium. Bravo également à Yoann, et surtout à Charlie Dalin. Cela m’a manqué de ne pas pouvoir me bagarrer avec lui sur cette édition. Charlie a rendu une copie parfaite, 20/20. C’est un régatier XXL, capable de faire les bons choix partout. Il réalise une prestation magistrale.
Les derniers jours ont été éprouvants, à l’image de tout ce Vendée Globe. Rien que de passer le cap Finisterre a été une bataille, et j’ai franchi la ligne sous grand-voile seule. Cela ne m’était jamais arrivé de toute ma carrière. Les phénomènes météo que j’ai rencontrés n’étaient pas faciles à gérer : Ce fut un vrai casse-tête.
Ce qui était motivant, c’était d’avoir des concurrents autour de moi, comme Sam Goodshild, Nicolas Lunven, Thomas Ruyant ou Justine Mettraux. Cela a représenté un vrai challenge, mais aussi une grande fatigue. Parfois, je leur demandais presque qu’ils disparaissent de mon AIS pour me laisser souffler ! Je dormais une heure, et à mon réveil, ils étaient de retour, toujours là. Cela a exigé de remettre du charbon en permanence pendant 1,5 mois. C’était intense.
J’aurais adoré rester dans la bataille avec les trois premiers. Cela aurait été comme une Solitaire du Figaro à l’échelle planétaire.
L’expérience et les défis de la course
Un IMOCA, c’est une caisse de résonance, au sens propre comme au sens figuré. Cela amplifie tout, y compris les émotions. Cette course est avant tout mentale. On est face à soi-même, et il faut apprendre à gérer ses réactions. Parfois, nos émotions sont disproportionnées, mais on vit dans un monde à part, centré sur notre course, pendant deux mois. Cela explique pourquoi certaines vidéos peuvent donner l’impression qu’on vit « la fin du monde ».
Où s’est joué la course ?
Charlie et moi sommes sortis ensemble du pot au noir, mais mon problème au genou ne m’a pas aidé. J’ai perdu des milles à ce moment-là. J’ai réussi à revenir un peu sur lui, après à l’approche de la grosse dépression, nous n’avons pas réussi à attraper la bascule. Nous avons dû la contourner, ce qui nous a fait perdre du temps. Yoann, lui, a réussi à se faufiler, et c’est là que l’écart s’est creusé. Cela s’ets joué à pas grand chose.
Dans le Pacifique, nous avons encore pris du retard, et l’Atlantique n’a pas permis de le rattraper. Cela s’est joué à peu de choses, mais les petits écarts se sont cumulés.
Les problèmes techniques
Dès le départ, j’ai été confronté à des soucis techniques : des capteurs électroniques défaillants, des problèmes d’accastillage… J’ai terminé la course avec une seule girouette fonctionnelle sur quatre. J’ai aussi eu des soucis avec les hooks, les galettes d’enrouleurs, et d’autres pièces mécaniques qui n’étaient sans doute pas dimensionnées correctement.
Ces problèmes m’ont handicapé. Dans les données, on passe peut-être à côté de certains pics de performance. Certaines avaries, causées par des mers croisées, m’ont également ralenti, alors que d’autres concurrents n’ont pas eu à les affronter. Cela fait partie du sport mécanique : il y a des joies, mais aussi des peines.
Le pilote automatique, bien que gérable, représentait une épée de Damoclès permanente. Cela m’empêchait de bien dormir. Pour réussir une performance parfaite, il faut que toutes les planètes s’alignent.
La stratégie
Entre coureurs, on échangeait régulièrement. Nicolas Lunven et moi avons souvent eu des trajectoires similaires. Mais, au large de Cabo Frio, nos options ont divergé. Lui, en tête, s’est fait piéger, tandis que j’ai pu profiter de ma position pour être plus offensif. Cela a souvent été un désavantage d’être leader dans notre groupe, car cela bloquait les possibilités tactiques.
Dans l’Atlantique, mes safrans m’ont permis de faire voler le bateau très vite, ce qui m’a aidé dans les conditions difficiles.
La suite de l’aventure
L’aventure, c’est aussi la confrontation. Ce Vendée Globe est une course planétaire, et chaque édition est unique. L’année prochaine, je me consacrerai à une saison en équipage et en double. Charal est un bateau fantastique, et je serai à son bord en tant que skipper jusqu’à la Route du Rhum. La suite, un prochain Vendée Globe. On verra.