Pas de grandes options tactiques au programme des prochains jours, mais une course de vitesse où il va falloir savoir doser les efforts pour aller vite tout en veillant à ménager le matériel. Car le Pacifique, c’est une traversée de près de 5000 milles. C’est pourquoi, tous s’acharnent à travailler sur leur bateau, de manière à pouvoir affronter ce tronçon de la course dans les meilleures conditions possibles.
Même en tête de course, les deux leaders, pourtant fort avares de confidences sur leurs petits malheurs, se sont laissés aller à reconnaître que les journées précédentes à haute vitesse avaient été particulièrement éprouvantes. Entre le bruit répercuté dans l’habitacle de carbone, les chocs des vagues, les mouvements désordonnés du bateau au gré des déferlantes, difficile de trouver le repos. Joints ce matin, Armel Le Cléac’h comme François Gabart avouaient goûter des conditions plus clémentes, même si leur vitesse s’en ressentait.
Bernard Stamm a d’autres soucis. Le navigateur suisse a le nez dans la boite à outils, avec la nouvelle défaillance de sa colonne de winch et des problèmes récurrents de fixation de ses hydrogénérateurs. Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets) doit, en premier lieu, pouvoir installer de nouveau un emmagasineur de secours après la rupture de son premier. Mais pour ce faire, il faut que le navigateur bigouden puisse aller travailler à l’extrémité de son bout dehors, opération impossible dans les conditions actuelles de mer et de vent. Même ceux qui n’ont pas révélé de soucis techniques majeurs sont rattrapés par la fatigue, à l’image d’un Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur) avouant avoir dormi six heures d’affilée alors qu’il était parti pour une sieste de quelques dizaines de minutes. Seul Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) affiche une forme éclatante, malgré une navigation dans les petits airs, toujours agaçante.
Pour l’heure, tout ce petit monde devrait être propulsé dans un flux général d’ouest. Mis à part quelques empannages, il s’agira avant tout d’être sur les réglages, de garder la toile du temps, d’accepter parfois de prendre la barre pour être plus efficace. Les écarts devraient se stabiliser plus ou moins, en tenant compte toutefois des différences de potentiel des bateaux.
Mais d’ici deux jours, la situation pourrait évoluer. Le régime d’ouest à sud-ouest pourrait être cassé par le développement d’une zone de basses pressions relatives sur la route des deux premiers. Des vents faibles pourraient les attendre aux abords de la porte Pacifique Ouest, obligeant à un détour conséquent dans le nord. Ce sera peut-être l’heure des choix tactiques pour les premiers. A chaque fois que la situation s’est présentée, Armel Le Cléac’h a opté pour des trajectoires plus tendues quand François Gabart préfère jouer la vitesse. Mais surtout, ce serait peut-être l’opportunité pour les poursuivants de recoller. S’il venait à revenir sur les deux leaders, Jean-Pierre Dick pourrait alors se trouver dans une situation idéale : celle du chasseur à l’affût d’une faute ou d’une évolution des systèmes météo.
PFB
Ils ont dit
François Gabart (MACIF) : « J’aperçois Armel, pas en permanence, mais vu qu’il est à 5 milles de moi, je vois souvent son bateau. C’est assez génial, d’ailleurs. Mais nous ne sommes pas non plus en configuration régate, je n’adapte pas mes décisions, mes manœuvres et ma navigation à ce que je le vois faire, j’ai ma course à courir. »
Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) : « Les conditions se sont un peu calmées après 48h difficiles. On peut se reposer un peu, faire le tour du bateau sans passer son temps à quatre pattes. Le vent va de nouveau entrer un peu et on va accélérer pour atteindre les 180° Est… J’essaye de penser à autre chose qu’à MACIF. On navigue à vue depuis 36h. C’est un bon repère en termes de vitesse et de trajectoire. Mais j’essaye de faire moi ma route, bien que nos logiciels soient quasiment les mêmes. Pour l’instant il n’y a pas de grosse option, on verra plus tard s’il est possible de tenter quelque chose. »
Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) : « Le vent et la mer ont bien molli, on est dans une petite transition avant que le vent ne re-rentre d’ouest. J’ai de nouveau perdu ma colonne (ndlr : de winch, réparée récemment) c’est de nouveau du travail de forçat… Il faudra que je la répare mais pour l’instant j’ai la tête à mes hydrogénérateurs. Je fais les choses par ordre de priorité. Là, en ce moment, il y a 90% de plaisir de naviguer et 10% de frustration. Mais quand je viens de finir de réparer l’hydrogénérateur mais qu’il s’arrache de nouveau dix minutes après, là c’est 100% frustration et plus envie de naviguer ! »
Arnaud Boissières (AKENA Vérandas) : « Les conditions se sont vraiment améliorées depuis ce matin, je ne suis plus à quatre pattes mais à deux. Je suis un peu courbaturé de partout, la moindre manœuvre est un peu plus compliquée. Quand on se met debout pour aller dehors, c’est un peu le parcours du combattant. »
Javier Sansó (ACCIONA) : « Les conditions sont ce qu’elles sont, on ne peut pas y faire grand chose, on essaie juste d’y faire face et de garder le rythme. Il y a un système de basse pression qui est en train de se développer juste au-dessus de nous, ça risque de pas mal changer la donne, il va falloir sérieusement garder un œil dessus. Je ne suis pas sûr de bien voir pourquoi Jean Le Cam est parti au sud. Mais moi, personnellement, je suis ravi d’être où je suis actuellement. »
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 11 184.9 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 2.5 nm
3 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 547.6 nm
4 Alex Thomson Hugo Boss à 887.2 nm
5 Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 892.9 nm
6 Jean Le Cam SynerCiel à 1708.7 nm
7 Mike Golding Gamesa à 1879.8 nm
8 Dominique Wavre Mirabaud à 1968.0 nm
9 Javier Sanso Acciona à 2043.2 nm
10 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2789.9 nm