Une navigation peu confortable dans l´Indien

Virbac-Paprec Dick
DR

Dans ces mers chaotiques, ces vents variables et violents, les bateaux souffrent. Les navigateurs parlent des masses d’eau qui submergent littéralement le pont du bateau, des étraves qui plongent dans la vague précédente quant le voilier part au surf, des craquements sinistres quand les quelques tonnes de carbone s’écrasent à l’arrière d’une vague trop abrupte. Face à cette situation, les solitaires se divisent en deux camps. Les pragmatiques froids analysent avec lucidité les contraintes que subit leur outil de travail, se reposent sur les calculs de résistance des matériaux des bureaux d’études. D’autres ont une relation plus charnelle avec leur monture et n’hésitent pas à cajoler leur bichon, lui parler, lui donner des petits noms ; ils endurent avec lui quand la mer le malmène.

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« Les derniers seront les premiers. Pain blanc après pain noir… » Les solitaires en route sur les traces de l’Indien ont tout leur temps pour digérer diverses métaphores concernant leur position au sein de la course, de même que la manière de le vivre. Tous ont l’occasion de vérifier la fragilité d’une situation qui peut basculer en quelques heures. Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) qui, hier encore, pouvait sembler décroché du trio infernal Armel Le Cléac’h (Banque Populaire), Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), François Gabart (MACIF), ne pointe plus qu’à 77,8 milles de la tête de course, à moins de vingt milles du podium.

Et pourtant, le navigateur suisse n’était qu’à moitié satisfait du comportement de sa machine, exprimant son sentiment de ne pas réussir à aller très vite. Comme quoi, vérité d’ici peut valoir mensonge ailleurs. Pour tous les solitaires engagés dans l’Indien ou bien en passe de l’être, il s’agit de trouver le moyen d’aller au plus vite, au plus court vers la porte de Crozet, avant de se faire happer par les calmes de l’anticyclone qui se constitue dans le nord de cette nouvelle marque de parcours.

Un navigateur manie l’art consommé de la parabole. Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets), en contournant l’anticyclone de Sainte-Hélène par l’ouest, a renoué avec la pureté de certaines figures géométriques, décrivant une courbe harmonieuse vers les quarantièmes. Mais surtout, le navigateur aux 4000 sponsors déboule à plus de 15 nœuds de moyenne. Après avoir croqué Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur), nul doute qu’il aimerait bien accrocher à son tableau de chasse l’Akena Vérandas d’Arnaud Boissières. Mais avec un bateau de même génération et l’expérience d’un tour du monde sous la quille, il n’est pas dit que la brebis vendéenne se fasse croquer sans résistance par le loup cornouaillais. Pour Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) comme Alessandro Di Benedetto (Team Plastique), une navigation toute en méandres témoigne de leur volonté de couper au plus court sans pour autant se faire piéger par Sainte-Hélène, toujours aussi pugnace.

Ils ont dit

François Gabart (MACIF) : « Le jour où ils ont déplacé la porte, j’ai tout de suite regardé et je savais que c’était chaud. Je ne vais pas trop traîner sur le chemin car, plus on va arriver tard là bas, plus on aura du vent faible. Hier, ça a été super dur car le vent était très instable. Je suis passé au près, au portant donc j’en ai bien bavé et ça m’a pas mal fatigué. »

Jean Le Cam (SynerCiel) : « Chaque jour est différent. Cette nuit, il y a eu pas mal de vent. Il y avait de l’air dans la dépression mais là ça a tendance à se calmer. Mais cette nuit, la mer déferlait donc ce n’était pas facile à gérer. La stratégie va être celle de tout le monde, à savoir : éviter l’anticyclone qui se présente mais pour le moment, ce n’est pas facile. »

Tanguy De Lamotte (Initiatives-cœur) : « Je fais du tourisme. Je suis en train de passer à côté d’une île qui s’appelle « Inaccessible Island ». Je suis au plus proche. C’est dans l’archipel de Tristan da Cunha. Je vais pouvoir voir deux îles. J’ai fait plein de photos, c’est très joli. Je suis passé à coté d’une nappe d’oiseau, c’était vraiment incroyable. »

Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) : « Ce n’est pas facile. Il faut que ça se stabilise car c’est un peu le rodéo des mers. Le cheval a plutôt tendance à enfourner. Le bateau prend de la vitesse et s’écrase dans la vague après. Il y a beaucoup d’eau qui passe par-dessus le bateau. Je ne sais pas trop quelle voile mettre. »

Classement de 16h

 1         Armel Le Cléac’h  Banque Populaire à 17 475.9 nm
 2         Jean-Pierre Dick  Virbac Paprec 3 à 53.0 nm
 3         François Gabart Macif à 61.0 nm
 4         Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 77.8 nm
 5         Alex Thomson Hugo Boss à 207.1 nm
 6         Mike  Golding Gamesa à 508.7 nm
 7         Jean Le Cam  SynerCiel à 551.6 nm
 8         Dominique Wavre Mirabaud à 586.1 nm
 9         Javier Sanso Acciona à 1135.8 nm
 10       Arnaud  Boissières Akena Verandas à 1640.7 nm